A l'Ehpad de la Maison Saint-Martin, à Reims, la question est posée à chaque résident : souhaitent-ils recevoir le vaccin contre la covid 19 ? Pour Bernard Sellier, Jeannine Nicolas et Christiane Schaetzel, la réponse n'est pas si simple à donner. Nous avons recueilli leurs témoignages.
Le père Bernard Sellier a la voix légèrement enrouée, mais elle reste douce, posée. Son élocution est un peu lente, la faute à cette grande fatigue qu’il dit éprouver depuis que le coronavirus l’a atteint au plus profond de sa chair.
Le père Sellier est résident de l’Ehpad de la maison Saint-Martin, à Reims, depuis onze ans maintenant. Avant, il était l’aumônier de la résidence. Il connaît donc l’établissement comme sa poche. Et puis, il y a quelques mois, son chemin croise celui du coronavirus. Il tombe malade de la covid 19. "J’ai été très malade pendant trois semaines, raconte-il. J’étais presque inconscient. Mais, on s’est bien occupé de moi ici, les infirmières, les soignants, les médecins, et j’en suis sorti, grâce au ciel". Ne lui reste que cette grande fatigue, qu’il peine à combattre. Alors, le vaccin contre la covid 19 lui pose question.
Je me sens fragile. C’est pourquoi, lorsque l’on me demande si je souhaite être vacciné contre le virus, j’ai beaucoup d’hésitations, parce que je me demande si je vais y résister.
Ce n’est pas la peur de la piqûre, sourit l’aumônier âgé de 87 ans, qui reçoit trois injections d’insuline par jour pour contrôler son diabète. Non, ce qui lui fait peur, ce sont les éventuelles réactions qu’il pourrait faire, face au vaccin. "Est-ce que je vais avoir des effets secondaires qui vont m’handicaper plus encore ?", se demande-t-il. "Je préfèrerais avoir un temps de réflexion supplémentaire et pouvoir en parler à mon médecin personnel".
"Ne pas attraper le mal"
Loin d’être obligatoire, la vaccination doit être un choix conscient et réfléchi de la part des résidents. 47 d’entre eux ont d’ores et déjà accepté le vaccin sur les 65 que compte l’établissement. Le père Sellier, lui attendra encore un peu de voir son médecin, quand les visites auront repris, après les vacances.
Christiane Schaetzel, 95 ans, elle, n’hésitera pas. Pour le moment, sa fille vient la voir trois fois par semaine, une petite demi-heure. Ce n’est pas possible de faire plus, avec les restrictions sanitaires. Alors elle voit dans le vaccin un espoir de retrouver un rythme de visites peut-être plus soutenu ou plus long. "C’est une sécurité, pour ne pas attraper le mal et le propager, affirme-t-elle. Mon médecin et ma fille me l’ont vivement conseillé alors j’ai dit oui".
Christiane Schaetzel n’appréhende pas du tout le moment où cela sera fait. Ce qui compte, pour elle, c’est que tout le monde puisse avoir accès au vaccin rapidement, y compris les personnes non prioritaires comme sa fille. "Elle se fera vacciner le plus tôt possible, dès qu’elle sera dans la zone où elle pourra le faire. Tant qu’elle ne sera pas vaccinée, le nombre de ses visites ne changera pas, même si moi, je suis vaccinée".
47 résidents sur 65 ont répondu "oui" au vaccin
Si les résidents des Ehpad sont prioritaires pour cette première campagne de vaccination, ce n’est pas le cas des personnels qui les accompagnent. Le risque de voir le virus pénétrer dans l’établissement restera donc bien présent, pendant quelques mois, encore. D’autant que l’épidémie n’est pas complètement maîtrisée.
Jeanine Nicolas, elle, avait tout d’abord refusé le vaccin. "Mais à la télé, on voit que les choses ne vont pas mieux, explique cette autre résidente de 94 ans. Ma doctoresse, si elle m’a précisé que je n’étais pas obligée de le faire, me l’a quand même vivement conseillé". Jeanine Nicolas est diabétique, ce qui fait d’elle une personne particulièrement vulnérable à la covid 19. Elle a déjà fait, aussi, un accident vasculaire cérébral. Alors celle qui est là depuis 12 ans a pris sa décision : elle se fera vacciner.
J’ai 94 ans. Ça m’embêterait d’avoir des ennuis de santé, en plus de ceux que j’ai déjà. C’est pour nous protéger, moi et les autres.
La vaccination, une façon, aussi, de peut-être pouvoir "soulever la cloche sous laquelle les résidents sont placés depuis 9 mois maintenant", selon la directrice de l’établissement, Chrystelle Dupin. Assouplir les restrictions, enfin, tout en conservant les gestes barrière.
"Un jour viendra, où l’on pourra circuler librement, si la santé le permet, et si le virus s’éloigne", conclut le père Bernard Sellier. Quelques mots pour rêver à la fin de cette crise sanitaire alors que les vaccinations pourraient débuter dès le 4 janvier au sein de la Maison Saint-Martin.