Les chiffres sont là. Dimanche 20 juin, 87 % des 18-25 ans se sont abstenus lors du premier tour des élections régionales. Comment l'expliquer ? Analyse avec Pascale Sterdyniak, psychologue à Nancy.
Dimanche 20 juin près de deux tiers des électeurs ne se sont pas déplacés pour le premier tour des élections régionales. L'abstention atteint 87% chez les 18-25 ans. On peut y voir la conséquence de la crise sanitaire qui dure depuis plus d’un an et demi. Elle a confiné les jeunes et les a privés des différents aspects d'une vie sociale et scolaire normale. On constate aussi qu'ils ont aussi été les grands oubliés de cette campagne électorale, qui aura tourné principalement autour de deux ténors de la politique française qui se préparent à une autre élection, celle de la présidentielle en 2022.
Mais comment expliquer cette situation ? Pascale Sterdyniak, psychologue qui reçoit régulièrement des jeunes dans son cabinet à Nancy, apporte une réflexion et répond à nos questions.
Ce record d’abstention impressionne d’autant plus qu’on observe qu'en 2015 34% des 18/24 ans étaient allés voter. Cette année ils sont à peine 13 %. Que s'est-il passé d'après vous ?
Tous les psychologues ont constaté que les étudiants étaient beaucoup plus anxieux et beaucoup plus inquiets de leur avenir depuis l’apparition de la pandémie. Et donc clairement leur priorité n’était pas à l'élection. Aussi, cette campagne électorale n'a pas du tout été faite pour eux. Pendant toute cette période ils sont restés très seuls, sans pouvoir se retrouver et donc avoir une discussion avec leurs copains autour d'un verre sur les évènements politiques du moment.
Ils ont été les "oubliés" de cette campagne ?
Mais oui. Pendant cette campagne on n’a jamais abordé le problème des jeunes qui étaient pour une grande partie d’entre eux en grande souffrance. Tout le monde est resté focalisé sur les candidats, et on constate qu'ils n'ont pas été tenus très au courant du rôle des régions, des départements. Quelles sont les informations qu'on leur a données ? Dans ce contexte ils ne perçoivent pas ce qui est important en dehors de leur projet d'avenir.
Ils sont surtout restés centrés sur eux ? A cause de la pandémie et des conditions sanitaires très strictes ?
Oui. Ils n'étaient pas disponibles et en grande souffrance. Certains à la recherche d’un job étudiant et c'est compliqué à cause du Covid-19. Les cours à distance ont fait qu’ils se sont retrouvés seuls chez eux dans leur chambre devant leur ordinateur. Ils s’inquiètent toujours sur ce qu'ils vont devenir. Et puis il ne faut pas oublier que traditionnellement la période mai/juin reste celle des concours et des examens.
A chaque scrutin législatif ou municipal on fait un même constat : les jeunes délaissent les urnes.
Il y a une multitude de facteurs. Tout d'abord il faut rappeler que ce sont des élections locales et ni les journalistes, ni les dirigeants politiques ne se sont adressés à eux. Donc ils ne sont pas très au courant du rôle joué par les régions et les départements. Ils ne le savent pas et ce n'est pas très important pour eux. La représentation politique est surtout faite par des personnes d'un certain âge. Il n'y a pas de jeunes pour présenter un projet. On remarque, et ce n'est pas un hasard, que les questions environnementales et le réchauffement climatique sont leurs principales préoccupations en politique. (Ndlr: pour Simon Blin dans les pages idées de Libération, "les jeunes se sont déplacés plus nombreux qu'attendu dans les urnes aux élections européennes en 2019. Et ils ont voté écolo".)
Difficultés personnelles, désintérêt, dégoût de la politique…
— franceinfo plus (@franceinfoplus) June 16, 2021
Les raisons sont diverses et nombreuses pour expliquer la forte abstention des jeunes attendue lors des scrutins des 20 et 27 juin.https://t.co/vGfjZBvZa2 pic.twitter.com/egUn0kSx7B
Et le rôle des réseaux sociaux ?
Les réseaux sociaux influencent énormément les jeunes et surtout beaucoup plus pendant le confinement, mais surtout pour des histoires de "cœur" et de copains. La politique n’intervient pratiquement pas, et plus généralement si on veut étendre cette réflexion, on peut aller sur la multitude d’infos qu’ils reçoivent des sites complotistes du style "ça ne sert à rien de porter un masque" ou "le vaccin est dangereux". C'est perturbant et il est vrai que les influenceurs peuvent les stresser.
Plus généralement derrière cette absention quel peut être le discours des parents ?
Je ne sais pas mais il suffit de regarder que les parents ne se sont pas déplacés. Donc quel rôle peuvent-il jouer si eux-mêmes ne vont pas voter ? (Ndlr : dimanche 20 juin, deux électeurs sur trois, 66,73 % ont déserté les urnes. Sur les 47,7 millions d’électeurs plus de 30 millions ont choisi de ne pas se déplacer). A l'inverse certains jeunes sont très fiers d’avoir été voter en famille. Ils ont le sentiment que cela les valorise énormément et ils considèrent qu’ils font partie de l’élite.