Covid un an après : les dons d'organes et les greffes en forte baisse, -25% en 2020, état des lieux au CHU de Reims

L’épidémie de Covid-19 impacte lourdement les patients en attente de greffes et l’activité de prélèvement et de greffe d’organes. Au CHU de Reims, les services de réanimation et de néphrologies ont enregistré une forte baisse pour 2020. 
 

" Ce qui est sûr, c'est que dans le Grand Est il y a un recul de personne greffées" annonce le Dr Charlotte Colosio néphrologue au CHU Robert Debre de Reims. L’épidémie de Covid-19 a impacté lourdement les patients en attente de greffes, mais cela concerne l'ensemble de la situation nationale, précise le Dr Laurent Durin, référent de l'Agence de la Biomédecine pour le Grand Est. L’activité de greffe a chuté de 25 % en 2020. Les greffes rénales (- 31 %) et pulmonaires (-35 % ) ont été les plus impactées en Grand Est, explique le Dr Laurent Durin.

Un constat que le Dr Charlotte Colosio, néphrologue au CHU Robert Debré de Reims, a constaté dans son service où elle suit 750 patients, greffés ou en attente de greffes. "Pour l'activité de transplantation, déjà en 2019, rappelle-t-elle, nous avons peu greffé, car il y a eu un taux de refus très important de la part des potentiels donneurs d'organes", rajoute le Dr Charlotte Colosio. Une situation liée aussi à l'affaire Vincent Lambert qui a affecté l'activité localement, rajoute-t-elle. La Covid -19, a freiné pendant trois mois les transplantations. Durant, le premier confinement les greffes ont dû s'arrêter pendant trois, mois déclare le Dr Charlotte Colosio .



" L'activité de greffes s'est arrêtée de mars à juin", regrette-t-elle. Du coup, aujourd'hui, cela a un impact sur les délais d'attente pour recevoir un greffon comme le rein, explique-t-elle. Nous sommes passés de 31 à 34 mois en terme d'attente. "Les personnes en néphrologie en attente d'un rein ont été mises en attente de greffes", explique Laurent Durin, car elles ont un traitement qui leur permet d'attendre, la dialyse. " Cette décision a été prise par les sociétés savantes qui sont la société francophones de néphrologie, dialyse et transplantation, et la société francophone de transplantation. Au début de la première vague, compte-tenu des messages de l'étranger et de la méconnaissance du virus, ces sociétés, en accord aussi avec les associations des malades, ont décidé de suspendre la greffe rénale, car il y avait un traitement alternatif qui est la dialyse" précise Laurent Durin. Suite à ces décisions, les équipes de néphrologie ont décidé de ne pas prendre de risque. Le traitement de la greffe du rein a été arrêté, car il fallait tenir compte de la balance bénéfice-risque pour le patient.

Mais c'est aussi un risque supplémentaire pour ces patients, prévient le Dr Charlotte Colosio. Ces patients présentent un grand risque en terme de comorbidités, car ce traitement, comme la dialyse, nécessite de venir trois fois par semaine à l'hôpital et en plein covid, c'est un risque aussi. "Pendant le premier confinement, nous appelions, nos patients, tous les jours pour savoir comment ils allaient " . Les choses se sont améliorées, après le confinement, explique Laurent Durin, car le gouvernement a fini par nous entendre et les greffes rénales ont pu reprendre dès le second semestre. 

Baisse des dons d'organes 

Concernant le Grand Est, le nombre de prélèvements de donneurs en état de mort encéphalique a chuté de 15 % par rapport à 2019, explique Laurent Durin. Le nombre de greffes réalisées a diminué de manière similaire dans toute la France. "Nous avons 750 patients dans notre service précise le Dr Colosio. La moyenne d'âge de nos patients est de 58 ans. Cinquante d'entre eux ont fait une forme de covid.  A cela c'est ajouté la sélection liée à la Covid-19 explique le Dr Colosio. Plus de la moitié des personnes en réanimation sont des patients covid, donc qu'on ne prélève pas."  

