Un CBD 100% local ? Un petit producteur face aux géants européens et au flou législatif français

A Romain, dans la Marne, Pierre Harlaut a lancé en février sa culture de chanvre, pour en commercialiser les fleurs. En infusion, à fumer ou transformées, elles détendent sans droguer, grâce à une molécule appelée "CBD". Pour se développer, le petit producteur devra toutefois affronter la redoutable concurrence italienne et espagnole ainsi que le flou législatif français.

Son histoire est celle de multiples aventures entrepreneuriales, d'un nez à l'affût des idées encore trop neuves pour être prises au sérieux, et des géants qu'il a voulu abattre méthodiquement à la fronde, comme David face à Goliath. 

Pierre Harlaut aime se décrire comme un des Gaulois qui peuplent ce village d'irréductibles qu'est devenu Romain, dans la Marne. Et pour rester fidèle à cette réputation de "mec un peu fou", comme il le dit, il s'est lancé dans la culture de chanvre en février.


"C'est la rencontre de deux choses, explique-t-il. En tant que pépiniériste de métier, ma trame est vraiment de décarboner la planète. Or, le chanvre a la faculté de stocker énormément de carbone. Je me suis aussi lancé là-dedans pour me diversifier".

Détendre sans droguer

Se lancer dans la culture du chanvre n'a, a priori, rien d'exceptionnel, puisque la Champagne-Ardenne est l'ex-région française où on en produit le plus et c'est même ici que l'on trouve le plus grand site de transformation en Europe, à Saint-Lyé, dans l'Aube.

Toutefois, Pierre Harlaut n'a pas prévu de fabriquer du papier, de tisser des vêtements ou d'isoler des maisons, comme la plupart des producteurs champardennais. Non, Pierre, lui, veut commercialiser les fleurs du chanvre, à fumer ou à infuser.

C'est du chanvre bien-être, il va permettre de supprimer les douleurs, d'aller mieux quand on a certaines maladies et de se détendre, sans effets psychoactifs.

Pierre Harlaut, producteur de chanvre

Des effets rendus possibles par une molécule : le cannabidiol (CBD), une substance légale en Europe et qui ne produit aucun effet d'euphorie.

Jusqu'ici, tout va bien. Sauf que Pierre Harlaut a face à lui un adversaire de taille : la terrible et parfois nébuleuse loi française.

Faut-il interdire le CBD ?

Le problème du chanvre, c'est sa ressemblance avec son cousin, le cannabis, même s'il ne contient presque pas de substance psychoactive (moins de 0,3%).

Un œil non-expert pourrait toutefois les confondre, avec leurs feuilles et leur odeur similaires.


Alors le gouvernement a tout bonnement interdit la vente des fleurs de chanvre en décembre. L'arrêté ministériel a finalement été suspendu par le Conseil d'Etat en début d'année, sous la pression de l'Association Française des Producteurs de Cannabinoïdes (AFPC), dont fait partie Pierre Harlaut.

Difficile de s'y retrouver au milieu de ce ping-pong législatif, surtout quand on se lance dans la culture de la plante incriminée. Peu d'agriculteurs ont décidé de tenter l'aventure : ils ne seraient qu'une dizaine dans le Grand Est. 

Pierre Harlaut, lui, s'est lancé, tout juste après la suspension de l'arrêté ministériel et sans même attendre une législation claire et nette. Même pas peur !

La France, c'est très compliqué ! Là on s'est lancé dans quelque chose en y croyant. A nos yeux, ça ne pourra pas faire marche arrière, puisqu'on est tributaire de la loi européenne. Malgré tout, il y a quand même des risques.

Pierre Harlaut, producteur de CBD

Le petit producteur face aux géants européens

Faire face à la loi française est une chose, mais les ennemis de Pierre Harlaut sont multiples et sont gros. Très gros même. Avec son hectare de culture et ses 310 mètres carré de serre, Pierre devra aussi affronter la redoutable concurrence européenne, venue notamment d'Italie, du Portugal et de la Suisse.

"Ces chanvres industriels ont des coûts de production inférieurs à ce que nous faisons, nous, de façon artisanale, déplore Pierre Harlaut. Cela nous met une pression énorme !"

C'est donc une longue bataille qui s'annonce, pour un jour voir le CBD local fleurir sur le marché international. En attendant, Pierre Harlaut cherche des partenaires locaux, pour écouler ses premières fleurs de chanvre.

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