Le troisième jour d'audience du procès de l'explosion d'un immeuble, quartier Wilson à Reims (Marne), s'est ouverte ce matin du mercredi 19 juin. Un procès attendu depuis onze années par les familles des victimes, qui sont appelées à la barre aujourd'hui après deux journées consacrées aux expertises.
Deux entreprises : Mulot, Must Multi Services. Un employé relevant de cette dernière. Ils sont au centre d'un procès en correctionnel devant le tribunal de Reims (Marne). Les chefs de poursuite sont l'homicide involontaire (trois personnes), les blessures involontaires (seize personnes), et la destruction involontaire du bien d'autrui, qui ont eu lieu lors de l'explosion en 2013 d'un immeuble du quartier Wilson.
Le procès, attendu depuis onze ans, s'est ouvert le lundi 17 juin 2024, jour pendant lequel un expert a été longuement entendu. Le deuxième jour a été quasiment entièrement consacré à l'audition d'autres experts, pas d'accord entre eux. Leur pronostic est pourtant essentiel pour établir les responsabilités dans ce drame.
Une matinée pour un robinet
La présidente de la séance, Tamara Phillips, fait son entrée à 09h05. Une journée chargée s'annonce : prévenus le matin, victimes ensuite. On sait déjà qu'elle débordera sur le jeudi, même si le procès ne devait durer que trois jours à l'origine. Et ladite matinée va être à nouveau technique, pour des détails qui au fond n'ont pas la même importance selon les experts interrogés précédemment.
Elle débute avec l'audition du responsable de Mulot, l'entreprise qui était chargée de l'entretien des chaudières et des changements de robinets de gaz. Elle n'avait pas encore pu être entendue durant les deux jours précédents, fortement dévolus au bal des experts qui sont rarement d'accord entre eux. Le responsable parle, mais on ne l'entend pas. L'un des avocats des parties civiles se lève pour le signaler. Rapidement, le responsable redresse le micro (il était baissé), et fléchit les genoux pour être à sa portée : l'appareil est supporté par un trépied qui ne va pas très haut.
La présidente essaie d'en savoir plus sur le robinet de la première des victimes, Rachida Laidouni. Elle vivait dans l'appartement 1A, là où a eu lieu l'explosion, au premier étage de l'immeuble situé au 8 de l'allée Beethoven (voir sur la carte ci-dessous).
Elle veut notamment s'assurer s'il était de nouvelle génération (ROAI), qui aurait peut-être pu (selon les cas et avec divergence selon les experts) prévenir le drame. Mais aussi s'il aurait bien dû être contractuellement installé, ou s'il avait fait l'objet d'un branchement amateur. Rien n'est sûr, les réponses sont toujours assez techniques, comme pour les deux jours précédents, et il est facile de s'y perdre.
Questionné ensuite par l'avocate de la famille Laidouni, le responsable de Mulot soutient qu'un robinet de nouvelle génération ne se trouvait normalement pas chez l'occupante du premier étage, si l'on en croit un bon d'intervention. Une autre avocate cherche à savoir s'il devait y avoir remplacement, et si oui, pourquoi le robinet n'a pas été changé. "C'est l'un des seuls éléments sur lesquels les experts sont d'accord : il devrait y avoir un ROAI, or il n'est pas là." Car ce robinet a été retrouvé. Elle reproche un "manque de sérieux" de l'entreprise pour "une question aussi essentielle que le gaz", et des "suppositions" malvenues. Et veut savoir si depuis, les visites d'intervention, les documents, ont fait l'objet de changements pris à la lumière du drame.
Puis l'avocat du Foyer rémois demande comment, et surtout où, un technicien était censé indiquer sur les fameux bons d'intervention si un quelconque fait avait empêché le changement du robinet. Un quatrième avocat questionne sur la formation des techniciens, ce qui fait écho aux questions posées dès le premier jour d'audience à l'employé de la société Must Multi Services chargé des visites d'entretien... On entend soudain une notification téléphonique (la sonnerie "alerte actu" de France Info), et la présidente rappelle vertement au micro, comme la veille, que "les téléphones ne sont pas autorisés".
