Reprise obligatoire de l’école : les syndicats d’enseignants de la Marne s’indignent de décisions prises sans réflexion

L’annonce a été faite ce dimanche 14 juin par le chef de l’Etat. Tous les élèves, de la maternelle au collège devront reprendre le chemin de l’école. Si socialement ce retour est une bonne chose, une reprise pour tous semble impossible, même avec un protocole allégé.
 

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"On ne pourra pas combler les lacunes du confinement en 15 jours, précise Elodie Géas, secrétaire départementale de la FSU de la Marne. On aurait pu espérer que la rentrée de septembre soit anticipée, mais pour cela, il faut travailler maintenant… il aurait fallu utiliser les dernières semaines à ça". "Que les élèves reviennent à l’école est une bonne chose. L’école à la maison, ce n’est pas normal, complète Irène Déjardin co-secrétaire départementale du Snuipp de la Marne. Mais si le protocole est allégé, il ne faut pas que cela soit au détriment de la santé des élèves et des enseignants".

Des sentiments partagés animent les représentants des syndicats d’enseignants de la Marne. A la fois l’école obligatoire est un des fondamentaux de la République et il faut y revenir, socialement aussi, le retour à l’école est indispensable, mais pédagogiquement, ce retour sera très limité, ils le savent. Sans compter "que nous, enseignants et chefs d’établissement, on l’apprend (la reprise du 22 juin) par voix de presse, explique mécontente Alice Petit, secrétaire académique du Snes de la Marne. De façon péremptoire, le gouvernement nous demande de reprendre les cours à partir de lundi prochain. Et on entend par voix de presse, toujours, que le protocole sera allégé".

 

La seule chose que l’on sache vraiment, c’est qu’il faudra continuer à respecter une distance d’un mètre entre les élèves mais c’est impossible. Alice Petit, secrétaire académique du Snes de la Marne


A 30 élèves en cours, en primaire comme au collège, la distance "d’un mètre latéral entre chaque", comme l’a précisé Jean-Michel Banquer, ministre de l'Education nationale, aura du mal à tenir. "Dans mon établissement scolaire, précise encore Alice Petit, nous avons dû descendre à 12 le nombre d’élèves par classe (alors que le maximum était de 15) pour pouvoir respecter les 4 m2. On essaye déjà de pousser les murs en temps normal… Personne ne voit comment cela est possible de reprendre sans le faire comme avant".

 

 

Le virus circule toujours

Aucune information sur le port du masque pour les enseignants et les élèves, ni sur la situation des personnels fragiles… Et puis l’inquiétude est là, encore, face aux mauvais chiffres du département de la Marne révélés la semaine passée. Le virus circule toujours. "On est tout de même dans un principe de précaution, reprend Alice Petit. Quels risques sommes-nous en train de prendre ? L’ouverture des écoles va brasser à nouveau pas mal de gens, parfois entre 400 à 700 personnes dans les plus gros établissements. Ensuite ce sont les vacances… Tout cela n’est pas rassurant". "Si le protocole est allégé, il ne faut pas que cela soit au détriment de nos élèves, insiste aussi Irène Déjardin du snuipp. Il ne faut pas que l’école soit le lieu d’une résurgence de la pandémie".

Les enseignants regrettent, une nouvelle fois, que "notre parole ne compte pas, reprend Elodie Géas de la FSU de la Marne. Nous sommes mis devant le fait accompli". "Les décisions sont prises d’en haut sans qu’on ait pu y réfléchir, précise Alice Petit du Snes de la Marne. A chaque fois le résultat n’est satisfaisant pour personne". Ce lundi 15 juin, le ministre de l’Education Nationale a bien reçu les représentants des syndicats d’enseignants…
 

Collège à nouveau fermé pour organiser le 22 juin

Le fils de Zohr a repris le collège il y a quelques jours. "Il est content d’y être retourné. Il a retrouvé ses professeurs, ses copains. Il peut poser les questions qu’il veut quand il a des difficultés. Et puis deux mois et demi à la maison, ça faisait long. L’annonce du chef de l’Etat n’est pas claire, poursuit le père de famille. On est un peu dans le flou. Je me pose des questions sur la manière dont l’établissement de mon fils va s’adapter : dans sa classe, ils devront accueillir d’un coup 28 élèves, et respecter en même temps les consignes sanitaires". Cette semaine, ce collège n’ouvrira que les trois premiers jours et refermera ses portes pour préparer la reprise du lundi 22 juin.

Gregory Arnould, lui, a décidé de remettre à l’école ses deux enfants, son fils en CE1 et sa petite fille en petite section de maternelle. "Ça a été très surprenant cette annonce du président, on ne s’y attendait pas du tout, explique-t-il. On attend de voir comment ils vont s’organiser, ça va être un sacré casse-tête. Quel intérêt de faire ça, juste avant les vacances? Ma petite ne se rend pas trop compte de ce qui se passe, mais mon garçon est content de revoir tous ses amis. Par contre, il nous a lui-même fait remarquer qu’ils risquaient de ne pas respecter les distances de sécurité".
Certains parents et enseignements évoquent une sorte de répétition générale avant la rentrée de septembre. Mais plutôt que de l’organiser en deux jours, peut-être aurait-il fallu mettre à profit ces deux dernières semaines d’école pour engager une réflexion.

