Inégalités femmes-hommes : "L'exclusion de la fille de l’espace public commence dès la cour de récré"

À l’image de la société, la cour de récréation est un lieu d'inégalités entre les élèves, le plus souvent au détriment des filles. Le 17 novembre à Custines (Meurthe-et-Moselle), différents spécialistes vont imaginer la cour d’école de demain, pour plus de mixité et d’égalité.

Le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de Meurthe-et-Moselle organise le 17 novembre à Custines (Meurthe-et-Moselle) une journée d’étude sur la restructuration participative des cours d’école. Au programme, 130 participants et un grand témoin, Édith Maruéjouls, géographe du genre reconnue pour son action en faveur de l’égalité femmes-hommes dans l’espace public, pour qui “l'aménagement traditionnel des cours d’école alimente la ségrégation entre les garçons et les filles”.

"L'exclusion de la fille de l’espace public commence dès la cour de récré". C’est en tout cas le constat fait par la docteure en géographie du genre Édith Maruéjouls. Cette spécialiste des rapports entre filles et garçons dans les cours de récré étudie leurs comportements et interactions depuis une quinzaine d’années.

“Une cour de récré, c’est comme une petite société”

“La cour de récré est un lieu de production des inégalités filles-garçons. Bien souvent, la mise en scène du jeu des garçons, au centre de la cour avec un accompagnant, met les filles de côté. Elles sont donc exclues, disqualifiées d’office, les filles n’ont pas de place donc elles s'organisent entre elles, jouent dans leur coin”, observe Édith Maruéjouls.

Il faut que les filles sentent qu’elles ont la même valeur que les garçons dans l’espace public car cette absence de relation hommes-femmes leur fera défaut plus tard

Édith Maruéjouls, docteure en géographie du genre

Une non-mixité qui aura des répercussions à l’adolescence et à l’âge adulte. “Il faut que les filles sentent qu’elles ont la même valeur que les garçons dans l’espace public car cette absence de relation hommes-femmes leur fera défaut plus tard. En tant que femme adulte, on est plus fuyante, on marche sur les bords, on s’adapte aux contraintes”, dénonce la docteure en géographie du genre.

“L’égalité, c’est avoir les mêmes droits, ça n’est pas plus compliqué que ça. Souvent pendant les pauses, les filles sont à l’intérieur, on leur fait faire des arts-plastiques ou de la danse dans une salle, on les exclut de l’espace public”, ajoute la spécialiste.

De façon très caricaturale, les garçons prennent 90% de la cour en jouant au football et les personnes qui ne veulent pas y jouer, souvent des filles, sont sur les côtés

Catherine Ruth, architecte-conseillère au CAUE 54

Depuis plus d’une dizaine d’années, l’équipe du Conseil d’Architecture, de l’Urbanisme et de l’Environnement de Meurthe-et-Moselle recense les besoins des usagers. Aujourd’hui, la structure insiste sur la nécessité de réaménager les cours de récréation des écoles. “Une cour de récré, c’est comme une petite société. De façon très caricaturale, les garçons prennent 90% de la cour en jouant au football et les personnes qui ne veulent pas y jouer, souvent des filles, sont sur les côtés”, déplore Catherine Ruth, architecte-conseillère au Conseil d’Architecture, de l’Urbanisme et de l’Environnement de Meurthe-et-Moselle (CAUE 54).

Certains enfants ont envie de lire, de faire du bricolage et pas forcément de faire toujours du sport et de se dépenser à toutes les pauses

Catherine Ruth, architecte-conseillère au CAUE 54

Pour inciter les filles et les garçons, mais aussi tous les élèves, à interagir davantage, de nouveaux aménagements sont donc à imaginer. “Une cour de récréation peut paraître anodine mais il y a des milliers de choses qui s’y passent, il y a des contraintes et des besoins, il faut tout prendre en compte. Certains enfants ont envie de lire, de faire du bricolage et pas forcément de faire toujours du sport et de se dépenser à toutes les pauses”, insiste Catherine Ruth, architecte-conseillère au Conseil d’Architecture, de l’Urbanisme et de l’Environnement de Meurthe-et-Moselle (CAUE 54).

Une cour de récréation réaménagée pour favoriser la mixité et le bien-être

Forts de ce constat, certains établissements scolaires ont réaménagé leur cour pour créer davantage d’interactions entre filles et garçons. À l’école primaire Jules Ferry, à Malzéville (Meurthe-et-Moselle), la cour de récré n’est plus tout à fait comme les autres. Avec l’aide du CAUE 54, cette école élémentaire publique a fait de la mixité l’une de ses priorités.

“L’idée est de favoriser des jeux mixtes et des activités plus ou moins calmes, pour tous les goûts. La cour de cette école a été ouverte sur un jardin municipal aménagé, des jeux de motricité ont été installés ainsi que du mobilier fabriqué en classe pour permettre des activités différentes, comme un théâtre de marionnettes”, détaille Catherine Ruth, architecte-conseillère au CAUE 54.

La cour de récré, telle qu’elle est traditionnellement composée en France, rectangulaire avec deux tilleuls ou trois marronniers, n’est pas idéale

Catherine Ruth, architecte-conseillère au CAUE 54

À l'ordre du jour, plus de végétalisation, moins de béton, les enjeux sont à la fois de mixité, de confort et d'écologie. “Nous sommes sollicités par plusieurs communes, collèges et écoles. La cour de récré, telle qu’elle est traditionnellement composée en France, rectangulaire avec deux tilleuls ou trois marronniers, n’est pas idéale. Ce grand espace très polyvalent convient pour une classe qui doit faire du sport dans la cour mais est très mal taillé pour les élèves qui ont davantage besoin de petits territoires et d’espaces de tranquillité confortables”, explique l’architecte-conseillère Catherine Ruth.

J’entends parfois des garçons me dire: si je joue à l'élastique, je vais passer pour une fille

Édith Maruéjouls, docteure en géographie du genre

Si le réaménagement des cours de récré facilite la mixité, l’égalité filles-garçons doit aussi passer par la formation des professionnels de l’éducation et par le débat avec les élèves. “J’entends parfois des garçons me dire : si je joue à l'élastique, je vais passer pour une fille. Ces identités d’appartenance faussent les rapports et les garçons aussi sont impactés. Plus tard, ça se transformera en sexisme et en homophobie”, regrette Édith Maruéjouls.

“Pour changer les choses, l’implication des adultes est essentielle et une formation nécessaire. On ne peut pas rester neutre par rapport à ces questions-là. Il suffit parfois de mettre une corde à sauter au milieu de la cour et qu’un adulte organise le jeu et tout le monde le fait”, conclut la docteure en géographie du genre.

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