La procureure n'a pas de questions à poser. La parole est maintenant à la défense. Nouvelle remarque sur le fait "qu'on n'entend pas". La présidente fait pourtant remarquer qu'elle a "la bouche collée au micro", mais reconnaît que "l'acoustique" de la salle laisse à désirer. Une autre avocate veut elle aussi en savoir plus sur les fameux bons d'intervention, et laisse entendre que "des novices" semblaient envoyés effectuer les visites. Le responsable finit par expliquer que "tous les jours, notre entreprise pense à la sécurité pour éviter les erreurs, même si ça arrive. Tout ce qui est fait par la société, c'est organiser les choses pour éviter les erreurs. Il a pu arriver une erreur en 2007, par notre technicien", en référence au fameux bon d'intervention mentionnant un changement de robinet.
Les éclaircissements du Foyer rémois
Rappelé après le départ du responsable de Mulot, le responsable du Foyer rémois (partie civile) explique à partir de 10h15 qu'il n'a jamais été confronté à des locataires qui entreprennent eux-mêmes de changer leurs robinets. Il avance aussi qu'aucune intervention particulière n'avait été demandée par madame Laidouni, et que la consommation de gaz ne semblait pas anormale. En 2004, lors de son installation dans cet appartement, il n'apparaît pas possible que le robinet a pu être changé.
L'avocate de la famille Laidouni rappelle que "plusieurs locataires se sont plaints d'une odeur de gaz dans les communs", ce que ne semble pas reconnaître le responsable du bailleur. La présidente cite des témoignages de personnes vivant au numéro 4, 6, et numéro 8B, mais précise que "la psychologie peut jouer pour les témoignages datant du jour de l'explosion". Le seul survivant de la zone dévastée de l'immeuble (8A), le locataire du troisième, en aurait attesté.
L'une des avocates de la défense recontextualise les éléments suivants, approuvés par le responsable du Foyer rémois :
- 2004 : emménagement de Rachida Laidouni, ancien robinet présent, aucune obligation de le changer
- 2005 : contrat du Foyer rémois avec Must Multi Services
- 2007 : contrat du Foyer rémois avec Mulot
- 2007 : visite de Mulot, logiquement aucun changement de robinet (et pas encore d'obligation de le faire)
L'employé encore longuement interrogé
À 10h37, on rappelle l'employé de Must Multi Services. Il est un peu ému. "Ça me touche, j'y pense tout le temps, j'essaye de comprendre ce qu'il s'est passé." La présidente le questionne. "Vous vous sentez responsable ?" Il répond par la négative. Pour lui, il a fait son travail, des contrôles "visuels", comme prévu. "Quand je suis passé, il n'y avait pas de fuite de gaz. La flèche d'un robinet n'indique pas qu'il s'agit d'un ROAI. Il faut que ce soit écrit ROAI." Un expert a affirmé le contraire.
Une dispute entre la défense et la procureure éclate quand on fait remarquer qu'il n'est pas intervenu en visite en 2011, mais avait connaissance du contenu du bon. "Je me souvenais être intervenu allée Beethoven deux fois. J'ai confondu." Son avocat hausse la voix. La présidente rappelle qu'on ne voit pas la signature de cet employé sur le bon de 2011. La procureure essaye de requestionner à haute voix l'employé, se fait renvoyer à plus tard par la présidente, et soutient "qu'il faut arrêter de se [ficher] du monde". La présidente demande à l'avocat de l'employé d'arrêter "de lui crier dessus". Mais il rétorque que "je ne suis pas en train de crier", puis la présidente suggère calmement : "redescendez".
