Théo Kack Kack n’est encore qu’en Terminale à Reims (Marne) lorsqu’il décide d’inventer Lubia, le premier tampon hygiénique avec applicateur soluble dans l’eau. Pratique, biodégradable et ne présentant pas de danger pour la santé, son idée devrait se concrétiser dans les rayons de supermarchés début 2024.
C’est au bord d’une piscine que l’idée d'une protection hygiénique biodégradable est née en 2021 dans la tête de Théo Kack Kack. Il avait alors 17 ans, il était lycéen à Reims dans la Marne, et c'est en vacances avec sa petite amie qu'il en avait eu l'idée. Celle-ci utilise un tampon hygiénique pour pouvoir se baigner mais impossible de trouver une poubelle pour jeter l’applicateur. Encombrant et polluant, Théo s’interroge sur les conséquences de ce morceau de plastique sur la planète. C'était encore un projet, il nous l'avait raconté en 2022. Depuis, le projet a bien avancé. Une date de production est fixée.
“J’ai fait des recherches et je me suis rendu compte que les seuls applicateurs qui existent sont en plastique ou en carton, ce qui n’est ni écologique ni pratique. Alors je me suis dit que j’allais changer ça.” Pas question de jeter ni même recycler : le jeune entrepreneur crée Lubia, un tampon hygiénique avec applicateur qui se désintègre dans l’eau des toilettes, à la manière de ces rouleaux de papier toilette que l’on trouve déjà dans le commerce. Une solution non seulement biodégradable mais qui protège aussi la santé des femmes susceptibles de l’utiliser.
Car l’enjeu n’est pas uniquement environnemental : aujourd’hui, de nombreuses protections hygiéniques contiennent des produits chimiques dangereux pour la santé. On y retrouve notamment des traces de dioxines, cancérogènes. Là encore, Théo Kack Kack a cherché - et trouvé - une solution : le coton de ses tampons est issu de l’agriculture biologique, et l’applicateur - dont il ne souhaite pas dévoiler les composants avant d’avoir obtenu le brevet de son utilisation - est hypoallergénique. Seul aux commandes, il sait toutefois s’entourer pour développer un produit au plus près de ses attentes et des besoins de ses futures acheteuses. Aidé de deux sages-femmes et d’une gynécologue, il peut aussi compter sur les compétences de son frère étudiant en ingénierie pour mettre au point les prototypes.
Pas seulement "un problème de femmes"
Le jeune homme le reconnaît, son initiative en a surpris plus d’un. Pour lui, il est hors de question de réduire l’enjeu à un problème de femmes. “Je me suis dit que je pouvais avoir un impact concret et aider mon prochain. Je ne différencie pas l’aide que je peux apporter à un homme de celle que je peux apporter à une femme. C’est un produit essentiel, encore tabou aujourd’hui et je suis fier de porter un projet qui permet d’offrir aux femmes des options plus écologiques et plus saines.”
Lubia semble convaincre sans mal. Début 2022, alors que le projet n’en est qu’à ses balbutiements et que Théo Kack Kack prépare en même temps son baccalauréat, il décroche le troisième prix du concours IPAG YEA, qui récompense des projets portés par des lycéens en classe de Terminale. Il a pu intégrer un incubateur pour préciser son projet et les premiers retours ne se sont pas fait attendre. “Après le concours, de nombreuses personnes m’ont suivi, m’ont envoyé des messages [...]. Ça me rend heureux parce que j’ai l’impression de faire les bonnes choses [...]. Ça m'a même conforté dans l’idée que les gens en ont envie. Des femmes m’ont contacté pour me dire que c’était une bonne idée, qu’il fallait que je continue.”
"Des femmes m’ont contacté pour me dire que c’était une bonne idée, qu’il fallait que je continue.”
Théoinventeur du tampon biodégradable
Pour financer la production de ses tampons hygiéniques, le jeune homme propose une prévente sur la plateforme Ulule jusqu'à mi juillet. Il espère alors vendre 150 boîtes de 18 tampons, à 10 € pièce. Il atteint son objectif en quelques jours. Et le jeune homme ne se repose pas sur ses lauriers : le 20 juin 2023, à l’occasion du 5e Salon de "l’entrepreneuriat pour tous" de Tourcoing, son pitch lui permet de se qualifier pour peut-être défendre son projet au Big, le plus gros rassemblement business d’Europe. La scène idéale pour engranger des contacts et faire connaître son innovation.
Ultraoptimiste
Cette opportunité pourrait alourdir encore le calendrier déjà dense de l’étudiant. En effet, outre sa vie d’entrepreneur qui l’invite à multiplier salons, concours et rencontres, il étudie l’économie, la gestion et la finance au sein d’un cursus universitaire exigeant, doublé d’une classe préparatoire aux grandes écoles de commerce. Difficile d’imaginer comment le jeune homme parvient à jouer sur tous les tableaux ; lui l’explique par une scolarité en sport études qui, très tôt, l’aurait habitué à être partout à la fois. “J’étais gardien de but au stade de Reims. J’avais un emploi du temps très chargé alors j’ai très vite appris à jongler avec deux occupations très importantes : l’école et le sport.” Pour cet “ultraoptimiste” comme il se décrit, “tant que ça ne dépend que du travail, je peux toujours en faire plus”.
Toujours en faire plus, cela pourrait résumer les ambitions du jeune homme qui réfléchit déjà à développer d’autres protections hygiéniques comme les serviettes, elles aussi polluantes et potentiellement toxiques. Mais il faudra faire preuve de patience : la commercialisation des tampons à applicateur soluble n’est prévue que pour le mois de janvier 2024.