Reims : deux ans de travail pour une exposition sur le photo-reporter Gilles Caron, fermée au public à cause du Covid

Une exposition consacrée au photo-reporter Gilles Caron disparu il y a 50 ans, devait ouvrir ce 16 décembre au Cellier à Reims. Le confinement empêche les visites. Elle a nécessité deux ans de travail. Visite en exclusivité.

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"Un monde imparfait". Le titre de cette exposition photos de Gilles Caron n’a jamais aussi bien porté son nom. Elle devait ouvrir ce mercredi 16 décembre dans les sous-sols du Cellier, près de l’Hôtel de Ville de Reims. Mais la situation sanitaire en a décidé autrement. Les musées et expositions doivent rester fermées, à la demande le gouvernement. Personne n’y a accès, jusqu’à nouvel ordre, hormis quelques professionnels. Elle a demandé deux années de préparation, devait accueillir notamment, des scolaires jusqu’au 7 février 2021, pour découvrir des pans entiers de l’histoire contemporaine, photographiés par Gilles Caron, un photo-reporter, proche de Raymond Depardon.

Plusieurs centaines de clichés sont exposés dans un parcours très réussi. Sous les voûtes du Cellier, ils racontent ce « monde imparfait », depuis la Guerre des Six jours en Israël 1967 et 1969, la guerre du Vietnam en 1967, Mai 68 à Paris, ou encore le soulèvement en Irlande du Nord en 1969, mais aussi Prague, en 1969, la guerre civile au Tchad en 1970, et quelques photos de stars du cinéma, de Truffaut à Birkin, ou Jean-Pierre Léaud. Ne pas pouvoir accueillir le public, « c’est frustrant », confie Marie-Noëlle Dumay, de l'association La salle d'attente qui propose des expositions de photos depuis plus de 20 ans à Reims et en Champagne-Ardenne.

"Toujours au bon endroit"

"Ce que j’apprécie chez Gilles Caron, c'est sa justesse, continue Marie-Noëlle Dumay. Il est là où il fallait être. C'est  aussi l'émotion que la photo dégage. Il était toujours au bon endroit, il savait se positionner par rapport à son sujet, toujours d'une manière précise. C'est un personnage qui est devenu un peu une légende, dans le sens où sa disparition et le nombre de photos qu'il a fait en si peu de temps, plus le fait qu'il disparaisse comme ça brutalement fait de lui un personnage iconique".

Cette exposition nous dit que le monde aujourd'hui est toujours aussi imparfait qu'il n'a pas beaucoup évolué par rapport au monde imparfait que Caron voulait dénoncer.

Marie-Noëlle Dumay, association La salle d'attente

La mise en scène et en lumière des clichés en noir et blanc et en couleurs invite le visiteurs à se pencher sur des portraits qui racontent l’Histoire. Celui de Daniel Cohn-Bendit par exemple, devant un CRS en plein Mai 68, mais aussi des soldats africains, américains ou des enfants aux corps squelettiques. Autant de témoignages historiques, qui ont marqué la deuxième moitié du XXe siècle.

 

"Un monde imparfait", c'est aussi raconte l'association, le "constat amer fait par le jeune Gilles Caron dans une lettre a sa mère en 1960, après quelques mois de service militaire pendant la guerre d'Algérie. Ce monde le déçoit, le révolte, l’ennuie. Il n'aura de cesse, au cours de sa courte carrière, de le photographier, d’en montrer les limites mais aussi les moments de grâce".

Cinq années de travail, interrompues par sa mort prématurée au Cambodge. "Caron a imposé sa signature de reporter et a couvert les sujets les plus variés, du monde du spectacle à Mai 68, en passant par l'Irlande et le Vietnam. Il est l'auteur d'images incontournables et largement diffusées dans la presse. Cette exposition, qui commémore les cinquante ans de la disparition de Gilles Caron, prend pour point de départ ces photographies souvent publiées pour dévoiler les coulisses de son oeuvre à travers plus de 150 images et documents".

De son côté, la Ville de Reims a participé à cette exposition en mettant à disposition la salle du Cellier et en créant la muséographie. Le personnage de Caron n'y est pas pour rien. "En effet, affirme Pascal Labelle, adjoint au maire de Reims, délégué à la culture, Gilles Caron a révolutionné un peu le photojournalisme, par son oeil aiguisé pour choisir le le bel instant. Et puis le fait d'avoir une exposition de qualité, c'est un plus, on travaille beaucoup avec La Salle d'attente. On cherche à exposer au Cellier l'excellence dans le domaine de cet art qu'est la photographie. Quant au fait que ce travail ne soit pas visible par le public, oui, c'est une énorme frustration. C'est beaucoup de travail, donc c'est vraiment une déception. On espérait pouvoir la montrer à compter du 16 décembre. On va se dire que c'est juste reporté, qu'on pourra enfin la montrer au public, parce que je suis persuadé que les Rémois et Rémoises, et bien au-delà, seront heureux de voir ces photos extraordinaires jusqu'au 7 février".

 

Contre-champ

Au-delà des faits, Caron met en images les dégats collatéraux de la guerre. Avec une grande compassion. Photographe du contre-champ, il montre les populations face aux conflits, les gens de la rue. Violence et souffrance, pour mieux les dénoncer. Deux de ses qualités, talent et audace, vont le conduire à braver le danger. Père de deux enfants, il est mort au Cambodge en 1970, mais son corps n'a jamais été retrouvé. Dans une vidéo, les trois jeunes commissaires de l'exposition, Clara Bouveresse, Guillaume Blanc, Isabella Seniuta précisent ce qui les a guidés dans le choix des nombreuses photos prises par Gilles Caron. 

L'exposition est ouverte jusqu'au 7 février. Mais pas après. Le planning est contraint. D'où l'immense regret que l'ouverture ne puisse intervenir que fin janvier, si la situation sanitaire le permet. 

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