L'avocat du Foyer rémois revient vers l'employé. "Je vais être calme, madame la présidente." Il rappelle que l'employé disait en 2016 (puis en 2020) "se souvenir en 2011 que son tuyau était périmé depuis 2009". Et ne comprend donc pas comment il peut être si "catégorique". L'employé répète avoir "confondu" : il est intervenu en 2013. Les échanges paraissent un peu confus : on passe des années de visites aux années de péremption du tuyau puis à l'emplacement des valves. L'employé semble reconnaître une marge d'erreur, puis estime être certain concernant le tuyau (et l'année des visites).
Une autre avocate le questionne sur la présence et/ou l'utilisation d'un historique concernant l'appartement 1A. "En 2011, attention au flexible périmé. En 2012, la visite ne peut pas être réalisée. En 2013, on ne mentionne plus ce flexible. Pourquoi ? On vous l'avait dit ? Vous l'aviez constaté ?" La présidente redemande alors s'il est possible qu'il n'avait pas vérifié les bons précédents lors de sa visite en 2013. "C'est possible." Un nouvel avocat, toujours aux parties civiles, rappelle que l'employé n'avait "aucune compétence en gaz", à nouveau comme au premier jour d'audience. Beaucoup de redites. La procure finit par questionner le prévenu. "Avez-vous des troubles de la mémoire ?" Et la défense, comme au premier jour, de rappeler que l'employé avait été formé.
L'une des assesseuses demande à l'employé s'il contrôle les robinets lors des visites. "Oui, systématiquement." Son avocat précise que la vérification porte sur le fonctionnement du robinet, pas sur son type (ROAI ou non). "On vérifie qu'il n'y a pas de fuite de gaz, c'est ça l'essentiel", soutient l'employé.
Must défend ses procédés
Puis à 11h13, le responsable de l'entreprise Must Multi Services succède à son employé. Il défend à nouveau la formation qui lui a été donnée, comme au premier jour. "C'est de la maintenance préventive, on ne démonte rien, c'est du constat visuel." Et dénonce les "pressions" exercées sur son employé, ce qui peut nuire à ses explications et entraîner "une situation d'incompréhension". Il rappelle qu'il n'y avait pas à changer de ROAI lors de ces visites en cours de location (contrairement à une première visite après emménagement). Et que même "une micro-fuite" aurait été détectée "au millième" en consultant les compteurs (ce qui est normalement fait au cours des visites).
On a toujours l'impression que beaucoup d'éléments expliqués aujourd'hui l'ont déjà été au cours du premier jour : la formation, les contrats de vérification, les modalités de changement des robinets, les modèles de robinets et leurs appendices, les contenus des visites... L'avocat de l'employé réintervient, bon à la main, affirmant qu'un robinet ROAI constaté chez un voisin en 2012 peut avoir suscité la "confusion" de son client.
Les victimes à la barre
Peu avant midi, après ces longs échanges concernant les prévenus, commencent les vérifications des identités des trois personnes tuées, puis des seize autres officiellement reconnues comme blessées. Les avocats des parties civiles parlent des dommages et traumatismes des familles.
La première d'entre elle s'exprime à la barre, mais on n'entend pas. La présidente a l'air pincé. "Un vrai hall de gare, cette salle. C'est particulièrement malpoli de sortir quand une dame commence à témoigner." Le silence est à nouveau religieux. Et c'est nécessaire : cette mère de famille raconte avec force détails la poussière envahissant son logement, un trou béant dans le mur, et son mari extrait des décombres. "J'ai eu l'explosion devant les yeux. Comme dans un film de guerre." Elle précise aussi les pertes de mémoire de son mari (encore vivant dans la période suivant le drame mais mort deux ans avant le procès), "toujours triste après l'explosion", dues au traumatisme.