"C’est la 3e, 4e fois que les directeurs d’école changent d’organisation, expliquent Irène Déjardin, du snuipp de la Marne et enseignante en maternelle. Ils vont s’arracher les cheveux. Et puis les horaires d’entrée et de sortie des élèves ont changé à Reims. Devra-t-on les modifier à nouveau ?"

Lundi, en fin de journée, les enseignants de primaire ont appris que les classes ne pourraient pas se mélanger. Pas de récréation commune, pas de croisement dans les couloirs et pas de cantine avec tout le monde…

 

Manque de respect envers les professionnels et les communes

"Combien de repas aurons-nous besoin de distribuer lundi ?" s’interroge Véronique Marchet, adjointe au maire de Reims en charge de l'éducation. Une question sans réponse à six jours de la reprise de tous les élèves. Avec 104 écoles et 15 500 enfants à gérer à Reims aucune improvisation n’est envisageable. Sauf que depuis le début de la pandémie, les communes doivent mettre en place beaucoup d'énergie et de moyens humains et financiers pour répondre aux demandes de l'état. Certains d'ailleurs, comme Dominique Lévêque, maire d'Aÿ-Champagne, expriment leur colère sur les réseaux sociaux.

Lors de la reprise d’après-confinement, la ville de Reims a fait le choix de repousser d’une semaine l’accueil des élèves. "Cela demandait un temps d’appropriation pour les directeurs d’école et les enseignants, explique encore Véronique Marchet. Ensuite nous avons joué la carte de la progressivité. Lorsque les personnels de la ville et de l’Education nationale nous disaient "on peut accueillir un peu plus d’enfants tout en respectant l’environnement sanitaire", nous accueillions davantage. Chaque semaine, je travaille avec les cinq inspecteurs de l’éducation nationale et le personnel municipal pour tenter d’anticiper. Et puis, nous avons dit non au gouvernement sur certaines choses comme le retour des élèves de petite section de maternelle".

Envoyer des protocoles sanitaires 48h avant leur mise en place, c'est un manque de respect. Véronique Marchet, adjointe au maire de Reims en charge de l'éducation

 

Cette fois, difficile de dire non. L’obligation du retour à l’école pour tous les élèves du 1er degré et les collégiens a bien été précisée par le chef de l’Etat. "Je suis quand même très prudente, reprend Véronique Marchet. Nous attendons de voir ce nouveau protocole. Il reste beaucoup de questions. Est-ce que c’est quatre jours par semaine pour tous ?Comment va-t-on gérer la désinfection plusieurs fois par jour avec l’ensemble des élèves. On va voir comment les directeurs d’école et les enseignants voient les choses. Peut-être que l’on ne pourra pas prendre tout le monde..."

Quant au périscolaire, "pas de souci en terme d’encadrement et concernant le contenu. Nous avons pendant le confinement demandé à nos partenaires de réfléchir à d’autres manières de faire". Pour la restauration scolaire, il va falloir prévoir les repas sans savoir véritablement le nombre d’enfants à servir. Le casse-tête est en place et tout le monde y travaille sans relâche une nouvelle fois.

"Nous ferons tout ce qu’il faut pour respecter la sécurité des personnels et des enfants, insiste Véronique Marchet. Le travail fait avec l’Education nationale et les personnels municipaux met en place ce qui est bon pour les enfants et dans le respect de chacun". En même temps, l’adjointe au maire de Reims précise l’importance "d’avoir envie d’école". Il faut que les enfants et les familles retrouvent cette motivation et la confiance.

 

Des familles dans le besoin et la désorganisation permanente

"Contre toute attente, les parents sont très contents de ce retour à l'école, explique Béatrice Lutz, présidente de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public de la Marne. Certains étaient bloqués au niveau professionnel, avec un rythme plus stressant à la maison qu'au travail. J'ai aussi le cas de familles au chômage partiel avec un salaire descendu à 980 euros net par mois. Une situation intenable". En même temps, il y a ceux aussi qui ont dû s'organiser pour reprendre le travail au plus vite. "Certains parents ont emmené leurs enfants chez les grands-parents à plusieurs centaines de kilomètres, raconte encore Béatrice Lutz. Iront-ils les rechercher pour cette reprise du 22 juin ?"

La présidente de la Peep de la Marne s'inquiète, elle aussi, de la poursuite de la crise sanitaire. "Attention, il y a des établissements que l'on referme à cause du virus. Il va falloir être vigilants côté sanitaire et ne pas baisser la garde". Béatrice Lutz exprime aussi le besoin et l'évidence de voir les instances travailler en concertation avec les associations de parents d'élèves. "Quand il y a des soucis, c'est nous que l'on appelle", précise-t-elle encore.

Cette dernière reprise avant la fin de l'année scolaire est aussi une façon de tourner la page. De gérer l'affectif en revoyant maîtres et maîtresses, copains et copines d'école. Et ainsi dire au revoir à cette année scolaire si difficile.
 

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