Neuf étudiantes et étudiants en première année (L1) de licence de sciences sanitaires et sociales ont fait leur rentrée, ce lundi 25 janvier. Leur dernière présence physique en faculté d'économie de Reims (Marne) remontait au mois d'octobre 2020, tout juste un mois après leur entrée à l'université.
C'était la rentrée, ce lundi 25 janvier 2021, à la faculté des sciences économiques, sociales, et de gestion. Mais cette rentrée (en présentiel, quelques semaines après la distancielle) était un peu particulière : elle était limitée à la première année de licence (L1), celle de sciences sanitaires et sociales; et elle ne concernait que les sessions de travaux dirigés (TD). Une fois n'est pas coutume, c'est avec joie que les élèves ont quitté leur lit et affronté le froid pour aller étudier.
La faculté d'économie se trouve sur le campus Croix-Rouge, à l'ouest du centre-ville de Reims (Marne, voir sur la carte ci-dessous). Ce lundi matin, il n'y avait en tout et pour tout que trois TD d'anglais, répartis par tranches d'1h30 entre 8h00 et 12h30, dans l'amphithéâtre n°5 du bâtiment dit des coquilles. Il abrite 600 sièges... qui n'ont accueilli, pour le TD de 9h30, que neuf élèves (plus le chargé de TD).
Marie-Odette Victor, la directrice de la communication était là et a expliqué à France 3 Champagne-Ardenne cette réouverture des locaux de l'université de Reims Champagne-Ardenne (Urca) aux élèves de L1. "C'est la première étape du retour des étudiants. Ce qui est prévu à terme, c'est de ramener tous les étudiants. D'après les premiers retours, ils sont contents de revenir : ils disent pouvoir mieux suivre les cours, ainsi que retrouver leurs camarades et donc du lien social."
"Le groupe que vous voyez aujourd'hui a le choix de venir en présentiel, ou de demeurer en distanciel, pour une raison ou pour une autre. Par exemple, avoir rendu son appartement, ou avoir peur de venir... Globalement, tous nos étudiants en L1 ont eu à peu près un mois de cours avant le reconfinement, vu que nos rentrées ont lieu entre septembre et octobre."
Au moins, dans ce grand amphithéâtre, les élèves respectent sans aucun souci les règles de distanciation sociale. Des distributeurs de lingettes désinfectantes ont été posés sur les premières tables, et il y a un flacon de gel hydroalcoolique une rangée sur deux. La voix du chargé de TD d'anglais résonne un peu curieusement dans cette ambiance caverneuse, alors qu'il explique le fonctionnement du travail universitaire aux néo-bachelières et bacheliers devant lui (dont la moitié de l'année de terminale a été amputée, et donc le baccalauréat a été obtenu au contrôle continu).
"On va vous demander de l'autonomie. C'est à vous de faire l'effort de travailler, on ne va pas vous attendre. Je sais que l'université, c'est différent du lycée, mais n'hésitez pas à poser vos questions..." La poignée d'étudiantes et d'étudiants se tient coite. "Ceux en distanciel, ça va, c'est bien clair ?"
Le TD du jour porte sur les linking words, c'est à dire les mots de liaison anglais. Par exemple, whereas (tandis) exprime le contraste. Exemple : French people like cheese whereas Americans don't (les Français aiment le fromage tandis que les Américains ne l'aiment pas). Par contre, le champagne... Une élève est invitée à construire une phrase similaire à l'oral, et explique dans la langue de Shakespeare qu'elle aime le chocolat mais pas sa soeur.
Nicolas Lejeune, c'est le nom du chargé de TD, est enseignant vacataire. Il n'avait pas remis les pieds à l'université depuis mars 2020 (il n'intervient qu'en semestre 2 et n'a donc pas donné de TD durant le premier semestre de l'année universitaire 2020-2021). "On a là un ratio d'un tiers d'étudiants en présentiel, et deux tiers sur Zoom [il y a environ 30 élèves dans un groupe de TD; ndlr]. L'avantage de ce logiciel, c'est qu'on peut avoir une communication orale et écrite, il est possible d'échanger. Il y a de l'interaction."
Les élèves peuvent le voir sur leur écran et vice-versa... si leur caméra a bien été activée. Ce qui n'est pas toujours le cas, par exemple si l'on suit son cours en pyjama allongé dans son lit (pourquoi pas, s'il y a une bonne concentration). "Je la sens bien, cette nouvelle année. Ce premier cours en présentiel était très agréable, je vois ça d'un bon oeil. On fait en sorte qu'aucun étudiant ne soit lésé, il a le choix selon ses conditions."
L'enseignant ne cache toutefois pas avoir eu un "petit coup de pression" lors de sa grande reprise à 8h00. "Mais il fallait le faire." Dès la deuxième heure, il avait retrouvé ses marques. La pression est bien plus ressentie par les élèves, et l'université avait à coeur de la faire diminuer. Marie-Odette Victor a vu revenir des enquêtes faisant état d'une certaine satisfaction. "Nos étudiants comprennent les mesures, et ne se sentent pas abandonnés." Elle note l'accompagnement qui leur est accordé (du tutorat, par exemple).
À l'Urca, pas d'amphithéâtres bondés comme dans les facultés parisiennes, assure-t-elle. "Ici, on n'a jamais eu plus de 50 cas en un jour sur 29.000 étudiants. C'est parce que nous avons appliqué strictement la jauge de 50% d'étudiants en présentiel, qui n'était alors pas encore obligatoire. On adaptait les salles, par exemple une partie des élèves dans un amphithéâtre où il y avait cours, et ce cours était retransmis dans un deuxième amphi." Elle loue aussi le retour d'expérience, tant pour les procédures d'accueil que pour les ressources numériques utilisées pour les cours distanciés.
Le cours se poursuit, l'enseignant détaillant notamment plusieurs sens du mot fine : en tant qu'adjectif, c'est raffiné... mais comme nom commun, ça veut dire une amende. La connexion avec les élèves en distanciel est perdue quelques secondes, l'écran professoral étant barré d'un "VOTRE CONNEXION EST INSTABLE". En fin de semestre, il leur faudra savoir interpréter et commenter un texte emploi, économie... Ironie du sort, celui du jour parle des dégâts psychologiques dus au télétravail.
Son mental, Salima Khellout l'a vu quelque peu attaqué par cette longue période passée juste devant l'ordinateur. "Revenir ici, ça change de d'habitude. On en a marre, c'est difficile de rester concentré longtemps devant un écran." L'étudiante de 20 ans, qui vit chez ses parents à Châlons-en-Champagne (Marne), ne voit pour ainsi dire plus personne. "Je ne me suis pas faite d'amis, cette année. À quoi bon, de toute façon, s'il faut éviter les contacts..."
"J'ai attendu très longtemps pour revenir ici. J'espère que ça va marcher et que l'on aura plus de cours en présentiel... Parce que je ne comprends pas pourquoi le Gouvernement ferme les universités, mais pas les écoles. Lors de ma rentrée en septembre, j'ai pu voir qu'on faisait bien attention, et que [les règles sanitaires], c'était strict, ici."
À noter toutefois, elle a jugé le présentiel moins interactif que le cours sur Zoom. "J'ai l'impression que c'est plus facile d'interpeler le prof derrière son écran qu'en vrai : là, je n'osais pas trop..." La confiance devrait venir après quelques séances en présentiel. Il y en avait eu bien peu, jusqu'ici.