Elle même a dû prendre des médicaments, évoque des crises d'angoisse. "Comment je vis, me forme, si j'ai peur de sortir seule de chez moi ?" Elle rate son passage du permis de conduire, fait deux fausses-couches. Et tout cela est encore extrêmement présent. "Je n'ai pas bien vécu ces trois jours d'audience. J'ai l'impression d'être à nouveau après l'explosion." Ses filles la soutiennent. L'une d'elle se souvient "des cris quand on a dû évacuer par le balcon". Elle subit aussi des crises d'angoisse, au point d'éviter les exercices "alerte attentat" au lycée. La mère reprend. "J'ai peur du gaz. Si je sors, je retourne à la maison voir si j'ai bien éteint le gaz. La nuit, je dors mal : je me lève plusieurs fois pour vérifier qu'il n'y a pas le gaz." Sa déposition a duré une vingtaine de minutes, et était très émouvante.
Un moment un peu troublant suit : un monsieur rentre... avec un papier des impôts. Il demande à être entendu. Il faut quelques minutes pour comprendre ce qui se passe et l'envoyer au bon endroit. Le neveu d'une des autres victimes (monsieur Hannou, ne témoignant pas) prend alors la suite, autorisé à témoigner par la présidente bien que ce ne soit pas prévu. "Mon oncle a été transporté rapidement à l'hôpital. Il a été placé en coma artificiel. On n'était pas sûr qu'il soit encore vivant... C'était quelqu'un qui avait des amis, bon vivant, puis il a perdu son entourage. Il a pris beaucoup de poids, est dans un état dépressif permanent. Il y a eu un divorce. Il n'a pas pu être relogé par le Foyer rémois à cause de ses papiers. Le fait qu'il ne pourra plus jamais travailler, ça le pèse énormément." Ses conséquences sont donc physiques, sociales, matérielles, résume la présidente. Le neveu, vivant à Charleville-Mézières (Ardennes), vient fréquemment le voir à Reims, mais leurs rapports ont considérablement changé, se sont amaigris. La présidente annonce les plaidoiries pour l'après-midi. L'avocat du Foyer rémois prévient qu'il plaidera en premier, "pendant trois heures". C'était une boutade : quelques sourires.
Début des plaidoiries des parties civiles
Reprise à 13h40. Il n'y a plus qu'une dizaine de personnes sur les bancs du public. Maître Sébastien Busy, l'avocat du Foyer rémois entame sa plaidoirie. Le conseil confie qu'il n'était pas vraiment sûr de comment il allait la commencer. Rapporte que le jour de l'explosion, il a entendu le boum, la confondant avec le passage du mur du son d'un avion de chasse. Et estime que le Foyer rémois, qui avait subi l'explosion d'un autre immeuble à Witry-lès-Reims le mois précédent, "était une victime lui aussi". Il lui a d'ailleurs fallu longtemps pour avoir la reconnaissance de partie civile, avoir accès au dossier.
Il ne croit ni à la thèse de la micro-fuite, ni à celle du brûleur laissé allumé. Un décrochage du tuyau flexible de gaz paraît plus probant. "C'est mon point de vue." Il charge les entreprises. "Parce que ce robinet avait la forme d'un ROAI, avait la couleur d'un ROAI, eh bien on estime qu'il n'y a pas à le changer." Les experts prennent aussi pour leur grade. "J'ai plus vu des egos surdimensionnés qu'une volonté d'éclairer la situation." Il demande le remboursement des frais de justice au Foyer rémois, mais pas (pour le moment) de dommages et intérêts. Et conclue que l'installation "n'était pas conforme à ce qui était demandé par le Foyer rémois".
Après trente minutes de plaidoirie, il cède la place à maître Cyndie Bricout, l'avocate de la famille Laidouni. Sa voix est forte, vibrante, parfois indignée. Certes, elle comprend qu'il ait fallu beaucoup de temps pour les experts, mais déplore leurs "attitudes affligeantes". Et juge "condescendante" l'attitude des entreprises qui auraient peur "du retentissement dans la presse locale" après le procès. "C'est tout un quartier qui a été meurtri ce jour-là", tient-elle à rappeler. "Bondir de leur lit en croyant entendre une odeur de gaz, c'est la réalité quotidienne des voisins en périphérie" du drame.
