Réforme de l’assurance-chômage : « Toujours faire croire que les chômeurs ne veulent pas travailler est absolument scandaleux »

Réforme de l'assurance-chômage : A Reims, peu de demandeurs d'emploi sont informés que la durée d'indemnisation va baisser de 25% au 1er février pour les nouveaux chômeurs

Il n’y a pas grand monde devant cette agence Pôle Emploi de Reims ce matin, en plein cœur du quartier Clairmarais. Et la nouvelle de la réforme de l’assurance-chômage n’a pas fait grand bruit. A partir du 1er février 2023, la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi ouvrant des droits sera réduite de 25 % avec un plancher minimal de six mois. De quoi laisser perplexe Emeline, 21 ans. “Je ne sais pas si c’est une bonne mesure ou non, cela dépend des gens. Certains sont plus motivés que d’autres, qu’on leur donne 300 ou 500 jours d’indemnisation”. Originaire de Château-Thierry, la jeune femme vient tout juste de déclencher 500 jours d’indemnisation après un an et demi de contrat comme secrétaire médical. Une première plongée dans l’univers du travail et une première venue à Pôle Emploi pour une première confrontation avec la réalité du chômage. “J’ai du mal à me positionner sur cette mesure quand même… Car après, ce sont les impôts qu’on paye, on a cotisé pour, quelque part j’y ai droit, on y a tous le droit. Donc je me dis que si on réduit cette durée d’indemnisation, cela sera pour mettre cet argent ailleurs, est-ce que cela va être utilisé à bon escient, je ne sais pas…

A la recherche d’une formation ou d’une reprise d’étude, cette ancienne étudiante en psychologie espère vite retrouver un emploi. Depuis 2020, le chômage diminue dans la Marne pour atteindre 7,2% au dernier relevé, le 2ème trimestre 2022. Une tendance globale à la baisse sur toute l’ex-région Champagne-Ardenne, mais cette dynamique ralentit. Et c’est bien cela que le gouvernement espère avec cette mesure : inciter les demandeurs d’emploi à retrouver plus vite un travail. “Je pense que ce n’est pas tout noir ou tout blanc, ça peut aussi aider à retrouver un emploi plus rapidement. Je vais faire des catégories, pour des gens qui ne sont vraiment pas motivés à travailler du tout, se dire, “bon si c’est ça, pourquoi ne pas prendre un CDD”, histoire de recréditer des jours en plus sur son compte indemnisation. Il y aura toujours des gens qui vont réussir à en profiter, mais fondamentalement je ne pense pas que tout le monde profite, qu’on puisse parler de “profiter du système”.

Il n’y a aucun indicateur qui dit que les chômeurs sont plus prompts à chercher du travail en fin d’indemnisation

Sabine Dumenil, secrétaire générale CGT de la Marne.

Un constat nuancé pour Emeline, mais une mesure intolérable pour l’ensemble des syndicats, qui ont refoulé en bloc cette propostion du gouvernement. “

C’est absolument scandaleux de faire croire que les chômeurs ne veulent pas travailler. Le gouvernement veut faire des économies sur le dos des demandeurs d’emploi.

Le ministre du travail espère « 100 000 à 150 000 retours à l’emploi » supplémentaires en 2023 grâce à la réforme, surtout pour faire face aux difficultés de recrutement rencontrées par certaines entreprises. Mais quel emploi ? C’est bien la question que se pose Emeline, elle qui n’a pas accroché avec ses études de psychologie a besoin de temps pour se réorienter, “moins de 500 jours j'espère'', dit-elle en riant. Je me sens concernée oui et non, j’ai 21 ans, je ne peux pas me mettre à la place d’une personne de 40 ans et qui galère. Je pars du principe que si je trouve un petit job, comme travailler à McDonald’s, histoire que cela soit alimentaire le temps que je trouve une formation, ça ne me dérangera pas parce que je sais que cela sera temporaire. Un père de famille de 40 ans, travailler là-dedans, c’est pas le même enjeu.” Être prêt à tout accepter, oui, mais pas pour tout le monde, pas pour n’importe quel métier, c’est ce que dénonce les syndicats. “Quand on parle de qualifications, de compétences, où l’on demande aux gens d’être toujours plus formés, y compris dans les nouvelles technologies, il est inadmissible de leur demander de prendre des postes sous-qualifiés et qui demanderaient plus de temps de recherche, précise Sabine Dumenil. Bien sûr, il ne faut pas oublier que le chômage touche les personnes les moins qualifiées.”

Dans la Marne, 4400 chômeurs ont été recensées en septembre, surtout des jeunes comme Emeline. Pour sa première entrevue avec Pôle Emploi, elle attend des conseils pour l’aiguiller. Habitant à Reims, les recherches peuvent s’avérer plus faciles. “Avec cette réforme et ses indicateurs irrationnels, l’Etat renforce les inégalités territoriales et sociales. Dans le pays Vitryat, c’est bien de proposer des formations. Mais avec la faiblesse des transports collectifs et la précarité du bassin de vie, comment voulez-vous vous y rendre ? Comment faire quand on ne propose pas d’offre de logements sur le lieu de formation, de mobilités ?”, s’insurge la secrétaire départementale CGT. Avec ce système defeu vert, feu rouge qui fera varier la durée d’indemnisation, les syndicats craignent que des territoires déjà pauvres ne le deviennent encore plus, surtout avec une barre fixée à 9% du chômage. “Il peut y avoir le “plein emploi” dans certaines régions, d’autres moins. Avec cet indicateur, le gouvernement fait ce qu’il veut”. En Champagne-Ardenne, l’Aube (9,7%) et les Ardennes (9,6%) sont au-dessus du seuil, la Marne (7,2%) et la Haute-Marne (6,4%) sont en-dessous. La réforme s’applique à tous.

Le gouvernement souhaite aussi que patronat et syndicats, qui gèrent l’Unédic, planchent au début de 2023 sur une nouvelle gouvernance du régime. Mais ceux-là souhaitent que gouvernance et indemnisation soient négociées en même temps, et ne veulent pas officialiser la présence de l’Etat dans la gestion de l’assurance-chômage. (AFP)

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