Polémique : Jean-Michel Blanquer attendu à Nancy pour évoquer les nouveaux enseignements numériques

Dans les lycées, le passage aux manuels scolaires numériques inquiète les enseignants. A Nancy, un collectif dénonce ce développement à marche forcée. Il espère en débattre avec le ministre de l’Education nationale. Mais pour l’instant, rien n’est prévu.

La réforme du lycée et des programmes scolaires a accéléré le passage du manuel papier au manuel numérique. C’est le cas dans la région Grand Est où un plan Lycée 4.0 est mis en place. Un plan qui concerne 300 établissements. "La Région Grand Est est la première Région de France à avoir fait ce choix ambitieux du numérique éducatif afin de proposer à chaque lycéen du Grand Est des conditions de travail modernes, répondant aux enjeux pédagogiques d’aujourd’hui et contribuant à faciliter leur insertion professionnelle" peut-on lire sur le site la Région Grand Est.
En clair, cela signifie que chaque élève «nouvel-entrant dans une classe 4.0» bénéficie gratuitement d’un ordinateur, dont il deviendra propriétaire à la fin de sa scolarité. Les manuels scolaires… aux oubliettes !

Cette transition rapide, expérimenté depuis 2017, aux allures de révolution ne se fait pas sans interrogations du côté des professeurs.
Un collectif d’enseignants a même vu le jour à Nancy. Baptisé "Ecran Total", il multiplie les critiques à l’égard de ce plan encouragé par le Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse. «Au début, on nous a parlé d’expérimentation» explique Nicolas Maillard, membre du collectif et professeur de mathématiques au Lycée Poincaré à Nancy "mais il n’y a jamais eu de retour d’expérimentation ! C’est le problème ! Nous avons sans doute fait preuve de naïveté".

Nous ne sommes pas hostiles à l'usage du numérique dans l'enseignement. Nous sommes favorables à un usage raisonné et responsable
-Nicolas Maillard, Ecran Total


Mais le collectif ne baisse pas les bras "même si c’est un peu le combat du pot de terre contre le pot de fer" reconnait Nicolas Maillard. "Se battre contre le passage aux manuels scolaires numériques, c’est un peu comme résister à un rouleau compresseur. On ne subit pas de pression de la part du Rectorat mais c’est clair que nos critiques ne plaisent pas en haut lieu. On est à contre-courant d’un discours ambiant. Encore une fois, nous ne sommes pas hostiles à l'usage du numérique dans l'enseignement. Nous sommes favorables à un usage raisonné et responsable. Des parents et des enseignants commencent à prendre conscience des limites d’un tel système.
J’ai même des témoignages de parents qui ne souhaitent pas que leurs enfants apprennent exclusivement par le biais du numérique. Mais ont-ils le choix ? Non ! Rien n’est prévu pour eux dans le dispositif… ça pose problème et ça mérite peut-être un droit d’alerte"
.

Car les questions que pose Ecran Total sont nombreuses. Au-delà des problèmes de dysfonctionnement (problèmes de connexion, comptabilité des logiciels…), le collectif pointe des questions, sans réponses 3sur les plans pédagogique, sanitaire et environnemental. Est-ce que l’élève apprend mieux avec le numérique ? Ce n’est pas du tout sûr.
Comment limiter l'usage des écrans par un enfant, pour sa santé et son développement, quand il est dans la nécessité de recourir à son ordinateur portable pour l'école, y compris en soirée ?
 À ce jour, contrairement à ce qu’ils affirment, la Région et le Rectorat n’ont proposé aucune véritable étude sur les effets des ondes wi-fi engendrées par l’usage de 35 ordinateurs dans une salle de cours. Qui plus est, tout cela va à l'encontre de l'urgence climatique et de la transition écologique pourtant prônées par le ministère. La pollution liée au numérique est plus forte que la pollution avec le papier3
.

Du côté de la Région et de l’Education Nationale, on tente de marginaliser ces critiques. Grosso modo, le "numérisme" serait la solution miracle pour remédier aux problèmes de l’Education nationale. La transformation vers le tout-numérique est devenue incontournable. C’est la petite musique que l’on peut entendre et les enseignants qui s’opposent à ce discours sont souvent caricaturés comme des profs archaïques, nostalgiques et dépassés. Une guerre entre anciens et modernes où tous les coups sont permis ! "Le président de Région, Jean Rottner, pour parler de notre action, n’a pas hésité à dire que le passage du stylo plume au stylo bille, au milieu des années 1960, ne s’est pas fait facilement. Vive la caricature !"

Il faut dire que l’enjeu est de taille surtout en matière de communication. Le Grand Est ambitionne de devenir la première région numérique de France. Pour 2019, son investissement s’élève à 53 millions d'euros pour le numérique dans les lycées dont 39 millions pour la seule partie "équipements numériques des familles".

Cette démarche "numérique", Jean-Michel Blanquer, tentera sans doute de la justifier.
Ce lundi 18 novembre 2019, le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse visitera le lycée Henri Loritz de Nancy, pour évoquer notamment les nouveaux enseignements numériques déployés dans le cadre de la réforme du lycée. Il sera accompagné de Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances et du ministre de l'Action et des Comptes publics, chargé du Numérique.

Une table ronde avec les enseignants est prévue peu avant 16 heures dans l’établissement. Le problème, c’est que le collectif Ecran Total n’y est pour l’instant pas convié officiellement. "Je crains très sérieusement que le collectif ne soit ni convié, ni le bienvenu" conclut Nicolas Maillard.
 
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