Pénurie d'essence : la voiture électrique, "un casse-tête" pour les acteurs de la vie publique comme pour les particuliers

Face à la récente pénurie des carburants en France, certains automobilistes qui roulent en essence ou au gazole voient dans la voiture électrique une aubaine. Mais même si la transition électrique est entamée dans le pays depuis plusieurs années, les voitures thermiques restent partout majoritaires. Illustration de cette problématique à Nancy.

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La transition électrique est un des thèmes phares du Mondial de l'Automobile qui s’est ouvert à Paris ce lundi 17 octobre 2022. Présents ou pas à ce salon, les constructeurs gardent une échéance en tête : la fin des ventes de voitures thermiques en Europe en 2035, votée par les eurodéputés en juin dernier. 

Mais en France, ce type de véhicules reste encore largement majoritaire sur les routes. Dans le Grand Est par exemple, le ministère de la Transition écologique dénombrait plus de 3.300.000 voitures particulières à essence et au gazole l'année dernière. 

Les achats de véhicules électriques ont tout de même augmenté ces dernières années dans la région. Alors que le parc électrique et hydrogène n'était constitué que d'une centaine de véhicules en 2011, il est passé à près de 19.000 l'an passé. 

En Lorraine, c'est aussi une tendance constatée par une concession située en Moselle. "Les ventes de voitures électriques se portent plutôt bien. C’est un secteur qui a le vent en poupe, un marché porteur dans un contexte d’augmentation des prix des carburants ces derniers mois et depuis l’année dernière", témoigne un des chefs de vente de cette société qui propose plusieurs modèles dans sa gamme électrique. "Les clients qui achètent ce type de véhicules le font pour des raisons écologiques, d'économies d'énergie ou pour l’agrément de conduite qu'apporte une électrique par rapport à une thermique. Dans notre concession, nous n’avons pas besoin de beaucoup les convaincre. Un simple essai est souvent concluant", affirme le professionnel.

"L'électrique n’est pas encore prédominant"

Chef des ventes d'une concession en Lorraine

Même si les voitures polluantes disparaissent progressivement, laissant ainsi plus de place aux vignettes Crit'Air E et 1, les ventes de véhicules électriques restent minoritaires.

"Ce sont les thermiques et les hybrides rechargeables qui continuent d'être les plus vendues. L'électrique n’est pas encore prédominant", précise le commerçant Lorrain.

Des voitures électriques chères  

Pour encourager les particuliers à s'équiper en "véhicules propres", l'État a mis en place certaines aides comme le "bonus écologique", une prime pour inciter l’acheteur à se tourner vers des voitures neuves émettant peu de CO2. Emmanuel Macron a récemment promis que ce coup de pousse allait passer de 6.000 à 7.000 euros pour la moitié des ménages les plus modestes. Autre dispositif, le "leasing social" , la location longue durée à 100 euros par mois d'une électrique, l'une de ses promesses de campagne, devrait voir le jour avec "des précommandes à l’horizon du deuxième semestre 2023, pour une livraison début 2024". Autant de mesures destinées à atteindre l'objectif assumé de 100% de véhicules électriques en 2035. 

Mais certains acheteurs restent frileux. En partie à cause du prix élevé des modèles proposés par les constructeurs. "Le prix est parfois un retour que nous font les clients, mais il peut s’expliquer par la nouvelle technologie que représente l'électrique et par les futures économies en carburant que feront les acheteurs", défend le distributeur automobile.

Aux prix parfois jugés trop exorbitants, s’ajoute la crainte de nouvelles hausses des prix de l’électricité et donc l'inquiétude autour des coûts engendrés par le rechargement des batteries. Autre problématique pour les conducteurs : le nombre peu élevé de ces points de charge sur le territoire. "On propose des bornes de recharge à domicile par le biais d'un de nos prestataires qui s’occupe de faire un devis aux clients sous moins de 15 jours", nous explique le chef des ventes Lorrain. 

Car avec l’expansion de ce nouveau marché de l'électrique, professionnels et pouvoirs publics doivent effectivement s’adapter. 

Un nombre insuffisant de bornes de recharge  

Avoir un véhicule électrique avec une autonomie de batterie limitée impose de fait une règle élémentaire, celle de toujours anticiper ses rechargements pour pouvoir se déplacer. Mais trouver un point de recharge près de son domicile, son lieu de travail, en milieu rural ou tout simplement en ville, n'est pas toujours chose aisée. 

