Sidaction 2021 : les 26, 27 et 28 mars. "La lutte contre le sida ne peut attendre", un slogan que partage l'association Aides à Reims qui comme les autres, se mobilise pour éviter que l’épidémie du virus du sida ne regagne du terrain dans l’ombre de la Covid-19.
"Une personne séropositive sous traitement n’est plus contaminante, c'est le premier message que l'ensemble de la population mondiale doit comprendre" avancent en chœur Sandrine Fournier, directrice du pôle "Financement recherche et associations" à Sidaction, Jean-Luc Ferry, coordinateur territorial chez AIDES en Champagne-Ardenne et Jacques Cohen, Professeur Émérite à l’Université de Reims Champagne Ardenne URCA. Jacques Cohen est un pionnier de la recherche sur le sida. Médecin, scientifique, immunologiste, ce dernier a fait partie de l'équipe qui a découvert le variant du HIV (0°) en 1990. Le brevet sera déposé en 1995. "J'ai eu le plaisir de contribuer à la connaissance de l'histoire de la maladie et donc à l'évolution de cette famille de virus chez les primates et dans notre espèce", explique humblement Jacques Cohen.
Notre époque contemporaine aura connu deux grandes pandémies, le Sida et la Covid. Avec une énorme différence, c'est qu'aujourd'hui, on ne meurt plus du sida
Pour lui, le Sidaction est un rendez-vous incontournable pour poursuivre le message de prévention. "Nous pouvons d'ores et déjà dire que notre époque contemporaine aura connu deux grandes pandémies, le Sida et la Covid. Avec une énorme différence, c'est qu'aujourd'hui, on ne meurt plus du sida, car les traitements sont là, précise le scientifique. J'ai diagnostiqué une patiente en 1995 et aujourd'hui, elle vit très bien et suit son traitement. Si on est dépisté, on est très bien pris en charge."
"On est même mieux pris en charge", ajoute Jean-Luc Ferry. Un patient atteint du sida a un suivi médical encore meilleur qu'une personne normale." "Les personnes atteintes du VIH sont toutes prioritaires sur la vaccination, renchérit Sandrine Fournier, encore faut-il trouver les doses."
"L'arrivée du traitement préventif de la PrEP qui est " la pilule contre le sida" a été ralenti par la crise sanitaire", se désole Jean-Luc Ferry, coordinateur territorial chez AIDES en Champagne- Ardenne. Un constat partagé par Sandrine Fournier à Sidaction. Disponible en France depuis 2016, la PrEP peut se prendre de deux façons différentes : soit en continu - une gélule tous les jours à la même heure, soit "à la demande" - deux comprimés avant un rapport sexuel à risque, puis deux après. Et le médicament remplit son rôle rappelle Jean-Luc Ferry.
"On a noté en France un recul des premières prescriptions de PrEP, cela veut dire moins de personnes protégées contre le VIH, que ce soit en prévention ou en prise en charge", indique Sandrine Fournier. "La méconnaissance de ce traitement existe encore", explique Jean-Luc Ferry. Les médecins généralistes n'en parlent pas toujours et c'est regrettable. La crise sanitaire n'a pas permis de mettre plus en avant ce médicament qui est une avancée très importante pour se protéger contre le sida."
Recul des dépistages
Dans le Grand Est, 5.655 personnes atteintes du VIH sont suivies. La crise sanitaire due à la Covid-19 a fait chuter les dépistages du VIH et un risque de reprise de l'épidémie existe, s'alarment les associations. "Avec la Covid, nous avons eu 560.000 dépistages en moins en France, entre mars et septembre. Ce sont des personnes qu'on ne retrouvera plus et qui ont eu des comportements à risque c'est certain", annonce Sandrine Fournier.
Les différents confinements ont tenu les chercheurs à distance de leur laboratoire une partie de l’année et de nombreux spécialistes en épidémiologie, immunologie, virologie ou infectiologie se sont investis dans la recherche sur la Covid-19. Face à l’urgence, les acteurs de la lutte contre le VIH ont su mettre leurs ressources, leur savoir-faire et leurs connaissances au service d’une autre épidémie. Mais aujourd’hui, la lutte contre le VIH ne peut plus attendre. Le retard pris sur la prévention et le dépistage doit nous faire craindre le pire. Partout, dans le monde, un nombre conséquent de diagnostics n’a pas pu être effectué. En France, cela représente 650.000 tests en moins et dans certains pays, une chute de 50 % de l’activité de dépistage.
