Depuis l’annonce de la fermeture de la plupart des marchés, notamment de plein air, les producteurs locaux et AMAP de Meurthe et Moselle ont dû s’adapter. Proposant des livraisons, ailleurs et autrement.
Habituellement, ils se retrouvent chaque vendredi après-midi sur le marché bio de Vandoeuvre-lès-Nancy, le plus important de la région en termes de fréquentation. Ils sont une cinquantaine de producteurs locaux venus principalement de Meurthe-et-Moselle et des Vosges. Avec une clientèle fidèle aux circuits courts, adeptes des produits de qualité issus de l’agriculture biologique. Une clientèle toujours plus nombreuse qui n’a pas abandonné ses producteurs après l’annonce par Edouard Philippe de la fermeture des marchés ouverts.
"On s’est complètement réorganisés"
"On a reçu des mails, des appels téléphoniques de gens qui voulaient continuer à acheter nos légumes. Ce qui est frappant, c’est la solidarité. Cette fraternité incroyable de nos clients. Quels que soient les âges."Le marché bio de Vandoeuvre-lès-Nancy représente 35% de notre chiffre d’affaire.
- Charly Naudé, maraîcher à la ferme Romé
Des livraisons sont donc mises en place sur des parkings autorisés par les municipalités concernées du département. Dans le respect des gestes barrières et avec l’aval de la préfecture de Meurthe et Moselle, en sus des ventes directes à la ferme et des livraisons habituelles des AMAP. Un drive avec des commandes prises auprès des différents producteurs locaux est par ailleurs proposé dès ce vendredi 26 mars, sur le parking du magasin bio "l'Eau vive" de Vandoeuvre-lès-Nancy.Mais quand on livre les gens, qu’on voit leur sourire, ça nous aide à surmonter tout ce travail supplémentaire.
- Charly Naudé, maraîcher
Réorienter les clients
Aline Choné est productrice de viande à la ferme du Cytise à Mandres-aux-Tours en Meurthe-et-Moselle. Elle est habituellement présente chaque semaine, sur deux marchés bio, celui de Pont à Mousson, le jeudi et celui de Vandoeuvre-lès-Nancy, le vendredi. Aline fait également partie de deux structures commerciales reposant sur un collectif de producteurs bio qui proposent des ventes en ligne ou avec retrait à la ferme: "Les Fermes Vertes" et des "Emplettes Paysannes"."Quand j’ai commencé il y a 3 ans", explique Aline Choné, "on m’avait dit de ne pas mettre tous mes œufs dans le même panier, en ne faisant que les marchés. 70 % de mon chiffre d’affaire provient donc des 'Fermes Vertes' et des 'Emplettes Paysannes'".
Avec la fermeture des marchés, on réoriente nos clients vers ces structures.
- Aline Choné, productrice de viande
"Ma trésorerie est dans les champs"
"Sur la viande, pour le moment, je ne perds pas d’argent", précise Aline. "J’emmène un veau tous les lundis à l’abattoir de Verdun. Si je sens que les clients ne répondent plus présent où si le confinement est renforcé, je ne vais pas à l’abattoir, et mon veau fera juste 15 kilos de plus, la semaine suivante, il ne sera pas dans les frigos en train d’attendre. Ce n’est pas pareil pour les maraîchers."
Un hectare de radis, si vous attendez une semaine pour les ramasser, ils sont trop gros et invendables.
- Aline Choné
"Ma trésorerie, elle est dans les parcs, donc je ne perds pas d’argent pour le moment. Mais si ça devait durer, je commencerais à avoir des problèmes pour payer mes factures. Je voudrais remercier nos clients de ne pas nous laisser tomber en ces temps de crise."
Pas de travailleurs détachés
Pour Charly Naudé, le coronavirus n’a rien changé au travail dans les champs et dans les serres. Seule la préparation des paniers change avec le port d’un masque et de gants, tout comme leur livraison. Aucun problème par ailleurs pour récolter les légumes ou ramasser les salades sous serre pour les douze salariés de l’exploitation.
"Nous n’avons jamais travaillé avec des travailleurs détachés. Nous travaillons avec les mêmes personnes depuis des années, avec une participation de chacun aux bénéficies de la ferme mais aussi dans la prise de décision. C’est toute une philosophie de l’agriculture biologique que nous défendons depuis plus de 30 ans", explique Charly Naudé. "On partage tous les mêmes valeurs de la terre dans le plus grand respect de la planète. Nous n’avons donc aucun souci pour récolter nos légumes. Rien ne change. Que les gens soient rassurés, une carotte qui sort de terre chez nous n’est pas restée dans des frigos durant un mois et n’a pas été manipulée par je ne sais combien de personnes, comme dans les hypermarchés"
Livraison délocalisée
Pour les 70 AMAP de Lorraine, le coronavirus a pour effet de changer les lieux de livraison, désormais délocalisés. Habituellement, les livraisons s’effectuent dans des centres sociaux, des salles communales ou bien encore dans les MJC.
"Comme tous ces endroits sont fermés, nous avons dû nous réorganiser", explique Valérie Bourgeois, membre de l’AMAP du Crapaud Sonneur. "Un gros gros travail d’échanges entre producteurs, avec les collectivités et la préfecture a eu lieu. Désormais, les livraisons sont délocalisées sur des parkings avec l’aval de chacun."
Des réunions ont lieu très régulièrement pour organiser en toute légalité ces livraisons. Une réorganisation qui s’est effectuée avec l’aide du réseau régional LORAMAP et national MIRAMAP. "Nous avons toujours milité pour le maintien d’une agriculture paysanne et de proximité. Ce système est résilient en temps de crise. Ce type d’agriculture prouve que l’on peut fonctionner autrement, que les produits sont sains."
On n’a pas à craindre les postillons de qui que ce soit comme dans les grandes surfaces.
- Valérie Bourgois, AMAP du Crapaud Sonneur
"Pour retirer un panier dans une AMAP, une personne coche l’arrivée du client. Les distances des uns et des autres sont évidemment respectées. Une autre personne prépare la commande avec masques et gants, pose la commande sur une table. Le client n’a plus qu’à la prendre."
Une réflexion est actuellement en cours pour ouvrir les AMAP de Lorraine aux producteurs locaux qui ne sont pas adhérents.