Systématiquement, chez nos donneurs, on va rechercher un risque de transmission de la Covid-19. Un test PCR est systématiquement réalisé chez les donneurs, avant tout prélèvement d’organes ou de tissus ainsi que la recherche d’un contact avec une personne infectée au cours des 28 jours, qui précédent le prélèvement. En cas de contact ou de symptomatologie au cours de cette période, le prélèvement est contre-indiqué, précise le Dr Durin.

Vient s'ajouter à cela, tous les examens qu'on réalise systématiquement afin de déterminer si les organes peuvent être prélevés. Les équipes médicales vérifient d'abord par prélèvement sanguin si le corps du donneur est porteur de maladies transmissibles (hépatite C, sida, paludisme). L’état des organes est également examiné grâce aux clichés pris par imagerie médicale (échographie, scanner) qui vont mettre en évidence la taille des organes, leur qualité, mais aussi l'absence de maladies sous-jacentes. Chaque organe fait ensuite l’objet d’examens spécifiques. 

Ces examens vont aider à orienter les organes vers des receveurs compatibles avec les donneurs, c’est-à-dire des personnes qui ont des caractéristiques morphologiques et immunitaires proches des leurs. Plus les caractéristiques du donneur et du greffé sont proches, plus la greffe a des chances de réussir, rappelle Laurent Durin. Charlotte Colosio a dans son service un patient qui a eu son greffon il y a 40 ans. " C'est rare, mais c'est possible. Quand est un greffon est bien accepté, il peut tenir très longtemps".

La réanimation sous tension 

L’épidémie en cours sur le territoire et au-delà mobilise fortement les établissements de santé, les soignants et particulièrement les services de réanimation rappelle Laurent Durin . Cela implique des impératifs d’organisation hospitalière et des contraintes humaines et logistiques qui ont un impact sur l’activité de prélèvement et de greffe d’organes. Dans le service de réanimation, au CHU de Reims, le Dr Valérie Brunet, a également été impacté par la crise sanitaire.  " Du fait de la crise sanitaire, il y a eu en effet de grandes répercussions sur le don d'organes et de tissus au niveau national" explique-t-elle.

En France, 2.940 donneurs en état de mort encéphalique ont été recensés (contre 3.471 en 2019) et seulement 1.355 ont été prélevés (contre 1.729 en 2019, soit plus de 20 % de baisse). La situation sanitaire et le premier confinement nous a fait perdre des donneurs potentiels  reconnaît Laurent Durin. " Lors de la première vague, en particulier dans le Grand Est et l'Ile-de-France, quand les services de réanimations étaient submergés, les patients âgés, qui pouvaient faire un accident vasculaire, sont décédés chez elle. Du coup, ce sont des donneurs en moins, car il faut savoir qu'une transplantation doit se faire dans les heures après un décès et le plus tôt étant le mieux avec des organes comme le rein, le cœur, les poumons ou le pancréas, car ils doivent être vascularisés" précise-t-il. 

Lorsque qu'un patient passe en mort encéphalique en réanimation, explique Valérie Brunet, il est possible d'envisager pendant quelques heures un don d'organes et de tissus. L'équipe de la Coordination Hospitalière locale va faire le lien avec l'Agence de la Biomédecine en recueillant le maximum d'informations concernant le donneur (antécédents, biologie, imagerie, ...) et va rencontrer les proches avec l'équipe de la Réanimation afin de connaître la position du donneur par rapport au don et les accompagner au mieux dans ce moment douloureux. En l'absence de contre-indication (la covid en fait partie), l'Agence Biomédicale se charge de trouver les receveurs compatibles au niveau national et de contacter les différentes équipes de greffes, qui se rendront alors au niveau de l'établissement où se trouve le receveur. 

