Régionales 2021 dans le Grand Est : un record d'abstention qui ne doit pas occulter celui de l'ensemble de la France

Au classement national des régions abstentionnistes, la pole position revient au Grand-Est avec 70,39%. Et dans cette région, le département de la Marne bat tous les records avec 71,23% d’électeurs n’ayant pas mis leur bulletin dans l’urne.

C’est une histoire de records, de tristes records. Ces élections régionales ne laissent finalement que peu de place à la politique en tant que telle. Supplantée par le choix des électeurs de rester chez eux.

La politique, celle au service du peuple, l’a attendue ce dimanche 20 juin. Le peuple des électeurs n’est pas venu, à plus de 66%, donner sa confiance aux candidats des régions. Le Grand Est décroche la palme d’or avec 70,39% d’abstentions, 10 points de plus qu’en 2015… et d’autres records dans les départements avec plus de 71% d’abstentionnistes dans la Marne et plus de 70% en Alsace et en Meurthe-et-Moselle. Le moins mauvais élève étant la Haute-Marne avec 64,02% d’électeurs restés à la maison.
 

Toutes mauvaises élèves

Si le Grand Est est le leader des abstentionnistes, aucune des régions de France ne peut s’enorgueillir. La Corse obtient le résultat le moins mauvais avec 42,92% d’abstentions, toutes les autres régions étant largement au-dessus des 60% et très proches des 70%. Tirer à vue sur la région Grand Est, au nom par exemple d'un esprit identitaire exacerbé, serait donc mal venu et masquerait le piètre score des 16 autres régions de France.

Car si l’on rentre un peu plus dans les détails, la région Ile de France possède les deux départements les plus mauvais élèves : la Seine et Marne (72,29% d’abstention) et pire encore le Val d’Oise (72,81%). La question de savoir pourquoi les électeurs ne sont pas venus voter doit donc se poser au plan national. 

 

Les raisons du désengagement…

Les élections régionales ne font que confirmer la lente évolution de l’abstention. En 2017, la région Grand Est avait enregistré 58,77% d’abstentions au deuxième tour des élections législatives. Et ne parlons pas des dernières élections municipales de 2020 où la crise sanitaire avait incité les électeurs à rester chez eux massivement, mettant même en danger de mort certains maires et assesseurs. Certains ont d'ailleurs perdu la vie.

Seul, pour l’heure, le suffrage présidentiel trouve encore grâce aux yeux des électeurs, mais pour combien de temps encore. Certains politologues comme Bruno Cautrès ou Céline Braconnier précisent que le président de la République, Emmanuel Macron, n'a pu empêcher cette situation de s'installer. Car, depuis son élection, à chaque suffrage, plus de la moitié des électeurs ne se rendent pas aux urnes. Exception faite des européennes de 2019 qui ont rassemblé 50,12 % de participation. "L’ambition d’Emmanuel Macron de redonner aux Français la confiance dans la politique n’a pas fonctionné". "C’est une journée très très problématique du point de vue de la démocratie représentative", expliquent-ils.

 

La faute à qui, à quoi ? La crise sanitaire et le retour à un peu plus de liberté ont-ils incité les électeurs à profiter d’une vie sociale retrouvée en oubliant de passer au bureau de vote ? L’élection à double entrée a-t-elle semé la confusion ? Et ces scrutins régionaux et départementaux, leurs enjeux, sont-ils suffisamment compris, expliqués ?  Olivier Dupéron, politologue à l’université de Reims explique que "le niveau de cette abstention est historique et dépasse tout ce que l’on pouvait prévoir avant l’élection". Comme d’ailleurs le recul du parti d’extrême droite n’avait pas été envisagé.
 

Vers une banalisation ?

Mais réellement, à quoi servent les sondages, lorsqu’en réalité 70% des électeurs français ne trouvent plus de sens au vote. Ce n’est plus la confiance qui n’y est plus mais véritablement la principale expression démocratique qui ne trouve plus écho. Et c’est bien plus grave. Bien plus qu’un "désintérêt ou (des) électeurs (qui) n’ont pas compris, saisi ou encore entendu l’appel à aller voter, comme le souligne Olivier Dupéron, le mal semble bien plus profond. Sans doute aussi, ils considèrent que ça n’est pas le moment, que ça ne changera rien à leur vie quotidienne. Il y a un désintérêt ou un rejet de la politique." 80% des jeunes de 18-35 ans ne sont pas allés voter dimanche. Cette génération sur qui tout repose… celle qui dictera l’avenir de la société.

 

Ne pas voter est-ce oublier la démocratie ? Ne pas voter est-il aujourd’hui devenu le signe d’une contestation forte ? Mais, mise à part faire la une des médias, elle ne saura être reconnue comme telle. On disait de l’abstention, avant cette élection, qu’elle faisait le jeu du parti d’extrême droite… une bonne façon de stigmatiser ceux qui n’allait pas voter.

Aujourd’hui, pire encore, elle pourrait être banalisée et avec elle, la contestation, le désintérêt voire le rejet qu’elle exprime. Regarder la région Grand-Est comme le seul plus mauvais élève de la République serait vraiment oublier l'essentiel. 

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