La banque a-t-elle joué un rôle dans le génocide au Rwanda ? BNP-Paribas est en tout cas accusé par trois associations, dont celle fondée par les Rémois Alain et Dafrosa Gauthier, d'avoir autorisé le financement d'un achat illégal d'armes. Une plainte pour complicité de génocide a été déposée.
En 1994, quand le génocide commence, c'est à Reims que Dafrosa Gauthier apprend la mort de sa mère et d'une dizaine d'autres membres de sa famille. Depuis, avec son mari Alain, elle traque les bourreaux du génocide rwandais. Et leurs soutiens.
Le couple rémois se lance aujourd'hui dans un nouveau combat contre BNP-Paribas. Avec deux autres associations, ils accusent la banque française d'avoir participé au financement d'armes pendant le génocide. Vingt-trois ans après les massacres, c'est pour la première fois une banque française qui se retrouve au coeur des soupçons de complicité.
Le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), fondé par le couple rémois, l'association anticorruption Sherpa et Ibuka France, accusent le groupe bancaire d'avoir autorisé des transferts de fonds de la Banque nationale du Rwanda (BNR) destinés à un courtier en armement sud-africain pendant le génocide et alors que l'ONU avait décrété un embargo sur les armes depuis un mois.
A partir d'avril 1994, quelque 800.000 personnes, en immense majorité des Tutsi, avaient été massacrées en une centaine de jours, dans des tueries déclenchées après la mort du président hutu Juvénal Habyarimana dans un attentat contre son avion.
Les associations affirment que la BNP a autorisé, les 14 et 16 juin 1994, des transferts de fonds pour plus de 1,3 million de dollars (1,14 million d'euros) du compte que la BNR détenait chez elle vers le compte en suisse de Willem Tertius Ehlers, propriétaire sud-africain d'une société en courtage d'armes.
80 tonnes d'armes
Le lendemain, Willem Tertius Ehlers et le colonel Théoneste Bagosora, un militaire hutu considéré comme le théoricien du génocide des Tutsi, et depuis condamné par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), auraient conclu aux Seychelles une vente de 80 tonnes d'armes, qui auraient ensuite été acheminées au Rwanda, selon les associations."Selon les nombreux témoignages et rapports d'enquête joints à la plainte, la BNP aurait eu nécessairement (...) conscience que ce transfert pouvait contribuer au génocide en cours", affirment les plaignants dans leur communiqué.
A l'appui de leur procédure, ils invoquent le témoignage d'un cadre de la Banque Bruxelles Lambert (BBL) dont l'établissement aurait, lui, rejeté la demande de la banque rwandaise, se refusant à violer l'embargo.
Cette plainte avec constitution de partie civile pour "complicité de génocide, de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre" est destinée à être instruite au pôle génocide et crimes de guerre du tribunal de grande instance de Paris, où se trouvent déjà 25 dossiers liés au génocide au Rwanda. C'est la première fois qu'une plainte est déposée pour de telles qualifications contre une banque en France.