Elle rappelle que la soeur de la défunte a été confrontée à sa dépouille, chez le légiste. "Les images sont insoutenables. Quand on voit l'effet du blast sur des murs de béton de dix centimètres d'épaisseur..." Que les rapports mentionnent chez des victimes retrouvées dans les décombres : "décollement du cuir chevelu derrière l'oreille, main arrachée, pied arraché, tibia apparent". Les gorges se serrent dans l'assistance. L'avocate privilégie aussi la thèse du décollement du tuyau flexible et rappelle bien "qu'on n'a aucun élément d'élément intentionnel ou de faute chez la victime. Il ne faut pas insulter la mémoire de ma cliente." Pointant que les entreprises sur le banc des prévenus n'aiment pas qu'on mette en doute le professionnalisme de leurs agents.
Les images sont insoutenables. Quand on voit l'effet du blast sur des murs de béton de dix centimètres d'épaisseur...
Maître Cyndie Bricout, avocate de la famille Laidouni
Elle termine sur demande d'intérêts-civils à 14h30 et la troisième plaidoirie s'enchaîne rapidement. Puis la quatrième avocate, celle de monsieur Hannou, miraculé du troisième étage, pointe d'une voix douce et posée, mais implacable, "une accumulation de défaillances" par les deux entreprises et l'employé sur le banc des prévenus. Son client, "gaucher qui a dû apprendre à être droitier, le bras toujours en écharpe", enchaîne toujours les séances de psychiatrie et de kinésithérapeute. Elle demande, a minima, 30 000 euros pour ce dernier.
La cinquième plaidoirie est celle de l'avocate de la fille de madame Robert, tuée dans son appartement. Elle représente aussi une voisine extrêmement choquée : ses fenêtres donnaient sur les lieux du drame. Le conseil salue "enfin un temps de parole accordé aux victimes" au milieu de ce procès si technique, et surtout de cette "gue-guerre entre experts". Elle déplore qu'on veuille lui faire croire que les "victimes étaient au mauvais endroit, au mauvais moment. C'est dur à entendre." Elle n'a "pas les mots" quant à "la violence inouïe" qu'on retrouve sur les images prises des corps des victimes.
Au tour de maître Sabah Labcir. C'est le conseil de la famille Berkane, qui a témoigné la matinée-même. Elle oppose "la vérité des experts, celle de l'accusation, de la défense, et in fine, la vôtre, madame la présidente : la vérité judiciaire. Mais les victimes ne veulent pas la vérité, mais être absous par votre tribunal." Pas de micro-fuite pour elle, ou de brûleur. On voit le responsable de Mulot, sur les bancs de la défense, secouer légèrement la tête négativement, quand il entend ça.
Il a survécu à un gigantesque morceau de béton tombé sur son lit, mais son coeur n'a pas supporté le stress de la période d'instruction.
Sabah Labcir, avocate de la famille Berkane
L'avocate pense que c'est le tuyau flexible qui est en cause. Elle déplore "que si un robinet ROAI avait été placé en 2007, pour dix euros, il n'y aurait pas eu tous ces morts. On ferait autre chose aujourd'hui", martèle-t-elle. Ses clientes, elles ont été "marquées du sceau de l'innommable, dans leur foyer, l'endroit où l'on est censé être le plus en sécurité". C'est "apocalyptique". Elle décrit un bruit "indescriptible". Un immeuble qui "se soulève". Une "pénombre totale". La crainte de devoir jeter ses deux fillettes (aujourd'hui adolescentes) par le balcon en cas de reprise de l'effondrement. Puis la santé qui défaille, des "anxiolytiques qui ne font même plus effet". Après ce drame, l'avocate remercie la présidente d'avoir été "si délicate" lors de l'audition de cette famille frappée par l'adversité. Et se navre de la mort de monsieur Berkane : "il a survécu à un gigantesque morceau de béton tombé sur son lit, mais son coeur n'a pas supporté le stress de la période d'instruction, de 2013 à 2022". Elle souhaite une expertise médico-psychologique de la famille, 30 000 euros pour la mère, 10 000 euros chacun pour le défunt père, la fille aînée, et la fille cadette.
