Le vendredi 24 novembre au soir, une cinquantaine de personnes apparentées à l'extrême-droite a défilé dans les rues de Reims (Marne). Elles ont clamé vouloir "justice pour Thomas" et revendiqué "être chez nous". Le maire de la ville a condamné "une manifestation non-autorisée".
Les rues endormies de Reims (Marne) ont connu une agitation inhabituelle, le soir du vendredi 24 novembre 2023. Il était environ 22h00 lorsqu'une cinquantaine de personnes a entamé une marche.
Ces gens agitaient des drapeaux français, ce qui n'a rien de répréhensible dans une manifestation. Ni sur son balcon (à moins, pour ce cas, qu'un règlement de copropriété ne l'interdise). La Marseillaise a également été scandée.
En revanche, ces manifestants étaient accoutrés de noir, et pour beaucoup cagoulés ou dissimulés sous une capuche. Ils tenaient un drapeau arborant une croix celtique, un symbole traditionnellement associé à l'extrême droite. Des slogans "on est chez nous" ont été scandés. Pas franchement engageant pour les rares passantes et passants qu'ils ont pu croiser (ils sont restés cantonnés dans le centre-ville sans aller plus loin).
Mort du jeune Thomas dans la Drôme
La manifestation entendait réclamer "justice pour Thomas". Thomas Perotto, 16 ans, a été mortellement poignardé à la gorge et au cœur lors du bal d'hiver de son village, Crépol (Drôme), dans la nuit du samedi 18 novembre. Une dizaine de personnes a envahi la salle des fêtes et poignardé le vigile et des convives après s'être vue initialement refuser l'accès. Le principal suspect, défavorablement connu des services de police, s'appelle Chaïd A. : né à Romans-sur-Isère (Drôme), il est donc de nationalité française. Plusieurs de ses présumés complices sont aussi nés dans cette commune et ont été arrêtés et mis en garde à vue pour meurtre en bande organisée.
Cette marche organisée à Reims a rapidement fait polémique. Sur Twitter (renommé X depuis son rachat par le milliardaire libertarien Elon Musk), Raphaël Arnault a partagé deux vidéos de cette manifestation marnaise. Il décrit "une déambulation de néonazis" et une "milice" ayant la "volonté de mener des lynchages racistes, à l’aveugle, comme à Dublin il y a 2 jours" (voir le tweet ci-dessous).
⚠️ Hier soir à Reims une cinquantaine de néonazis (autour de la milice « Mesos Reims ») ont déambulé dans le centre tard le soir avec la volonté de mener des lynchages racistes, à l’aveugle, comme à Dublin il y a 2 jours.
— Raphaël Arnault (@ArnaultRaphael) November 25, 2023
Il faut stopper l’extrême droite et leurs milices !! pic.twitter.com/Dq2zvDz14t
Le militant fait référence à l'attaque au couteau devant une école de Dublin, la capitale irlandaise. Son auteur est un quinquagénaire vivant dans le pays (il n'en est pas natif) depuis une vingtaine d'années, et depuis naturalisé (son pays d'origine n'a pas été confirmé par la police). À noter qu'Alan, un jeune chef cuisinier scolarisé au lycée hôtelier de Bazeilles (Ardennes), en stage dans un restaurant proche du lieu de l'attaque, a contribué à désarmer l'assaillant.
Réactions indignées
Le tweet fait également référence au collectif MeSos Reims, un groupuscule d'ultras et hooligans aligné sur le spectre de l'ultra-droite. Sur la vidéo, on discerne çà et là un salut nazi.
Anthony Smith, responsable syndical de la Confédération générale des travailleurs (CGT) bien connu à Reims, s'est indigné sur Twitter (X) en qualifiant ce rassemblement de "milice". Le samedi 25 novembre, en début d'après-midi, il a appelé le maire (Horizons) de Reims, Arnaud Robinet, à réagir.
Réponse de l'intéressé une heure plus tard : "Je condamne cette manifestation non autorisée. Ce type de rassemblement promouvant le racisme n’a pas sa place à Reims." Il n'est pas clair si la manifestation a été déclarée et interdite (auquel cas c'est illégal d'y prendre part), ou simplement exécutée sans déclaration préalable (y participer n'est alors théoriquement pas interdit).
Le maire a en tout cas salué l'action de "surveillance" de la police. Les autorités étaient donc au courant. France 3 Champagne-Ardenne a contacté la préfecture (dès samedi matin), qui n'a pas encore répondu. À nos collègues de France Bleu, l'autorité préfectorale a déclaré que la manifestation, nonobstant les symboles nazis, s'était faite "dans le calme". Une enquête a été ouverte.
À noter une autre réaction, celle du conseiller municipal (PS) Éric Quénard, regrettant que "tranquillement l’extrême-droite se balade dans les rues de notre ville de Reims". Ainsi que celle de Julien Guérin, premier adjoint (SE) de Givry-lès-Loisy, près d'Épernay (Marne). Il a dénoncé "des faits gravissimes" et appelé "l'extrême droite locale" à "faire le ménage dans ses rangs ou reconnaître sa complaisance envers ses membres néonazis".
Les sections locales de La France insoumise (LFI) et du Parti communiste français (PCF) ont aussi fait part de leur indignation et appelé à une réaction des autorités.
Pas la première fois
Ce n'est pas la première fois que ce type de cortège est organisé à Reims. Depuis les années 2010, les hooligans des MesOs ont infiltré la tribune des ultras du stade Auguste Delaune pendant les matches du Stade de Reims.
Ils créent des incidents hors des stades, comme des batailles avec d'autres groupuscules venus d'autres villes, et affichent leur idéologie néonazie. Par exemple, le 6 mars 2022, dans une zone industrielle de la banlieue rémoise, "près de 120 hooligans néonazis se sont tapés dessus… pour le plaisir. Un combat organisé d’une rare violence puisque plusieurs crânes rasés ont terminé à l’hôpital", comme le relate le site internet StreetPress.