Avec "Les fauteurs d'ordre", l'auteur Jean-Philippe Jaworski s'engage contre l'extrême droite

L'écrivain lorrain Jean-Philippe Jaworski s'engage contre l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite en publiant un conte philosophique noir "Les fauteurs d'ordre" aux éditions Denoël. Le récit écrit en un temps record est d’ores et déjà disponible en librairie.

On connaît Jean-Philippe Jaworski pour ses romans de Fantasy (littérature de l'imaginaire). Le Nancéien a d'ailleurs déjà été primé pour "Gagner la guerre" au festival Les Imaginales d'Épinal en 2009. Il est par ailleurs professeur de lettres dans un lycée de Nancy.

Dans cette période troublée que nous connaissons tous depuis l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale par le chef de l'État le 9 juin dernier, le romancier a décidé de faire entendre une voix singulière et littéraire. Certains publient et signent des tribunes pour dénoncer les risques de l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite, Jean-Philippe Jaworski à quant à lui prit sa plume pour écrire en seulement quelques jours : "Les fauteurs d'ordre", imprimé et publié dans la foulée.

À travers ce conte noir, j’ai voulu démystifier la normalisation du parti d’extrême droite et mettre en situation quelques-uns de ses fondamentaux.

Jean-Philippe Jaworski, écrivain

"Pascal Godbillon, directeur de la collection Lunes d’encre aux éditions Denoël, cherchait un moyen de manifester notre opposition aux idées d’extrême droite, avec les moyens qui sont les nôtres, lui en tant qu’éditeur et moi en tant qu’auteur. Il m’a donc soumis l’idée d’écrire une nouvelle de fantasy engagée en huit jours, pour avoir ensuite le temps de l’imprimer et de la distribuer avant le second tour des législatives. À travers ce conte noir, j’ai voulu démystifier la normalisation du parti d’extrême droite et mettre en situation quelques-uns de ses fondamentaux : xénophobie sous-jacente à la préférence nationale, État policier, contrôle de l’opinion et des médias, fin de l’État de droit", nous explique l'auteur.

Un récit au passé qui résonne au présent 

L'intrigue se déroule dans une France qui évoque la période de la Renaissance. Dès le départ, le lecteur est plongé dans un univers pétri d'intrigues, de manipulations et de nouvelles lois qui régent la vie publique, comme celle sur le droit du sang.

Ainsi s'exprime Praetor le personnage principal de ce conte philosophique s'adressant à l'échevin (magistrat municipal) :

"Nous enquêterons pour identifier parmi vos parents ceux qui sont de pure souche. Si toute votre famille est métissée, ces avoirs reviendront à la couronne"

Impossible de ne pas y voir un parallèle à la suppression du droit du sol inscrit dans le programme du Rassemblement national pour ces élections législatives, mais pourquoi choisir d'inscrire le récit dans le passé ?

""Les Fauteurs d’ordre" était destiné à une collection d’imaginaire. Comme des fictions engagées contre l’idéologie d’extrême droite ont déjà été publiées en science-fiction dystopique, Pascal Godbillon préférait que le cadre soit plutôt fantasy. C’est la raison pour laquelle j’ai opté pour le royaume de Cordueil qui évoque de loin la France de la Renaissance. Une des raisons qui m'ont fait choisir ce contexte, c’est que la Renaissance a été le creuset paradoxal de la notion de tolérance, au milieu de terribles guerres civiles provoquées par la radicalisation religieuse. Un essai publié en 2021 par Jérémie Foa, "Tous ceux qui tombent", fruit d’une étude historique des victimes et des bourreaux ordinaires des massacres de la Saint-Barthélemy, dégage des processus de montée en puissance dans les violences civiles qui sont observables à différentes époques, y compris à la veille des grands pogroms du XIXᵉ et du XXᵉ siècle. J’avais cette correspondance à l’esprit en concevant "Les Fauteurs d’ordre" ; par exemple, les noms des sergents tortionnaires du conte, Croizier, Leclou et Poculot, sont directement empruntés aux miliciens et assassins de masse à Paris en 1572.

L'arrivée de l'extrême droite au pouvoir entraînerait une remise en question des droits de l’Homme, un déshonneur pour notre pays

Jean-philippe Jaworski

La nouvelle décrit un univers très noir, où la délation est la règle, où le savoir a disparu pour laisser place à la souffrance des suppliciés :

"Les salles de cours étaient devenues chambres de justice ; les cabinets de travail avaient été attribués aux magistrats ; la bibliothèque, vidée de ses volumes poussiéreux, renfermait désormais le greffe. Les caves servaient de prisons et de salles d’interrogatoire".

Réveiller les abstentionnistes

À l'image de sa nouvelle, l'auteur craint de nombreuses dérives avec l'arrivée de l'extrême droite aux commandes :

"Je redoute la mise en place de politiques discriminatoires ; une politique sécuritaire qui dérive vers un État policier ; une tentative de prise de contrôle du système judiciaire, comme cela a été entrepris en Pologne ; une mise au pas des médias d’opposition, qui est de fait déjà commencée dans le groupe Bolloré quand on voit la façon dont des organes de presse comme i Télé ou Le JDD ont été purgés et instrumentés au service de l’extrême droite ; la vassalisation de la France au Kremlin. Tout cela entraînerait une remise en question des droits de l’Homme, un déshonneur pour notre pays que sanctionnerait un déclin accéléré sur la scène internationale et, probablement, l’aggravation de nos difficultés économiques".

Auteur prisé des amateurs de Fantasy, Jean-Philippe Jaworski espère toucher son lectorat qui est très divers : 

"Je ne suis pas sûr que ce conte puisse convaincre les électeurs d’extrême droite ; je crains au contraire qu’il les conforte dans leur choix en servant de repoussoir. En revanche, j’espère que ce texte prêtera à réfléchir parmi ceux qui ne sont pas radicalisés ; qu’il pourra contribuer à ramener vers les bureaux de vote les indécis et les abstentionnistes, ou à encourager ceux qui ne se retrouvent pas dans l’offre des candidats à voter malgré tout pour le front républicain afin de faire barrage à l’extrême droite. Si Les Fauteurs d’ordre touche un plus large public et qu’il joue un rôle, si modeste soit-il, dans l’effort de résistance républicaine, tant mieux".

"Les fauteurs d'ordre" est disponible en librairie au prix de 5 euros.