"Disquaires, une histoire", le livre de Francis Dordor est un ouvrage référence pour se souvenir de tous ces magasins qui ont nourri la passion du vinyle. Parmi eux, deux disquaires de Nancy : Wave et Punk records.
C'est un objet qui était roi. Pendant des décennies, le disque a rythmé le quotidien des fans de musique. Un âge d'or “qui court du début des années soixante jusqu'au milieu des années quatre-vingt” explique Francis Dordor, auteur de Disquaires, une histoire - La passion du vinyle (GM Editions).
?DISQUAIRES UNE HISTOIRE - Disponible ce samedi 12 juin, à l'occasion du Disquaire Day 2021 !! ?
— GM Éditions (@EditionsGm) June 11, 2021
Un livre de Francis Dordor, préface de Laurent Chalumeau
*L'édition spéciale @disquaireday inclut un DVD exclusif sur l'histoire de #TowerRecords (All Things Must Pass)? pic.twitter.com/46YnCGT2yD
Rien à voir avec aujourd'hui, où pour écouter de la musique, il suffit d'aller sur YouTube ou sur une plateforme de téléchargement. Là, il fallait se rendre chez le disquaire. Des lieux de “légendes”, du magasin New Rose à Paris, Rough Trade à Londres mais aussi Wave à Nancy. Un disquaire mais aussi un label (Les Disques du soleil et de l'acier) avec à sa tête, Gérard Nguyen, passé par La Parenthèse en 1975 et 1977 (autre disquaire majeur à Nancy). “Le rayon rock n'existait pas avant mon arrivée” se rappelle Gérard Nguyen, “je jouissais d'une très grande liberté.” C'est là qu'il se rode avant de lancer sa propre boutique.
C'était une petite boutique d'environ quarante mètres carrés.
La création du label précède celle de sa boutique Wave en 1985 situé au 38, rue des Soeurs Macarons en plein centre de Nancy : “C'était une petite boutique d'environ quarante mètres carrés” se souvient Gérard Nguyen, “comme son nom l'indique, le magasin était plutôt spécialisé New Wave. On y trouve tout ce qui à l'époque se situe à la crête de cette nouvelle vague, des groupes comme Minimal Compact, Tuxedomoon, les Residents, Snakefinger, les premiers groupes de rock industriel comme Einstürzende Neubauten. Mais ce sont aussi les débuts de Cure dont j'avais vu un concert auquel n'avaient assisté que 200 personnes.”
Dans les années 80, la scène locale présente une bizarrerie : celle de ne pas répondre au réflexe rock'n roll à l'anglo-saxonne.
Cette présence, doublée de la forte personnalité de Gérard Nguyen (qui refusait parfois de vendre ses disques à certaines personnes, c'est du vécu NDLR), va participer à la création d'une scène locale qui présente une “bizarrerie” selon Francis Dordor, “celle de ne pas répondre au réflexe rock'n roll à l'anglo-saxonne. Le duo Kas Product, précurseur de l'électro rock en France, les inclassables Double Nelson et Dick Tracy, subvertissant à leur manière les critères du punk et de la newwave, sont les marqueurs sonores de la ville pendant cette période.”
Wave est resté ouvert à la même adresse jusqu'en 2009. Aussi décrié que respecté, Gérard Nguyen reconnait le rôle de ”prescripteur” de sa boutique, “les disquaires servaient de centres d'information.”
Forcément, Gérard Nguyen sème des petits cailloux et parmi ceux, qui à Nancy, les ramassent. Un certain Stéphane Grégoire. A 20 ans, étudiant à la fac, client chez Wave, il passe de l'autre côté en y devenant vendeur. “Le disque le plus connu chez Wave devait sans doute être le moins connu chez les autres disquaires” se souvient celui qui aujourd'hui, dirige également un label (Ici d'ailleurs) mais aussi un magasin de disques à Nancy depuis décembre 2018, Rhizome. “Aujourd'hui, on vend 95% de vinyles et 5% de CD” précise le disquaire, “notre clientèle, ce sont des jeunes d'une vingtaine d'années et ça, c'est plutôt une bonne nouvelle... J'ai éprouvé l'envie de renouer avec ce plaisir que procure un vrai magasin de disques. J'ai le souvenir, et sans doute la nostalgie, de ces boutiques où il y avait des échanges, parfois des prises de bec entre fans de tel ou tel genre.”
God save "Punk Records"
A Nancy, un autre passionné fait figure de disquaire incontournable et hors norme. Il s'agit de Francis Kremer. Dans sa boutique située rue gourmande, autour des restaurants, il fait de la résistance depuis 1975. "Adolescent, il y avait des tas de choses que je n'arrivais pas à trouver et que je faisais venir principalement d'Angleterre" raconte Francis Kremer dans l'ouvrage de Francis Dordor, "comme des copains ont commencé à me demander de leur commander des disques, je me suis dit pourquoi ne pas en faire un business."
1975, "c'est aussi l'époque des New York Dolls" explique Francis Kremer, "si bien que j'ai appelé ma boutique Punk Records en référence à ce phénomène qui connaîtra deux ans plus tard son apogée avec les Sex Pistols, les Damned et autres Clash."
Ce qui ne l'empêche pas de vendre dans ses bacs du Léo Ferré, du Gérard Manset ou les Eagles "mais l'identité du magasin restait rock et new wave... C'est vrai qu'il y avait toute une bande de gens qui préférait passer du temps à la boutique que fréquenter les bistrots. Je pense que ça tient au fait qu'on trouvait chez moi les dernières productions en provenance d'Angleterre ou des Etats-Unis... Et forcément, ça a influencé la scène locale."
Si les disquaires de Nancy tiennent une bonne place dans cet ouvrage richement documenté, il en va de même dans d'autres villes françaises comme Rennes, Nantes, Le Havre et bien évidemment Paris. Une histoire riche en témoignages et anecdotes qui est loin d'être bouclée. Il reste environ trois cents disquaires dans l'hexagone qui sont loin d'avoir dit leur dernier mot.
Disquaires, une histoire, la passion du vinyle, de Francis Dordor (GM Editions), 384 pages, 30 euros