Le 13 février 2016, après un match opposant Reims à Bastia, des échauffourées avaient eu lieu en centre-ville entre supporters corses et forces de l’ordre. Durant ces altercations Maxime Beux perdait un œil. Le procès du policier soupçonné d’être responsable de cette infirmité s’ouvre le 4 octobre devant la cour d’assises de la Marne.
C’est un banal match de ligue 1 qui se joue ce soir-là au stade Auguste Delaune. Les footballeurs bastiais sont au coude à coude avec les rémois au classement. C'est une question de maintien pour les deux équipes. Le coup d’envoi est donné à 20h. En deuxième mi-temps, les Bastiais finissent par ouvrir le score. Cruel sort pour les rémois, c’est un ex-pensionnaire de Delaune, l’ailier Floyd Ayité qui crucifie ses anciens coéquipiers. L’arbitre siffle la fin de la rencontre et les joueurs rentrent aux vestiaires.
Une troisième mi-temps qui vire au drame
L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais l'après-match vire au drame. Les supporters bastiais qui remontent rapidement la rue de Vesle en direction du centre-ville de Reims sont bien décidés à fêter la victoire presque inespérée. Plus tôt dans l’après-midi une vingtaine d’entre eux avaient déjà été vus en train d’allumer des feux d’artifices dans ces mêmes rues. Les Corses sont sous surveillance.
Les forces de l’ordre essuient des insultes depuis plusieurs heures et l’arrivée des supporters au stades. Symbole de ces outrages, un tag rappelant l’assassinat du préfet Erignac sera retrouvé dans les toilettes de l’enceinte sportive. Les policiers sont sur les dents. Alors que le groupe d’aficionados s’apprête à passer devant le palais de justice des fumigènes et de nouvelles injures sont lancés en direction des agents. Le cortège de bastiais se sépare.
Pour les policiers de la brigade anti-criminalité, c’est la goutte de trop. A l’intersection entre la place Myron Herrick et le cours Jean-Baptiste Langlet, des agents en civil interpellent violemment plusieurs supporters. Une caméra de vidéo-surveillance filme la scène. Au cours de ces altercations, Maxime Beux, un jeune supporter bastiais de 23 ans, est grièvement blessé à l’œil. Il est hospitalisé pendant près d’une semaine au C.H.U de Reims où on lui prescrit 45 jours d’interruption temporaire de travail. C’est là aussi qu’un médecin lui annoncera qu’il ne pourra définitivement plus voir de son œil gauche.
Le même soir, au moins huit autres individus seront interpellés par les forces de l’ordre. Ils seront définitivement condamnés un an plus tard en appel à des peines allant de 500 à 1000 euros d’amende pour outrages et rébellion ainsi qu’à une interdiction de stade d’un an pour cinq d’entre eux. 16 policiers sont partie civile.
Echo national
Le lendemain du match, l’affaire provoque un vif émoi en Corse. L’étudiant en sciences du management à Corte est érigé comme un symbole des abus de pouvoir de la métropole envers son île. Une manifestation est organisée à Bastia. Trois mois plus tôt, les nationalistes emmenés par Gilles Simeoni ont remporté les élections territoriales pour la première fois de leur histoire. Pour son allié, le président de l’assemblée de Corse, Jean-Guy Talamoni, ce qui est arrivé à Maxime Beux la veille est l’expression du « racisme anti-corse le plus brutal ». Deux jours plus tard, une enquête contre X pour violences volontaires est ouverte par le parquet de Reims. L’inspection générale de la police nationale est saisie.
Une semaine après les faits, une manifestation d’ampleur est de nouveau organisée à Bastia. Près de 2000 personnes se réunissent sous le mot d’ordre « Ghjustizia per Maxime ». Des explosifs sont retrouvés dans un sac à dos. Les empruntes de Maxime Beux et plusieurs supporters sont relevés sur des boules de pétanques destinés à servir de grenades artisanales. Ils sont mis en examen pour fabrication, détention et transports d’explosifs ainsi que pour association de malfaiteurs en vue de commettre des délits.
L’histoire prend définitivement une tournure nationale quand Jacques Toubon, alors défenseur des droits, se saisit de l’affaire au lendemain de la manifestation bastiaise. En juillet 2016, Maxime Beux est même reçu place Beauvau par le ministre de l’Intérieur bientôt Premier Ministre, Bernard Cazeneuve.
Remous sur l'île de beauté
A la fin de l’année, des attentats perpétrés contre des banques et des manifestations violentes ont lieu en Corse, revendiqués par un groupe nationalistes au nom de l’affaire Maxime Beux. L’histoire commence alors à se tasser à l’exception d’un nouvel incident en Corse. En septembre 2017, un adjoint de sécurité en poste au commissariat de Bastia est roué de coups par des individus. Ses agresseurs pensent avoir reconnu l’agent présent parmi les forces de l’ordre chargés de veiller à la sécurisation du stade Auguste Delaune le soir du match Reims Bastia.
La lente procédure judiciaire se poursuit peu à peu. Ce n’est qu’en novembre 2018 qu’un policier membre de la brigade anti-criminalité est désigné comme responsable du coup fatal porté à l’œil de Maxime Beux le soir du 13 février 2016. Il est mis en examen et son contrôle judiciaire lui empêche dorénavant de travailler sur la voie publique et de porter une arme. Pour lui, ce n’est pas le coup de matraque qui est à l’origine de la cécité du jeune homme mais une chute du supporter sur un poteau. Une analyse contredite par quatre experts ophtalmologue consultés pendant l’instruction du dossier. Pour eux, il n’y a pas de doute, seul un coup de matraque télescopique peut être responsable de la grave blessure de Maxime Beux.
Une procédure fastidieuse
L’instruction suit son cours. En octobre 2019, une reconstitution sur les lieux des faits est organisée. Maxime Beux et l’accusé rejouent la scène. Le policier reste campé sur sa version, y compris lorsqu’une confrontation entre la partie civile et lui-même a lieu six mois plus tard. En janvier 2021, le tribunal décide enfin du renvoi de l’agent de la BAC devant la cour d’assise de Reims. Les avocats du policier font appel. Finalement, c’est à la cour de cassation que revient la décision de renvoyer l’accusé devant un tribunal.
Dans son arrêté, la cour estime "qu’aucun élément ne permet de conclure sur l’implication de Maxime Beux dans les infractions commises avant son interpellation et qu’il n’y a pas d’absolu nécessité à recourir à la violence contre un individu en fuite." Un procès aura bien lieu le 4 octobre 2022. Pour violences avec une arme ayant entrainé une infirmité permanente, l’accusé encourt jusqu’à 15 ans de réclusion criminelle et 150 000 euros d’amende.