La greffe de tissus en berne

"On détermine avec eux l'heure d'entrée au bloc opératoire et ce sont nos chirurgiens (urologues ou vasculaires) qui préparent le donneur. Les organes (cœur, poumons, foie, pancréas) repartent avec les équipes extérieures pour être greffés très rapidement. Lorsque les deux reins sont prélevés, l'un est destiné à un receveur au niveau national et l'autre reste sur le CHU de Reims où il sera greffé. De même, pour les donneurs des établissements de Troyes et Charleville (autorisés au prélèvement uniquement) : un des reins sera greffé à Reims s'il y a un receveur compatible et l'autre sera proposé au niveau national."

La Covid 19 a également impacté la greffe des tissus, qui sont des organes qui peuvent être conservés dans une banque de tissus, rajoute Laurent Brunet. Un constat partagé par Valérie Brunet : "La crise sanitaire a malheureusement fortement impacté les dons de tissus (cornées, vaisseaux, os et ligaments, épiderme et valves cardiaques). Ce type de don est moins connu, mais il permet également de sauver des vies et dans le cadre du don de cornées de retrouver la vue ".

Des vies sauvées

"Au CHU de Reims, précise Valérie Brunet, nous avons réalisé 42 démarches en vue d'un don d'organes et de tissus, dont 18 ont pu aboutir et 53 receveurs ont pu être greffés au niveau national. Nous avons pu maintenir cette activité de prélèvement grâce à l'implication, entre autres, des équipes des services de réanimation et du bloc opératoire, fortement touchées par ailleurs par la crise sanitaire. Les établissements de Charleville-Mézières et de Troyes ont également maintenu leur activité avec l'aboutissement de trois démarches de don pour chacun".

La Covid 19 a particulièrement affecté les patients dialysés et greffés rénaux. Dans les bases de données de l’Agence de la biomédecine, on recense à ce jour, 8.518 patients infectés par le SARS-Cov-2 : 2.071 patients transplantés rénaux et 6.447 patients dialysés. La fréquence de l’infection à SRAS-Cov2 se situe donc à environ 5 % des patients transplantés rénaux et 13 % des patients dialysés sur l’ensemble du territoire. On recense 302 décès en transplantation rénale (15%) et 1 066 en dialyse (17%) dont la cause est considérée comme liée au SRAS-Cov2.

La baisse de la mortalité observée depuis la première vague de l’épidémie pourrait s’expliquer par un dépistage plus systématique des personnes peu ou non-symptomatiques et/ou une amélioration de la prise en charge grâce à l’expérience acquise, rajoute Laurent Durin. La vaccination reste évidement recommandée quand le patient peut recevoir le vaccin et qu'aucune contre-indication n'est signalée. L'agence biomédicale programme des enquêtes transversales par mail auprès des néphrologues afin de suivre le déploiement de la vaccination des dialysés. À ce jour, 373 unités de dialyse ayant 28.501 patients dialysés ont répondu à l’enquête. Sur l’ensemble, 13.559 patients ont été vaccinés, 43 établissements n’ont aucun patient vacciné, 116 établissements ont 70 % ou plus de patients vaccinés. 

Dans l'unité du CHU de Reims, 90 patients greffés du Dr Charlotte Colosio ont été vaccinés. Au démarrage, cela a été compliqué, mais depuis cela semble s'arranger. " Nous vaccinons tous nos patients actuellement s'ils le souhaitent. Je pense que d’ici fin mars, nous aurons vacciné tout le monde. Je suis également vaccinée depuis trois semaines" précise-t-elle. Dans le Grand Est, il y a eu en 2020, 184 greffes de reins, 75 de foies, 21 de coeurs, 31 de poumons et 2 de coeur-poumons.

 

Soignants, malades, commerçants, employés de supermarché, artistes, élus ou encore parents : nous les avions rencontrés il y a un an. Aujourd’hui ils nous racontent leur année Covid. Pour les découvrir, cliquez sur un point, zoomez sur le territoire qui vous intéresse ou chercher la commune de votre choix avec la petite loupe. 

 

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