Fermée depuis le 16 mars dernier, l'Eman a décidé de rembourser les cours non dispensés. Résultat : un manque à gagner de 20.000 euros. L'école lance un appel aux dons pour survivre.
A Nancy, c'est une institution. Souvent, c'est à l'Eman (École des Musiques Actuelles de Nancy) que les jeunes de l'agglo sont initiés à la pratique musicale. Rien à voir avec le Conservatoire local. Comparativement, l'Eman est un petit bateau face à l'imposant paquebot. C'est une école de musique associative qui cultive l'esprit qui va avec. Ici, on accompagne plutôt qu'on sélectionne. On y cultive une ambiance “cool” mais tout en étant exigeant et ce, dès l'âge de quatre ans. Une philosophie qui fait la force et le succès de l'établissement.
300 élèves inscrits cette année
Cette année encore, 300 élèves fréquentent les différents cours et dispositifs pédagogiques. “Chaque année, on gagne en moyenne 25 nouveaux élèves” glisse André Cuttita, son directeur et par ailleurs professeur d'accordéon et de saxophone. Sous son autorité, 20 salariés dont 17 enseignants. Une solide équipe de “profs-musiciens” contrainte au “chômage partielle” depuis le 16 mars dernier. Les locaux de l'école sont fermés en raison du Covid-19. Fini, les cours de guitare électrique, de basse, de clarinette... et autre piano.“Pas mal de parents m'ont demandé pourquoi nous ne mettions pas en place un système de cours à distance avec des tutos ou des vidéos“ poursuit André Cuttita, “il faut savoir que le statut actuel des professeurs salariés de l'Eman m'interdit formellement, sous peine de forte amende et de suppression de l'aide de l'état, de leur demander de travailler, même sous forme de télétravail. Des institutions comme l'Éducation Nationale, le conservatoire... ont mis en place des dispositifs de continuité pédagogique par vidéo par exemple.... mais les enseignants de ces structures publiques ne sont pas en situation de chômage partiel et ils continuent à toucher l'intégralité de leur salaire.”
Avec le Covid-19, impossible de jouer d'un instrument à vent ou organiser des cours de chants
- André Cuttita, directeur de l'Eman
Du coup, l'Eman a pris la décision de rembourser les cours non dispensés. L'équivalent d'un trimestre. “On espère réouvrir... peut-être en juin pour quelques semaines. On est tributaire de ce qui va se passer dans les écoles, collèges et lycées. Mais je pense qu'on va certainement rester fermé”, poursuit le directeur. “Les locaux sont exigus et drainent beaucoup de monde. Enfants comme parents. Il faudrait mettre en place un accueil qui relève du casse-tête. Et puis, il y a un problème majeur dans les écoles de musiques comme la nôtre : celui, de la pratique. Avec le Covid-19, impossible de jouer d'un instrument à vent ou organiser des cours de chants. Il y a beaucoup trop de risques de projections de salives et avec un masque, c'est franchement impossible. Même jouer du piano relève de l'exploit. Il faudrait le désinfecter après chaque cours. C'est impensable. Qui pour le faire et à quel coût ? Pas de doute, notre structure va être impactée par cette situation inédite et exceptionnelle”.
André Cuttita estime “un trou d'environ 20.000 euros à la fin du mois de juin. C'est une somme énorme pour une association comme la nôtre. D'habitude, on arrive à l'équilibre mais dans les circonstances actuelles, c'est impossible.”
Des dons qui ouvrent droit à une réduction d'impôt
Pour compenser, l'Eman lance une opération solidarité. Reconnue d'intérêt général à but non lucratif, l'association peut recevoir des dons qui “ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % du montant versé dans la limite de 20 % du revenu imposable. Un don de 50 euros ouvre par exemple droit à une réduction d'impôt de 33 euros, un don de 100 euros à une réduction de 66 euros, etc...” Les dons réalisés en 2020 “devront être déclarés avec vos revenus au printemps 2021” précise André Cuttita. “Nous avons fait parvenir un courrier explicatif aux familles concernées mais tous les dons sont les bienvenus pour permettre à notre école de poursuivre son travail.”Ironie de la situation, André Cuttita devait prendre sa retraite fin avril “après 40 ans de pratique”. Un appel à candidature pour le remplacer avait même été lancé courant février. “Les premiers entretiens étaient prévus courant avril. Je vais assurer jusqu'à nouvel ordre, pas de problème mais j'avoue que je passe l'année scolaire la plus bizarre de ma carrière.”
Si l'Eman passe la tempête, elle fêtera l'année prochaine sa vingt-cinquième année d'existence.