En novembre 2019, l'Express révélait l'existence d'un charnier au centre du don des corps de la faculté de médecine René Descartes à Paris. Une enquête est ouverte pour «atteinte à l'intégrité d'un cadavre». Le laboratoire d'anatomie de la faculté de médecine de Reims nous a ouvert ses portes.
Chaque année, une cinquantaine de cadavres se retrouvent sur les tables du laboratoire d'anatomie de la faculté de médecine de Reims. Un don qui permet aux étudiants de s'exercer à opérer sur le corps humain. Un geste peu banal qui a fait l'objet le 27 novembre 2019, d'un scandale sanitaire.
Nos confrères de l'Express révélaient l'existence d'un charnier au centre du don des corps de la prestigieuse faculté de médecine René Descartes à Paris. Des corps donnés à la science, pour la recherche ou la formation des médecins, mais conservés dans des conditions d'hygiène indignes. Aujourd'hui, le centre a été fermé et vingt-quatre familles ont porté plainte dans l'enquête ouverte par le parquet de Paris pour «atteinte à l'intégrité d'un cadavre». L'occasion de mieux comprendre comment se déroule à la faculté de médecine de Reims, le don des corps à la science, pour permettre aux étudiants de s'exercer et étudier l'anatomie.
Pour celà, nous avons suivi le cercueil d'un homme qui avait fait ce choix très personnel avant de mourir, direction le laboratoire d'anatomie de la faculté de médecine de Reims. L'homme était décédé depuis 48 heures. Un corps donné comme d'autres à la science et précisemment à des étudiants internes en chirurgie. Finie la théorie, place à la pratique. Objectif du travail de cet après-midi-là : simuler une intervention sur le système digestif des cadavres. Un exercice incontournable dans un cursus de médecine, et pour certains, une première confrontation avec la mort. "On ne peut pas être médecin sans connaître l'anatomie, c'est comme un garagiste qui ne connaîtrait pas le moteur d'une voiture", confirme un médecin de la faculté rémoise, responsable du laboratoire.
C’est difficile de rentrer dans la salle d'anatomie, on pense aux personnes décédées, on essaye de faire abstraction, de ne pas voir la tête, qui rappelle la personne. Mais, c’est une belle chose de transmettre.
"Jamais la première fois sur le malade"
Chaque année, une cinquantaine de donateurs arrivent au laboratoire d'anatomie de Reims. Des corps de personnes âgées pour la plupart, conservées dans deux chambres froides pour une durée de neuf mois maximum. Organes, peau, le moindre centimètre est disséqué, exploité avec forcément pour les internes, un droit à l'erreur, précieux. Donner son corps à la science, une démarche autorisée en France depuis 1887. Et indispensable selon les étudiants et les médecins.
"On a un adage qui dit : 'Jamais la première fois sur le malade' et cette fois, c'est possible, grâce à cette simulation obligatoire à Reims. Ailleurs c'est le cochon ou des simulateurs, ici on fait le choix du cadavre, car c'est la réalité", assure le docteur Yohan Renard, enseignant en anatomie. Seules conditions pour donner son corps, être majeur, exprimer son choix de son vivant après un entretien avec le personnel médical et débourser 980 euros pour payer le transport du corps, le cercueil et l'incinération. Un geste lourd de sens et de conséquences. Avec une perte d'identité assumée. "Un corps qui rentre dans une salle d’anatomie devient anonyme cela protège ce corps et les proches du donateur", affirme le professeur Marc Labrousse, directeur du laboratoire d’anatomie de Reims.
Pour les families justement, pas de funérailles traditionnelles ni de remise des cendres, mais une dispersion. En guise d'hommage, une simple stèle, épurée, dans un cimetière municipal. En France, seuls 0,5 % des décès aboutissent à un don du corps.
VIDEO : notre reportage au laboratoire d'anatomie de Reims.