Nancy : deuxième vague du coronavirus, "on est fatigué, on est toujours fatigué, on n'arrive pas à récupérer"

Au CHRU de Nancy, depuis le début du nouveau pic épidémique, les soignants témoignent de leur lassitude et de leur peur face au virus. Une grande fatigue face à la deuxième vague de Covid-19 en cette mi-novembre 2020.

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Dans la chambre 201, le patient vient du Doubs, de Besançon. Sa famille téléphone plusieurs fois par jour. Et plusieurs fois par jour "on essaye de les rassurer, comme on peut". Un homme d’une soixantaine d'année qui a développé les symptômes il y a trois semaines. "Puis tout est allé très vite. Urgences, hôpital, transfert, Nancy, réanimation... Ce week-end on a eu peur pour lui. Sa tension faisait des hauts et des bas"
Alors quand sa chambre sonne, l’interne se précipite.
"C'est un problème technique, qui s'est répété plusieurs fois pendant le week-end", explique Ludovic un interne en 2e année. "Il faut replacer la sonde d'intubation en urgence avec le respirateur". Cela durera quelques minutes.
- C'est une urgence ?
- Oui, car c'est un respirateur artificiel, un ventilateur. Et la sonde parfois fait des caprices.  

Une seconde vague épuisante

Lundi 16 novembre 2020. Il est 8h30. C’est le moment du staff, la réunion où le personnel soignant échange les dernières informations de la soirée, du week-end. "Il y a eu quatre admissions Covid, c'est quand même beaucoup"
Mais les médecins et les infirmières sont bien plus prêts qu’il y a six mois. Une meilleure anticipation qui ne rassure pas pour autant. L’autre différence réside dans la prise en charge. Devant l'écran géant, tout le monde est là. Les internes, les étudiants en médecine et les chefs de service. Et les infirmières. Claire qui était partie en formation et qui est revenue. Une autre a, elle, été rappelée sur ses congés. "Comme la première fois"
Une deuxième vague bien différente de la première. Moins stressante mais beaucoup plus fatigante.

Les journées et les nuits sont souvent bien chargées quand même. Pas un moment de répit et un état d’esprit plus à "fleur de peau" qu'au printemps. "Ce qui est apparu aussi, au cours de cette seconde vague, c’est une forme d’intolérance de la part des familles des patients", dit, au coin d'un couloir, une aide-soignante.
"Les visites sont limitées à une heure. Mais le week-end, bien souvent, les familles essayent de déborder et bien souvent le ton monte car elles veulent rester plus longtemps. Il y a de la nervosité face à une sensation d'injustice due à ce virus".

Ici, au deuxième étage du bâtiment Louis-Mathieu, au CHRU de Nancy, les soignants doivent faire face à une situation plus que critique due à la seconde vague de l'épidémie de Covid-19. "Déjà, à la fin de la première vague, on nous avait prévenu qu’il y en aurait une deuxième et on attendait de savoir quand", dit Matthieu Delannoy, médecin anesthésiste-réanimateur. "Et là, ça y est, on est reparti".

On se demande si on va vraiment réussir à casser le mécanisme de ce virus

Matthieu Delannoy, médecin anesthésiste-réanimateur

Le plan blanc a été activé dans l'ensemble de la métropole du Grand-Nancy fin octobre pour faire face au rebond épidémique. Mais à l’hôpital, la situation semble plus difficile à gérer. "Je pense qu’il y a plus de fatigue, un peu plus de lassitude, parce qu’on se demande si on aura une troisième et une quatrième vague. Et quand on s’en sortira", ajoute-t-il. Mais pour l'instant le service n'a pas eu besoin de libérer autant de lit que la première fois, "on a déprogrammé moins d'opérations. Seulement la moitié". 

Situation sanitaire exceptionnelle

Les vacances d'été n’ont donc pas suffi à recharger les batteries. Angélique est infirmière au CHRU depuis le début des années 90. Elle a commencé au bloc opératoire. Avant le service de réanimation.

On va dire que c’était l’enfer au début

Angélique, infirmière

Depuis une dizaine d’année, elle est en anesthésie-réanimation, le bâtiment Picard. Elle aussi a vu arriver de Chine "le coronavirus comme on l'appelait à l'époque". Alors elle se souvient du début. "On va dire que c’était l’enfer. Il fallait trouver ses marques. On avait un peu la peur au ventre et on se demandait comment on allait sortir de tout ça. Comment ça allait se terminer", dit-elle. "Puis, petit à petit, on s’entraidait avec les médecins, les aides-soignantes et les infirmières"
Angélique a découvert le découragement et la conscience de ses limites. Le travail émotionnel de l’infirmière.
"Aujourd’hui, c'est pas du tout pareil. On est fatigué. Toujours fatigué. On n’a pas réussi à récupérer même avec le repos des vacances. La tension nerveuse a été telle qu’on n’a pas pu lâcher prise. On a changé d’état d’esprit. C’est-à-dire qu'on vient travailler mais on est plutôt tendu. On est plutôt sur la défensive et on tend le dos car on n’est pas tranquille".

Les connaissances sur la maladie se sont enrichies, concernant la prise en charge médicale comme pour l’environnement des soins.

Un Ségur de la santé décevant

Dès la fin du premier confinement, au début du mois de mai, Olivier Véran, le ministre de la Santé a organisé "le Ségur de la santé",  pour revaloriser les carrières du personnel hospitalier. "Le Ségur de la santé?" Angélique rigole. "Ils avancent d’un pas et ils reculent de trois. Cela fait des années qu’on est sous-payées. Vous voyez une augmentation de 90€ par mois en attendant la prochaine hausse au mois d'avril. Franchement ils se foutent de nous"

On a fait la première... Bah on va faire la deuxième, puis la troisième...

Martine, infirmière

Dans les longs couloirs l'inquiétude se lit sur tous les visages. Les panneaux Covid-19 étaient déjà là au mois de mars. Ils sont restés. Un peu déchirés par le temps. "C’est comme si on était un peu oublié. La première fois on était reconnu. Alors ils se disent, on a fait la première...  Bah on va faire la deuxième, puis la troisième", dit Martine, les yeux fatigués de la longue garde du week-end. 
Face à la deuxième vague du Covid-19, personne n'a vu venir la grande fatigue des soignants. Personne n'en parle. Et pourtant elle est bel et bien là. 
Et finalement ce sont les mêmes malades, c’est le même virus.
 
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