Les premiers échantillons prélevés sur Ryugu, rapportés sur Terre en décembre 2020 par la sonde japonaise Hayabusa-2, commencent à livrer leurs secrets : une formation proche de l’origine de celle du système solaire, une parenté avec une famille de météorites déjà connue et la présence d’acides aminés, les briques élémentaires nécessaires à la vie.
Les météorites sont des fragments d'astéroïdes, mais il est très rare pour un scientifique de pouvoir analyser directement un échantillon. Les météorites, appelées comme cela à partir du moment où elles sont tombées sur Terre, peuvent être polluées et donc moins fiables à analyser.
L'astéroïde Ryugu, dont les échantillons ont été analysés essentiellement au Japon depuis juin 2021, révèle enfin quelques-uns de ses secrets dans plusieurs articles qui viennent d'être publiés. C'est un article paru ce 9 juin 2022 dans la revue Science, signé par 140 scientifiques, qui en donne la teneur.
Parmi ces scientifiques, Laurette Piani, chercheuse en cosmochimie au Centre de Recherches Pétrographiques et Géochimiques (CRPG) de Nancy (CNRS/Université de Lorraine). Elle nous explique : "C'est le premier article de caractérisation chimique des matériaux rapportés de l'astéroïde Ryugu". Des échantillons précieux, car rares. C'est d'ailleurs une prouesse technique de l'agence japonaise Jaxa qui permet aujourd'hui ces analyses.
L’équipe Japonaise de l’agence Jaxa a développé un système très performant de stockage et manipulation sous vide. Ce qui permet d’analyser un échantillon parfaitement préservé.
Laurette Piani, Chercheuse en cosmochimie CRPG (CNRS/Université de Lorraine)
La pierre de Rosette des météorites
C’est tout l’intérêt de cette mission Hayabusa-2."
L’avantage de ces échantillons est qu’ils ont été prélevés directement sur Ryugu et conservés dans des conditions parfaites jusqu’à leur arrivée sur Terre et après. L’équipe Japonaise de l’agence Jaxa a développé un système très performant de stockage et manipulation sous vide. Ce qui permet d’analyser un échantillon parfaitement préservé". Pour les scientifiques à travers la planète, cela n’a pas de prix.
"Cela donne une référence un peu plus précise de ce qu'était la matière dans notre système solaire, un peu partout, au début de la formation des planètes". Les premières descriptions mènent à de nouveaux questionnements. Les équipes de chercheurs, à travers le monde, peuvent désormais demander à accéder à des échantillons pour répondre à certaines de ces interrogations.
Au CRPG de Nancy, par exemple, des analyses sont déjà en cours sur les gaz et les minéraux hydratés, mais d'autres plus détaillées pourraient venir compléter ces recherches.
L’idée de la mission Hayabusa-2 est d’aller voir comment était la matière la plus primitive que l’on puisse trouver dans le système solaire, pour comprendre les ingrédients qui ont pu donner un environnement propice au développement de la vie comme sur Terre.
Bernard Marty, chercheur au CRPG (UMR CNRS – Université de Lorraine)
Au CRPG de Nancy, une autre équipe, composée entre autres de Bernard Marty et d’Evelyn Füri, a, travaillé sur " les éléments volatils". Deux articles scientifiques devraient être publiés.
Le premier est imminent et devrait apporter quelques éléments supplémentaires à la connaissance de Ryugu. Bernard Marty nous explique : "L’idée de la mission Hayabusa-2 est d’aller voir comment était la matière la plus primitive que l’on puisse trouver dans le système solaire, pour comprendre les ingrédients qui ont pu donner un environnement propice au développement de la vie comme sur Terre. Les " éléments volatils" sont centraux dans cette quête".
Une autre équipe de chercheurs a trouvé des acides aminés
La mission a récupéré de la matière très primitive et l'a préservée de tout contact avec la Terre. Des acides aminés, qui sont les briques élémentaires, ont été trouvés par une autre équipe de recherche.
Ces acides aminés et autres matières organiques provenant de l'astéroïde Ryugu "pourraient donner des indices sur l'origine de la vie sur Terre", indique cette autre étude, dirigée par l'université d'Okayama (ouest du Japon).
"La découverte d'acides aminés, capables de former des protéines, est importante, parce que Ryugu n'a pas été exposé à la biosphère de la Terre, contrairement aux météorites." Par conséquent, "leur détection prouve qu'au moins certaines de ces briques élémentaires de la vie sur Terre pourraient avoir été formées dans des environnements spatiaux", ajoute la même étude. Les chercheurs ont précisé avoir identifié 23 types différents d'acides aminés dans 5,4 grammes d'échantillons de roche et de poussière noires collectés sur Ryugu par la sonde japonaise Hayabusa-2.
Au CRPG de Nancy, les recherches se poursuivent.
Deux équipes collaborent avec les scientifiques japonais. Une équipe sur la composition chimique des roches avec Laurette Pani et une équipe "Volatils" avec notamment Bernard Marty et Evelyn Füri.
Laurette Pani, poursuit sa quête sur l’hydrogène et en particulier sur l’eau et sa distribution dans le système solaire. Grâce aux chondrites, elle imagine pouvoir travailler sur une carte qui nous éclairerait sur la distribution de l’eau dans le système solaire.