La scène a été filmée, mardi 11 juin 2024, pendant une manifestation contre le Rassemblement national et l'extrême droite. Une vidéo, devenue virale, montre un affrontement entre des militants d’extrême droite et des manifestants antifascistes, en plein centre-ville de Nancy, sous les yeux de la police. La séquence soulève plusieurs interrogations.
Cette vidéo, devenue virale sur les réseaux sociaux, montre un affrontement entre des militants d’extrême droite et des manifestants antifascistes, en plein centre-ville de Nancy, sous les yeux de la police. La séquence, filmée mardi 11 juin 2024 au soir pendant une manifestation contre le Rassemblement national et l'extrême droite, soulève plusieurs interrogations.
La scène a été filmée
Nancy, 19h00, mardi 11 juin 2024. Alors que le Rassemblement national atteint des scores historiques en France, près d'un millier de personnes au moins (2000 selon les organisateurs, 800 selon la police), surtout des jeunes, manifestent contre l'extrême droite. Au bout d’une heure, le rassemblement se transforme spontanément en déambulation à travers les rues du centre-ville. Au sein du cortège sauvage, surtout des jeunes lycéens et des étudiants, mais aussi des militants antifascistes et des syndicalistes. Au fil de la déambulation, les manifestants se rapprochent de la Grande Rue. La rue est bien connue par militants d’extrême gauche, puisqu'elle abrite la très conservatrice et controversée librairie des Deux Cités. Un lieu qui se décrit comme “enraciné” qui accueille régulièrement des personnalités d’extrême droite, comme Éric Zemmour, entre autres.
Quelques mètres plus loin, un groupe d’une quinzaine de militants d’extrême droite attend de pied ferme les manifestants et leur bloque le passage. Certains sont cagoulés, ceinture à la main. Une manifestante tente de traverser le barrage formé par les militants d’extrême droite. Elle est repoussée par ces derniers et la situation bascule. Des coups de poing et coups de pied sont échangés des deux côtés. Les militants d’extrême droite assènent des coups de ceinture. Ces derniers reculent jusqu’aux forces de l'ordre postées quelques mètres derrière, devant la librairie des Deux Cités. Les militants d’extrême droite se glissent derrière les policiers qui tirent des grenades lacrymogènes en direction de la foule.
La police a-t-elle protégé les militants d'extrême droite ?
Sur les réseaux sociaux, vidéo à l’appui, plusieurs internautes accusent les forces de l'ordre de complaisance vis-à-vis de l’extrême droite et affirment que la police nancéienne aurait protégé les militants d’ultra-droite. Sollicité par France 3 Lorraine, le service de communication de la police nationale de Nancy livre son explication des faits. “C’est une manifestation sauvage, non déclarée en préfecture. La difficulté pour la police lors d’une manifestation non déclarée, c’est de suivre le cortège. Il n’était pas possible d’anticiper. La police a été appelée sur place pour un groupe d’individus cagoulés et un risque imminent de violence dans la Grande Rue. Les forces de l'ordre ont donc dû se repositionner. Au départ, les policiers étaient en position place Vaudémont. Ils n’étaient pas là spécialement pour protéger la librairie”, insiste l’officier.
D'où j'étais, j'ai vu que les fachos se protégeaient derrière les flics
Manifestant témoin de la scène
Sur X (ex-Twitter), Youtube, Instagram et Tik Tok, la vidéo cumule plusieurs centaines de milliers de vues. L'un des membres de l'Union des jeunes nancéiens, collectif à l'origine de l'appel à manifester, était présent sur place au moment de la scène. Il donne également sa version des faits : "On est parti en manif sauvage. Les antifas étaient devant, ils servaient de service d'ordre. On a été bloqué par des fachos qui bloquaient le passage. Les antifas ont essayé de passer, ils se sont tapés avec les fachos. Certains lycéens se sont mêlés aux antifas. D'où j'étais, j'ai vu que les fachos se protégeaient derrière les flics. Je n'ai pas compris sur le moment. Ils ont balancé de la lacrymo et on s'est dispersé", dit le jeune homme.
À aucun moment la police n’a cherché à protéger les militants d’extrême droite
Chargé de communication de la police nationale 54
La communication de la police nationale de Nancy confirme que les fonctionnaires sur place ont fait usage de gaz lacrymogène, lors des affrontements entre militants d'extrême gauche et d'extrême droite. “Des grenades lacrymogènes ont été lancées pour disperser le groupe d’individus. L’intervention rapide des forces de l’ordre a permis de les disperser rapidement. Quand le groupe a été dispersé et que la manifestation a repris, la dizaine d’individus (d’extrême droite) a été contrôlée par la police et les identités ont été relevées. Il n’y a pas eu d’interpellation car la police était en effectif réduit. Il y avait 6 policiers de la GSP (Groupe de sécurité de proximité) et des agents de la BAC (Brigade anti-criminalité), face à 800 manifestants. À aucun moment la police n’a cherché à protéger les militants d’extrême droite. Les policiers protègent tous les citoyens”, assure l’officier de la police nationale.
Nous voyons que la police n'intervient pas et qu'elle protège les fascistes
Fédération Libertaire de Lorraine
Une version contredite par la Fédération Libertaire de Lorraine, qui a posté la séquence vidéo devenue virale. "Ce mardi 11 juin 2024, environ 2500 personnes ont battu le pavé dans les rues de Nancy pour protester contre la peste brune, en l'occurrence le Rassemblement National. Dès le début, plusieurs néonazis se sont approchés du rassemblement place Stanislas. Une vingtaine de minutes après le départ du cortège, un groupe de néonazis armé de ceintures s'oppose à l'avancée de la manifestation. Une personne décide de passer malgré tout et reçoit un coup. C'est à ce moment-là que le service d'ordre de la manifestation intervient, mettant en fuite le groupe de nazis. Quelques mètres plus loin nous voyons que la police n'intervient pas et qu'elle protège les fascistes. Pire, nous voyons que les policiers cautionnent leurs actes ! Voilà le vrai visage des militants d'extrême droite et de la police française", indique la légende YouTube de la vidéo postée par les militants libertaires.
Un1té 54 ne peut tolérer les accusations de complicité, de connivence ou de bienveillance à l'égard de l'ultra-droite pas plus que les propos insultants tenus à l'égard de nos collègues qualifiés de "fascistes", "fachos" ou encore "miliciens"
Syndicat de police Un1té 54
De son côté, le syndicat de police Un1té 54 réfute fermement cette interprétation des faits. "Au vu des tensions entre les deux groupes, Un1té 54 précise, s’il en est besoin, que les policiers présents ne pouvaient repousser les membres de l’ultra-droite en direction du cortège sans les exposer de manière certaine à des blessures graves". Suite aux accusations visant la police, le syndicat dénonce dans un communiqué "des critiques totalement injustifiées et des accusations infondées". Un1té 54 rappelle aussi "que les policiers sont républicains, ils ne servent aucune cause dans l’exercice de leurs fonctions et leurs missions dans le cadre de manifestations sont de maintenir l’ordre, de le rétablir si nécessaire et de protéger les personnes et les biens (...) Un1té 54 ne peut tolérer les accusations de complicité, de connivence ou de bienveillance à l'égard de l'ultra-droite pas plus que les propos insultants tenus à l'égard de nos collègues qualifiés de fascistes, fachos ou encore miliciens", précise encore le communiqué.
Ce samedi 15 juin, à Nancy, de nouvelles tensions sont redoutées. Un nouveau rassemblement contre l'extrême droite est prévu place Charles III, à partir de 10h.