À Nancy (Meurthe-et-Moselle), "il y a 34 points de charge à ce jour. Dans le Grand Nancy, on en compte 264 au total, privés ou publiques, dont 62 installés par la collectivité", indique Patrick Hatzig, vice-président aux transports de la Métropole. "Au niveau national, 90% des charges sont faites à domicile. 6% se font dans le secteur privé, en entreprises ou sur les parkings des supermarchés par exemple. Les 4% qu’il reste, grâce aux bornes publiques installées par les collectivités territoriales. C’est peu mais c’est essentiel", déclare l'élu. 

Un nombre insuffisant de lieux de recharge qui touche d'ailleurs toute la France. L'ensemble du Grand Est fait par exemple moins bien que la région Occitanie, mais mieux que les Pays de la Loire.

Une disparité dans les installations qui peut alors freiner les éventuels acquéreurs. "Il faut effectivement que les particuliers puissent avoir plusieurs points de charge autour de leurs habitations pour être incités à rouler à l’électrique, et c’est là que nous intervenons aussi", affirme Mr Hatzig.

"Cela relève de la compétence du secteur privé"

Patrick Hatzig

Vice-président aux transports de la Métropole du Grand Nancy

"Il faut savoir que l’on installe des bornes au fur et à mesure que se développe le marché des véhicules électriques, en attendant que le secteur privé prenne complètement la main. Car cela relève de sa compétence. Ce que l’on fait actuellement, c’est en fait la jonction entre les ventes de plus en plus importantes de ce types de véhicules et le manque de bornes privées", précise le vice-président.

Pour lui, le manque de bornes n’explique pas pourquoi l’électrique a du mal à s’imposer sur le territoire : "Ce n’est pas cela qui empêche le développement de la voiture électrique. Pour moi, il est important de complètement changer son comportement individuel en mobilité. Il faudrait dans l'idéal constamment savoir combien d’autonomie il reste dans sa batterie, anticiper et optimiser son chargement", selon Patrick Hatzig, lui-même propriétaire d’un véhicule électrique.

Une technologie qui évolue rapidement 

Pour le vice-président aux transports de la Métropole du Grand Nancy, difficile de quantifier précisément le besoin futur en bornes de recharge face à un parc automobile électrique en perpétuel évolution. "Il y a une incertitude sur le nombre de véhicules électriques qui circuleront demain. Il faut aussi soulever la question des technologies de charges qui ne cessent de s'améliorer. Notre but, c’est certes de développer l’installation de ces bornes, mais il faut le faire sans pour autant être dépassé par une modernisation du matériel qui peut être très rapide. Il faut être en concordance avec la demande", indique-t-il.

"12 bornes supplémentaires d’ici la fin de l’année"

Patrick Hatzig

Vice-président aux transports de la Métropole du Grand Nancy

"Il y a encore quelques semaines par exemple, nous étions justement en concordance avec la demande qui existait alors, mais on ne l’est plus aujourd’hui. C’est pourquoi on a décidé d’installer 12 bornes supplémentaires d’ici la fin de l’année. Et pour anticiper l’éventuelle évolution de cette demande, nous avons d’ores et déjà choisi d’en installer encore en 2023. Nous sommes dans une perpétuelle dynamique", ajoute Mr Hatzig.

La Métropole prévoit de donner plus d'informations ce jeudi 20 octobre 2022 sur le nombre exact de points de charge qui seront installés dans le secteur du Grand Nancy. 

Des problèmes techniques 

Défenseur de la mobilité électrique, Patrick Hatzig admet cependant que "cette transition peut être un casse-tête" pour les acteurs de la vie publique comme pour les particuliers. Il en a lui même fait les frais et nous raconte une anecdote : "Je suis allé dernièrement dans un point de charge en région parisienne et j’ai eu du mal à me connecter. Les bornes ne sont parfois pas entretenues et pas simple à comprendre".

Une contrainte partagée par plusieurs automobilistes. "Je comprends les particuliers qui sont réticents mais ils doivent savoir que la conduite en électrique est vraiment plaisante et extrêmement confortable. Il y a d’autres avantages. À l'exception des parkings en ouvrages, les places de stationnement des points de charge sont par exemple gratuites".

Au salon international de l'Automobile, Emmanuel Macron a répété un de ses objectifs : la production en France de deux millions de voitures électriques à horizon 2030. Certaines dans le Grand Est. Car à ses côtés, Carlos Tavares, le patron de Stellantis, (PSA et Fiat Chrysler Automobiles), a annoncé la production de deux futures Peugeot 100% électriques : les "e-308" et "e-408" qui seront assemblées à Mulhouse (Alsace) avec des moteurs conçus dans l'usine de Metz-Tremery en Moselle. 

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