"Oui, la Covid-19 a eu un impact sur notre activité, car les personnes que nous accompagnons d'habitude étaient moins visibles, regrette Jean-Luc Ferry, coordinateur territorial chez AIDES. Déjà, le premier confinement a été un vrai coup dur pour notre public." L'association Aides à Reims intervient sur des populations cibles explique le coordinateur. "Nous suivons des HSH (homme ayant un rapport sexuel avec un homme) et je défends cet acronyme, car c'est trop facile d'englober cela dans la communauté gay ; il y a des hommes qui sont hétéros et qui peuvent, de temps en temps, avoir un rapport sexuel avec un homme."
Autre cible pour l'association, les travailleuses du sexe fortement exposées au VIH et plus précisément les femmes subsahariennes nombreuses à Reims. "Ces femmes sont prises dans un système de prostitution malgré elles. Elles doivent rembourser des dizaines de milliers d'euros à leur passeur et c'est ainsi qu'elles intègrent un réseau de prostitution. Vous ajoutez à cela, le fait qu'elles n'ont pas de papiers donc, qu'elles sont dans une situation irrégulière, et le Covid, je vous laisse imaginer la grande détresse pour elles."
Aides s'est adapté à cette situation sanitaire avec ses confinements successifs et ses restrictions. "Nos permanences, d'habitude, prévues les jeudis soir, se font uniquement les jeudis après-midi. Nous continuons à accompagner, à faire des dépistages", précise le coordinateur. "Il existe aujourd’hui des TROD (test rapide d’orientation diagnostique) qui permettent avec une seule goutte de sang d’avoir un résultat. Ce test peut être réalisé dans les locaux de l’association. Il existe aussi des autotests vendus en pharmacie à réaliser à la maison. Chez AIDES, on accompagne la découverte du résultat, qu’il soit positif ou négatif."
"C'est en cela qu'il est important pour nous de pouvoir aider ces associations qui font un travail formidable sur le terrain, rappelle Sandrine Fournier, directrice du pôle "Financement recherche et associations" à Sidaction. Dans le Grand Est, il existe deux grandes structures qui font un travail formidable auprès de notre public cible. Il y a le COREVIH Grand Est et la Salle de Consommation à Moindre Risque."
Nous travaillons en étroite collaboration avec le COREVIH" explique Jean-Luc Ferry. Les populations que nous accompagnons, sont souvent dans une grande détresse psychologique et financière. Certains ont perdu leurs jobs qui leur permettaient de payer leurs dépenses quotidiennes. Les travailleuses du sexe n'ont droit à aucune aide sociale."
"Ce qui pêche, c'est le dépistage. Plus il y aura de dépistages, plus la maladie reculera, insiste le Professeur Jacques Cohen. Les malades ne meurent quasiment plus. L'accès au médicament dans le Tiers-monde a plutôt bien évolué et viendra le jour où les traitements seront encore plus efficaces. Pour le vaccin, plusieurs essais ont eu lieu encore infructueux, mais il n'est pas impossible de réussir à en trouver un, un jour."
Pour Sandrine Fournier comme pour Jean-Luc Ferry, la vaccination "on y arrivera, surtout avec les nouveaux procédés réalisés avec la Covid."
Lever les stéréotypes
En 2019, 6.200 Français ont découvert leur séropositivité. "La vision des pestiférés des années 80 n'a plus aucun lieu d'être. Une personne séropositive, en traitement, n'est plus contaminante", rappelle Jean-Luc Ferry. Mais les idées reçues sur le VIH ont la vie dure. "On fait des études à peu près tous les dix ans chez les jeunes et si on faisait la même chose chez les adultes, on aurait le même résultat, il y a toujours les mêmes représentations." Un constat partagé par Sandrine Founier qui ajoute : "Oui, on peut serrer la main et embrasser une personne séropositive. On peut avoir une vie tout à fait normale et professionnelle avec un collègue séropositif d’autant qu’une personne séropositive en traitement n’est plus contaminante. Le VIH ne se transmet pas par la salive, donc pas par un baiser, un éternuement, ou encore une toux, ni même par la piqûre du moustique tigre comme on a pu l’entendre dernièrement."
Malgré les immenses avancées dans la lutte contre le virus du sida et pour les personnes vivant avec le VIH (découverte des trithérapies, progrès de la recherche, diversité des moyens et des outils de protection), le manque de connaissance et le sentiment d’invincibilité face aux risques liés au virus persistent, en particulier chez les jeunes, souligne Sandrine Fournier. Le manque de connaissance et d’intérêt des jeunes pour le Sida, entraîne une baisse de leur vigilance. Le préservatif est désormais boudé au profit d’autres moyens de contraception qui ne protègent pas contre les maladies sexuellement transmissibles."
