Moins de jobs étudiants, la pandémie, les cours à distance, la diminution de l’aide familiale...La crise actuelle est un révélateur des inégalités sociales des étudiants. Des jeunes en stress et dans une profonde anxiété psychologique. Avec un avenir encore trop flou pour être rassuré.
Jusqu'à présent, le monde étudiant souffrait en silence. On commence enfin à en parler. Des présidents de fac ont même lancé des "bouteilles à la mer". Celui de l'Université Lyon 3, Eric Carpano, appelle à "une prise de conscience nationale" face à la détresse des étudiants.
Depuis une année, l'enseignement supérieur est traversé par une crise sanitaire que personne n'avait prévu. Ainsi, une grande majorité des étudiants n’aura passé sur les bancs de la fac que cinq à six semaines depuis la rentrée du mois de septembre. "La première conséquence est un sentiment d'échec avec une estime de soi et une confiance dans les chaussettes", raconte Pascale Sterdyniak, psychologue universitaire.
Absence de lien social
Pascale Sterdyniak est psychologue au service de santé universitaire de Nancy (Meurthe-et-Moselle). Et depuis plus de vingt ans, elle veille sur eux et elle les connait bien., "il y toujours eu des difficultés chez les jeunes. Des deuils, des séparations, des peurs, des faiblesses". Mais depuis la crise liée au Covid-19, elle a vu arriver de plus en plus d'étudiants complètement déboussolés. "C'est un révélateur de ce qui existe déjà. Maintenant, on ne peut plus faire comme si cela n'existait pas".
"En fait, ils se lèvent tous les matins avec pour seul et unique univers leur chambre, leur ordinateur, leur cours. Ils n'ont pas d'objectifs de vie sociale. Et puis tout s'arrête à 18 heures. Ils sont seuls, ils n'ont pas contacts".
Depuis le deuxième confinement du mois d'octobre, Resto U, cafet' et associations étudiantes sont fermés. Seule la bibliothèque assure une permanence. "On ne peut pas vivre seule", dit Alina.
La peur de l'échec s'ajoute à l'insécurité financière
Dans son bureau, elle n'a pas une minute de repos. Tous les créneaux de consultations sont pleins. "Il s'agit d'étudiants qui souffrent d’anxiété et qui sont sujet à des manifestations dépressives", dit la psychologue.
Alina à 21 ans. Elle est en Licence 3. "C'est une une grande souffrance. C'est compliqué de boucler les fins de mois, de payer les loyers, d'être seule dans un petit appartement".
On est fatigué par le surcroît de travail impliqué par les cours à distance
L'université de Lorraine estime qu’à peu près 300 élèves sont en détresse psychologique. "Je suis un peu mal. On est tout le temps enfermés. On aimerait bien reprendre la fac parce que ce n'est pas évident d'étudier à distance, ça fait plus de pression, on est fatigué par le surcroît de travail impliqué par les cours à distance". "Avec la pandémie la pression est plus grande pour les étudiants", ajoute Pascale, "il y a une augmentation de leur anxiété qui parfois les submerge".
Dans quel état va t-on les récupérer ? "C'est la question que nous nous posons. Car on a perdu beaucoup d'élèves".
Est-ce que je suis vraiment faite pour les études ?
Depuis trois mois, les cours de Maya sont uniquement dispensés en ligne. Elle aussi ne voit aucun autre étudiant. "Parfois, on ne comprend même pas les cours", dit-elle. "On reçoit juste un document ou alors de temps en temps, on a une petite visio mais il faut vraiment suivre et c’est compliqué. Honnêtement, ça tape sur le moral. Est-ce que je suis vraiment faite pour les études ? Est-ce que je vais vraiment y arriver ?".
Plusieurs études ont été réalisés pour prendre "la température" du moral et de la santé mentale des étudiants. Ainsi, dans une enquête publiée en juillet 2020, "les jeunes face à la crise : l'urgence d'agir" de la Fage, le premier syndicat étudiant, on apprend que deux tiers d'entre eux ressentaient le besoin de se confier à quelqu'un, d'être écoutés, et que 23% ont même eu des pensées suicidaires. "Dans une grande majorité, ils se sentent en rupture et en échec", précise Pascale. "L'avenir ? Je suis un peu perdu, je vous avouerai que je ne sais pas", explique Alina.
Tous les créneaux de consultations sont pleins
Le ministère de l'Enseignement supérieur a mis en place un numéro d'information : 0 806 000 278. Les étudiants inscrits en première année reprendront les cours au mois de janvier. Le gouvernement a promis le recrutement de 80 psychologues et de 60 assistants sociaux, "ce qui ne va pas résoudre tous les problèmes".
En France, il y a un psychologue pour 30.000 étudiants dans les universités aujourd’hui. "Je suis inquiète et triste pour eux", conclut Pascale.