Le moustique tigre est de retour dans le Grand Est. Trois départements sont placés en vigilance rouge, la Meurthe-et-Moselle, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. Anna-Bella Failloux de l'Institut Pasteur, spécialiste des moustiques, répond à nos questions.
L’année dernière, les très fortes températures et le manque d’eau ont permis aux moustiques tigres de se multiplier en France. Ainsi, selon l'Agence régionale de santé Grand-Est, cette année en 2023, dans le Grand Est, trois départements sont placés en vigilance rouge : la Meurthe-et-Moselle, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin. "C'est du jamais vu !", dit Anna-Bella Failloux, professeure à l’Institut Pasteur, à Paris. Une fondation spécialisée dans la prévention et le traitement des maladies infectieuses.
Anna-Bella Failloux est spécialisée en entomologie médicale. Elle est une experte des moustiques et elle s'intéresse principalement au moustique-tigre. Elle répond à nos questions.
Le moustique tigre est un insecte capable de transmettre des maladies comme la dengue, le chikungunya ou le zika. Comment est-il arrivé dans l'est de la France alors qu'il est originaire d'Asie ?
"Ce moustique voyage sous forme d’œufs. Il a traversé les océans par bateau collés à l’intérieur de pneus. Il est parti d’Asie, puis en Amérique puis de l’Amérique vers l’Europe et plus précisément à Gènes où il est arrivé en 1990. Ce moustique est capable de piquer l’homme mais également les animaux dont les oiseaux, ce qui présente un risque potentiel de transmission d’agents pathogènes des animaux à l’homme.
Dans l'est de la France l’alerte rouge est là, et le risque sanitaire aussi car on va rentrer dans une période de vacances et de migration des oiseaux. Il faut savoir que le moustique tigre ne pique pas seulement les humains mais aussi les autres animaux dont les oiseaux. Et les oiseaux transmettent des virus et même des virus absents de métropole".
Le changement climatique va être favorable au développement du moustique tigre.
Anna-Bella Failloux, entomologiste à l'Institut Pasteur.
Vous avez désormais une collaboration étroite avec l'institut de parasitologie de Strasbourg. Ça veut dire que le moustique est devenu un risque sanitaire et une préoccupation, ici dans l'est ?
"Oui bien sûr. Dans le cadre d’un projet qui fait intervenir différents collaborateurs du Grand Est, nous avons démontré qu'il est compétent pour la dengue et le chikungunya et cette liste va s’allonger. Nous avons pu nous rendre compte qu’il était capable de transmettre plus de 26 virus différents, et c’est vraiment beaucoup. C’est devenu une nuisance très importante et la capacité du moustique de pouvoir transmettre un certain nombre de virus est devenue une préoccupation.
Le réchauffement climatique a-t-il un impact sur le moustique tigre et sa proligération en France ?
"Avec l’apparition du moustique tigre il faut y associer aussi le changement climatique. Les fortes chaleurs et l’humidité dans les maisons. Le moustique tigre, comme tous les insectes, est sensible à la température car ce sont des organismes à sang froid incapables de réguler leur température corporelle. Ils vont se déplacer en fonction de la température et donc étendre leur aire de distribution. Enfin, il faut dire qu'avec les insecticides, on va être au pied du mur à l'avenir. Tous les moustiques sont maintenant résistants à tous les insecticides et la recherche doit anticiper ce problème".
Actuellement, il n’existe aucun vaccin contre ces maladies. Comment se protéger ?
"Dans un premier temps il faut éviter les eaux stagnantes, les petits contenus d’eau. Il faut aussi éviter de s’exposer aux moustiques tôt le matin et le soir car c’est à l’intérieur des maisons où il fait bon qu'ils se trouvent. Il faut se protéger avec des vêtements amples et des moustiquaires aux fenêtres. Pour lutter contre ces maladies, on a recours aux insecticides qui vont diminuer les densités de moustiques et ainsi limiter le risque d’être infecté par un virus dont ils sont les vecteurs. Mais les moustiques ont développé des résistances aux insecticides et la recherche doit participer à trouver des méthodes alternatives de lutte anti-vectorielle. C'est la femelle du moustique tigre qui est dangereuse pour l’homme quand elle le pique. Elle est vectrice de certains virus provoquant des maladies telles que la dengue, le chikungunya où le Zika".
Il est compétent pour la dengue, pour le Zika et le chikungunya. Cette liste va s’allonger. Nous avons pu nous rendre compte qu’il était capable de transmettre plus de 26 virus différents, et c’est vraiment beaucoup.
Anna-Bella Failloux, spécialiste du moustique tigre.
C’est en 2004 que les autorités sanitaires ont repéré sa présence pour la première fois en France dans le département des Alpes-Maritimes. Selon selon le ministère de la Santé et de la Prévention et la carte régulièrement mise à jour, sa présence est désormais établie dans plus de 71 départements.