Le ginkgo, arbre emblématique du Japon et de l'École de Nancy

C'est un mouvement artistique qui ne dura qu'une trentaine d'années. Entre 1884 et la Première Guerre mondiale. L'École de Nancy, courant de l'Art Nouveau rassemble un groupe d'artistes, d'artisans et petits industriels autour d'un thème central : la nature. Et la mode est alors aussi à la culture japonaise. Ils s'emparent donc du ginkgo, qui coche toutes les cases.

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Le ginkgo, ou ginko, est un magnifique arbre, qui peut atteindre 25 mètres de hauteur et qui répond aux doux noms "d'arbre aux 40 écus" ou "arbre des pagodes". On le reconnaît surtout à sa feuille en forme de palme ou d'éventail. Cet arbre, vénéré en Asie, a été introduit en Europe au XVIIIe siècle. Il est considéré par les botanistes, comme un fossile vivant puisqu'il existait déjà à la fin de l'ère primaire.

Une vague nippone

C'est l'époque qui veut ça. Fin XIX, début XXe, à travers les expositions universelles et coloniales, le tout-Paris découvre et s'arrache les œuvres "exotiques". Le Japon n'échappe pas à cette règle et ses arts deviennent top tendance. Ses estampes, ses céramiques influencent les artistes. L'École de Nancy ne déroge pas à cette influence et se laisse emporter par la vague japonisante. Les plantes exotiques font l'objet d'études de la société centrale d'horticulture de Nancy. Parmi elles, le gingko avec sa feuille au dessin si harmonieux, rappelant la forme des éventails, l'élément "fashion" par excellence. 

La boucle sera bouclée entre le Japon, l'horticulture et l'École de Nancy, quand Hokkai Takashima, botaniste japonais, vient parfaire ses études à l'École Forestière de Nancy de 1885 à 1888. À l'instar des artistes de l'École de Nancy, qui deviendront ses amis et collègues, il est à la fois spécialiste de la flore de son pays, mais aussi peintre et illustrateur. Son influence sera notable sur Camille Martin et Louis Hestaux, mais aussi sur Emile Gallé et ses condisciples, tous amoureux de ce qu'ils nomment "le pays des chrysanthèmes" (source academie stanislas.org).

Une tendance pour les vitrines

En 2024, ce sont les influenceurs de mode sur les réseaux sociaux qui guident les choix vestimentaires, décoratifs de nos contemporains. Les artistes — on dirait "designers" aujourd'hui — de l'École de Nancy jouent ce même rôle de faiseurs de modes à la fin du XIXe siècle. Les commerçants d'alors, ne s'y trompent pas et parent leurs commerces d'atours style Art Nouveau. Le marchand de vin fait décorer l'extérieur et l'intérieur de sa boutique avec des vignes et du raisin. Tandis que le grainetier n'a que l'embarras du choix dans la parure de son échoppe. Il n'a qu'à jouer à plouf-plouf dans son catalogue de fleurs. 

Le pharmacien peut piocher parmi les plantes médicinales pour embellir sa vitrine. Ainsi la pharmacie Centrale de Nancy s'est ornée de fleurs de pavot tout comme la pharmacie Jacques pour évoquer ses bienfaits apaisants. D'autres pharmacies ont suivi la tendance.

Pourtant, monsieur Monal, le propriétaire de la future pharmacie du ginkgo, construite en 1916, n'a pas raisonné ainsi. Il a voulu se faire plaisir avant tout en choisissant la feuille du ginkgo, tout simplement parce qu'elle était à son goût. D'ailleurs, selon la pharmacienne, madame Doucey, actuelle propriétaire de l'officine, les vertus pharmaceutiques du gingko n'étaient alors pas reconnues. Le ginkgo n'est entré dans la pharmacopée que bien plus tard. 

La logique pharmaceutique est quand même respectée à l'intérieur de la pharmacie, et de nombreux autres motifs floraux ont été choisis pour leurs vertus médicinales : comme la bryone dioïque et la morelle douce-amère !

Le comptoir, les placards et étagères, l'ensemble des meubles en boiserie ont été réalisés en acajou par Louis Majorelle.



Malgré les fortes influences japonisantes de l'École de Nancy, il reste rare de trouver des représentations du ginkgo sur Nancy même. Et malgré l'aide experte des responsables de collections Art Nouveau des musées de Nancy, nous n'avons pas trouvé d'œuvres dans leurs fonds.

Trois autres lieux l'ont cependant mis à l'honneur :

la salle des séances où se trouvait la corbeille de la Bourse de Nancy à la CCI 54,

le siège de la banque BNP Paribas, où vous pouvez les admirer sur les piliers de l'entrée (ancienne banque Renauld à l'angle de la rue Saint-Jean et de la rue Chanzy, sous la place Maginot),

et enfin la Brasserie Excelsior sur ses vitraux. Voici un blog où vous retrouverez ces lieux présentés différement (attention, il s'y glisse une petite erreur sur la photo de l'entrée du musée de l'École de Nancy).

Au gré de nos recherches, nous avons également déniché d'autres œuvres.

Une lampe tulipe signée Daum.

Ou encore sur une faïence représentant une branche et la lune 

Et c'est en visitant la Maison Bergeret (visite possible gratuitement sur inscription jusqu'en aout 2024) que nous avons pu admirer une superbe rampe d'escalier.

Pour finir, voici la réinterprétation du ginkgo dans l'École de Nancy par notre illustratrice Florence Houvet.

(Article initialement publié le 17 mai 2021)

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