Cela peut concerner une opération de sauvetage du patrimoine, l'aide à une famille privée de sa maison ou le soutien à une association. Ce qui est certain, c'est que l'appel au financement participatif a pris une importance certaine. Les bénéficiaires sont parfois surpris par le succès remporté.
Qui n'a pas un jour fait la tournée de ses collègues, pour collecter quelques euros, afin d'offrir un cadeau à un collègue qui part à la retraite ? Mais depuis quelques années, l'ouverture d'une cagnotte en ligne se substitue à cette démarche : soutien à des grévistes, solidarité à des familles en difficulté, aide à un sans-abri ou financement d'un film en préparation, l'éventail des sujets est très vaste. Et en cette période de Covid-19, les élans de générosité ne se démentent pas, notamment sur la toile.
De quelques euros souhaités à plusieurs millions récoltés, on assiste à une prolifération de ces cagnottes. A Reims, Guy Delabre, universitaire, spécialiste de l'économie sociale s'interroge sur ce mouvement.
Idéologiquement, une société ne devrait pas vivre de la générosité des gens.
La puissance des réseaux sociaux
Pour Guy Delabre, ancien directeur de l'I.U.T. de Reims, ce phénomène repose largement sur la puissance des outils de communication. "La puissance des réseaux sociaux permet d'atteindre très rapidement un public concerné par une même problématique. Il y a une facilité extrême à créer ces cagnottes en ligne. Cela permet de mettre en place une nouvelle expression de la solidarité. Pour autant, cela ne conforte pas l'idée d'une nouvelle économie sociale et solidaire. Les gens qui participent à ces cagnottes ne sont pas forcément dans cette démarche. Ils apportent leur contribution, en répondant souvent à une émotion".
Selon l'universitaire, le public se reconnaît dans un fait de société qui le concerne. "Mais, pour parler de mouvement de fond, il faudrait s'intéresser à la sociologie des donateurs. La modicité des dons ne plaide pas pour un public aisé. Peut-être faudrait-il également s'intéresser à la diversité des objets sur lesquels portent ces appels aux dons", ajoute-t-il.
Ca crée du lien, avec des gens qui ont les mêmes idées, les mêmes optiques. C'est dans l'air du temps.
La générosité impressionne
Au Ronron Café, à Reims dans la Marne, une troisième cagnotte vient d'être lancée par un des clients de l'établissement, actuellement fermé, à cause des restrictions sanitaires. Roxane Valette, la présidente de l'association du Ronron Café n'en revient pas. "C'est impressionnant que les gens soient généreux comme ça", dit-elle. "Sur la plateforme Le pot commun, 1.022 euros ont déjà été collectés, et ça ne s'arrête pas. A l'ouverture, on avait récupéré 1.500 euros, au premier confinement, 1.300 euros. L'argent versé actuellement représentera un plus de trésorerie pour voir venir".
Si les aides de l'Etat permettent de faire face au loyer et aux charges, il faudra faire de nouveaux achats pour les clients à la réouverture. Ce qui inquiète Roxane Valette, ce sont les conditions de sortie du confinement. "Après le premier confinement, on n'avait pas réalisé un bon chiffre d'affaires. Des contraintes qui nous imposeraient d'avoir moins de tables, et plus de collaborateurs, pour le nettoyage, ce serait notre mort".
L'association, malgré tout, continue à faire adopter des chats. Les familles adoptantes découvrent les animaux en vidéo, et viennent ensuite les chercher sur rendez-vous. Mais ces cagnottes suscitent un questionnement chez la présidente du Ronron Café : "Idéologiquement", dit-elle,"une société ne devrait pas vivre de la générosité des gens".
La puissance des réseaux sociaux permet d'atteindre, très rapidement, un public concerné par une même problématique.
Une forêt solidaire protégée grâce aux dons
Tout près d'Epernay, dans la Marne, le village de Givry-lès-Loisy a désormais sa forêt solidaire, protégée des animaux de la forêt voisine qui venaient endommager les jeunes arbres. Pour mettre en place des tuteurs et des gaines de protection destinés à éloigner les chevreuils, le propriétaire du terrain, Pascal Lallemant avait besoin de 5.000 euros. Sa cagnotte, sur Kisskissbankbank, a plus qu'atteint l'objectif : 5.030 euros ont été collectés.
"J'ai été surpris par certains dons de 500 euros, et j'ai reçu plein de messages", explique-t-il. "On a rassemblé 68 contributeurs. Ca crée du lien, avec des gens qui ont les mêmes idées, les mêmes optiques. C'est dans l'air du temps. On en a profité, mais il faut beaucoup communiquer pour que ça marche, et la crise sanitaire nous a fait du tort". Certains donateurs ont fait le choix de l'anonymat, mais d'autres ont envoyé leur contribution d'Angleterre, de Belgique ou des Pays-Bas. D'ici fin juillet, Pascal Lallemant leur fera parvenir leur contrepartie. Il continue à donner des informations sur la forêt et les travaux qui ont été réalisés.
Dans le département des Ardennes, une cagnotte pour la restauration de deux calèches, de l'association "Les sabots du relais" est en cours. Elle est suivie par la Fondation du Patrimoine. Toujours dans les Ardennes, c'est aussi le cas pour la maison de Jean Mermoz, à Rocquigny. Il y a quelques mois, en Haute-Marne, une cagnotte a permis à une famille de rembourser les 12.000 euros de l'emprunt de sa maison, vouée à la destruction. Un peu partout, dans la Région, la générosité se manifeste.