Mobilisation inédite mardi 22 novembre 2022 des magistrats, avocats, greffiers. Illustration à la cité judiciaire de Nancy en Meurthe-et-Moselle. Tous dénoncent le manque de moyens, la souffrance au travail et une justice au rabais
Ce mardi 22 novembre 2022, la salle d'audience D de la cité judiciaire de Nancy (Meurthe-et-Moselle) est pleine comme un œuf. Ici, pas de justiciables, ni de public mais un foisonnement de robes noires. Magistrats, avocats, greffiers et personnels de juridictions sont réunis pour une même cause : dénoncer le manque de moyens et une situation devenue intenable. Une union sacrée inédite qui en dit long sur l'état de déliquescence de l'institution judiciaire.
Tous dénoncent la souffrance au travail, une perte de sens et au final une justice au rabais. Un an jour pour jour après le coup de tonnerre du suicide d'une magistrate à Béthune, Eric Bocciarelli, juge des libertés et représentant régional du Syndicat de la magistrature estime que la situation a encore empiré : "c'est un rappel en force pour dire au gouvernement : vous ne tenez pas vos promesses et surtout prenez en compte les réels besoins de la justice ! Dans le ressort de Nancy, la situation est très difficile. On va devoir supprimer encore des audiences civiles et des audiences pénales parce que nous n'arrivons pas à les tenir correctement."
Les magistrats dénoncent aussi une institution maltraitante, aveugle aux conditions de travail : "la santé et la sécurité au travail sont inexistantes". Des mots durs qui trahissent une réelle souffrance d'hommes et de femmes empêchés dans leur mission quotidienne. "On fait de la gestion de flux, on gère les justiciables comme des stocks" lâche un magistrat expérimenté, un rien désabusé.
Les avocats sont aussi présents en force. Ils sont en première ligne face aux conséquences du manque de moyens et tiennent à exprimer leur solidarité. Maître Sonia Rodrigues, représentante du Syndicat des Avocats de France (SAF), constate chaque jour les mauvaises conditions de travail des magistrats et les conséquences délétères sur les justiciables :"en tant qu'avocat, nous subissons les répercussions de cette dégradation dans l'exercice de nos missions. Nos clients en pâtissent. Les délais d'audience ne sont pas satisfaisants, ils ne sont pas raisonnables au sens de la loi et de la Constitution."
Même constat pour le bâtonnier Maitre Frédéric Berna : "à Nancy, le système judiciaire se délite. C'est l'impossibilité matérielle qui empêche l'ensemble de la chaine de fonctionner" . Eric Bocciarelli lâche cette formule lapidaire:" avant, rendre la justice était un honneur, aujourd'hui c'est devenu un leurre."
Après le suicide de Charlotte G, la magistrate de Béthune le 23 novembre 2021, des moyens ont été alloués à la Justice : un budget en hausse de 8% et 300 recrutements supplémentaires par an. Selon l'Union Syndicale des Magistrats (USM), Il manque 20.000 magistrats en France. Il faudrait donc à ce rythme vingt ans pour combler les manques.