Éduquer les jeunes
"Pour les jeunes, le sida est une maladie de vieux et pour les vieux, une maladie de jeunes", expose Sandrine Fournier. Seulement les chiffres sont inquiétants. En 2019, 6.200 Français ont découvert leur séropositivité. Si 21 % d’entre eux sont âgés de plus de 50 ans, 13 % sont des jeunes de moins de 25 ans. Une situation regrettable, et une conséquence du manque d’information de cette tranche d’âge sur le virus du sida.
Le dernier sondage réalisé par IFOP pour Sidaction est parlant : 20% des jeunes estiment que la pilule contraceptive d’urgence peut empêcher la transmission de virus, 12% des jeunes de moins de 25 ans admettent avoir été exposés au moins une fois à un risque d’être contaminé par le VIH/sida (contre 8% en 2019), 23% des personnes interrogées pensent que le virus du sida peut se transmettre en s’asseyant sur des toilettes publiques (contre 15% en 2020). Sondage réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 17 février 2021 auprès de 1002 personnes.
"Je suis très en colère contre l'Éducation Nationale qui ne joue pas le jeu", admet Sandrine Fournier. Qui rappelle que "la loi prévoit plusieurs séances, chaque année, d’éducation à la sexualité dans les écoles". Seulement, presqu'un quart des sondés révèlent ne pas avoir été informés sur le VIH durant leur scolarité. Un chiffre en constante augmentation depuis 2020. "Ce qui est regrettable, c'est que nous avons des jeunes formés par des associations qui peuvent intervenir auprès de ces jeunes. Et ça marcherait très bien, car ce sont des jeunes qui se parlent entre eux. Seulement, ces actions son peu nombreuses, il y a des établissements qui s'impliquent et d'autres pas."
"La capacité à 17 ans d’utiliser un préservatif lors de sa première relation sexuelle, c’est une capacité qui se construit bien en amont, dans la capacité à prendre soin de soi, le respect de l’autre comme celle de prendre soin de son corps. C’est tout cet enseignement-là qui est extrêmement important et qui devrait commencer le plus tôt possible, évidemment sur des thématiques adaptées à chaque tranche d’âge", constate Sandrine Fournier.
"Aux sujets des jeunes, je suis ravie que des gameurs contribuent à lever des fonds pour nous et se mobilisent pour la cause. Ils peuvent ainsi atteindre une cible jeune et au-delà bien sûr." L'association Chœur de Gamers organise un marathon caritatif en partenariat avec le Sidaction. Du 26 au 28 mars 2021, des streamers animent différents lives sur la plateforme Twitch pour récolter des dons grâce à l'événement Gaming for Sidaction.
Nous avons besoin de dons car les associations ne pourront plus survivre étant donné l’impact préoccupant de la crise de la Covid-19 sur la lutte contre le sida
"Aujourd’hui, il est important de continuer à parler du sida afin de ne pas le banaliser. Il est primordial d’informer les jeunes sur les différents modes de protection et de faire passer les bons messages afin de lutter contre les discriminations", répète Sandrine Fournier.
Pour les acteurs, Sidaction reste le rendez-vous qui permet de poursuivre la prévention et la collecte de fonds pour aider la recherche et les associations sur le terrain. "Nous avons trois jours de collecte, avec cette mobilisation. Cette édition est cruciale en raison de l’annulation du Sidaction 2020 et de l’absence d’animations régionales cette année encore. Nous avons besoin de dons car les associations ne pourront plus survivre étant donné l’impact préoccupant de la crise de la Covid-19 sur la lutte contre le sida, rappelle Sandrine Fournier. D'autant que les défis à relever sont encore importants."
"Sidaction, est l’occasion, comme la date du 1er décembre, qui marque la Journée mondiale de lutte contre le sida, de braquer un peu plus les projecteurs sur la cause", relève Jean-Luc Ferry. Pour Jacques Cohen, ces rendez-vous sont essentiels pour poursuivre la prévention et aider la recherche. "Les recherches en biologie sont plus abordables que celles consacrées à la physique-chimie. Et la recherche revient moins chère que la prise en charge des malades", rappelle-t-il. Tous en chœur scandent le même message, porté par Sidaction : dépistez-vous!
Pour faire un don au Sidaction :
Par téléphone : en appelant le 110 (numéro d’appel gratuit)
Sur Internet : www.sidaction.org
Par SMS au 92110 : en envoyant le mot « DON » pour faire un petit don de 5€ (coût d’envoi du SMS gratuit ou inclus dans les forfaits SMS)
Par courrier : Sidaction – 228, rue du Faubourg Saint-Martin 75010 PARIS