Sur cette série de plaidoiries, la présidente salue le rôle du tribunal, "qui a tenté" comme il peut de répondre à ce qui lui était demandé. Et à 15h12, décide de suspendre, déjà, la séance. Elle reprendra au lendemain, dès 09h00, avec l'accusation (par la procureure), et les plaidoiries de la défense.
Le but de ce procès, des visions différentes selon les avocats
En marge du procès, une avocate et un avocat des parties civiles ont répondu aux questions de France 3 Champagne-Ardenne. La première Sabah Labcir, représente la famille Berkane. "On s'est beaucoup perdu dans les expertises techniques. Je suis extrêmement contente qu'on soit revenu à l'aspect essentiel de ce dossier : l'aspect humain, douloureux, de souffrance. Et l'intérêt de ce procès : obtenir un peu de vérité. Je ne suis pas sûre que mes clients vont l'obtenir au travers de ces débats, mais je suis contente, au moins, qu'ils aient pu exprimer l'état dans lequel ils se trouvent actuellement, et le traumatisme qui a été le leur suite à cet effondrement."
On s'est beaucoup perdu dans les expertises techniques. Je suis extrêmement contente qu'on soit revenu à l'aspect essentiel de ce dossier : l'aspect humain.
Sabah Labcir, avocate de la famille Berkane
Elle est certaine que "le doute restera l'élément central du dossier de la part de la défense. Mais moi, j'ai des vérités et certitudes qui sont de porter la parole de mes clients, de la souffrance, d'un traumatisme : de gens dont la vie a basculé du jour au lendemain. On n'aura jamais la vérité absolue, comme dans beaucoup de dossiers. Mais on a eu quelques éléments de vérité, sur laquelle le tribunal se fondera pour rendre la sienne."
Selon "son intime conviction", bien qu'elle rappelle son "parti pris", c'est "objectivement, factuellement même, l'hypothèse d'un déversement massif de gaz". Via la "désolidarisation du tuyau flexible" d'alimentation en gaz. "Entre le temps et le fait que ça n'ait pas pu être ressenti par la locataire, ça me semble le plus plausible. Alors que dans certains cas de figure, on nous a expliqué que l'histoire du brûleur, ce n'était pas possible que ça puisse exploser avec un seul brûleur allumé. Et que pour la micro-fuite, on s'interroge que la locataire serait restée plusieurs heures sans la sentir."
Quant à Sébastien Busy, l'avocat du Foyer rémois, il y avait un intérêt évident à se constituer partie civile. "C'est important de participer à ce procès. Car au-delà de la destruction de cet immeuble, ce sont surtout les locataires qui ont été atteints dans leur intégrité physique. Un bailleur, quel qu'il soit, ne peut pas accepter que ses locataires soient victimes de la négligence de personnes qui sont censées assurer leur sécurité."
Le Foyer rémois "a besoin de savoir où la faute a été commise. Et quel process peut être mis en place pour éviter que ce genre de drame ne se reproduise. Quand on a la charge la responsabilité ou la sécurité d'un certain nombre de personnes, on doit inévitablement comprendre la faille de sécurité. Le Foyer rémois avait mis des process pour anticiper sur la réglementation, pour avoir plus de sécurité. Et malgré cela, ce drame est survenu. Il est donc normal que le Foyer rémois cherche à comprendre pourquoi, et puisse adapter sa situation pour avoir une meilleure sécurité." La balle sera donc dans le camp de la procureure, la prochaine à passer, qui livrera son accusation. Les parties civiles n'ont plus qu'à attendre ce jeudi matin.