Sur le web, tout n’est pas rose. Si vous êtes parents et que vous publiez des photos ou des vidéos de vos enfants sur les réseaux sociaux, vous faites du “sharenting”. Un phénomène très répandu et pas sans risques pour eux. On vous explique.
En cette période de vacances et d’Halloween, ils sont nombreux les parents à poster des photos et des vidéos de leurs enfants. Qu’ils soient tout petits ou adolescents, papa, maman ou parfois papi et mamie veulent partager ces moments de bonheur sur les réseaux sociaux. 53 % des parents français ont déjà partagé du contenu sur leurs enfants sur les réseaux sociaux d’après une étude de l’observatoire de la parentalité et de l’Éducation numérique de 2023. Ce phénomène porte un nom, le "sharenting", contraction de "share", qui signifie partager et "parenting", la parentalité.
Cette pratique n’est pourtant pas sans risque comme nous le rappelle Gaspard Bergeret, président de l’association Cynum à Nancy. "Les parents ne l’imaginent pas quand ils postent des images de leurs enfants, mais cela peut être utilisé dans des cas de cyberharcèlement. Il n’y a pas de droit à l’oubli sur internet et des photos ou vidéo d’adolescence peuvent ressurgir des années plus tard et mettre l’enfant devenu plus grand en difficulté dans ses relations aux autres."
Des situations de jeunesse publiées par les parents qui peuvent devenir embarrassantes pour la vie de jeune adulte et qui inquiètent certains psychologues. Le "sharenting" crée une empreinte numérique durable pour les enfants, bien souvent sans leur consentement.
Les dangers de l’intelligence artificielle
Ces dernières semaines, les alertes se multiplient sur l’utilisation qui peut être faite des images d’enfants. Les cyber-gendarmes, comme la CNIL indique que ces images peuvent être détournées. Ce que nous confirme Gaspard Bergeret : "L’utilisation des images par l’intelligence artificielle, par le biais des "deepfake", permet d’utiliser le visage et même la voix des enfants sur des vidéos inappropriées qui vont circuler et alimenter les réseaux pédocriminels."
#MardiConseil ⚠️ le sharenting et les réseaux sociaux
— Gendarmerie de la Meuse 🇫🇷 (@Gendarmerie_055) October 29, 2024
Les #vacances d'#automne battent leur plein, il peut être difficile de renoncer à publier des #photos en famille sur les réseaux sociaux.
Bien qu’anodins, ces clichés sont couramment détournés sur les forums pédocriminels ⤵️ pic.twitter.com/GZcQeat6rc
Les données peuvent aussi être collectées autour de l’enfant pour retracer son quotidien, ses habitudes, les endroits qu’il fréquente. Les utilisateurs d’internet et pas seulement les parents ne se rendent pas toujours compte du nombre d’informations qu’ils laissent sur eux sur la toile. Le phénomène des influenceurs stars ajoute encore aux risques que prennent les jeunes, les adolescents en particulier. L’appât de l’argent, qui semble facile à gagner, pousse certains à avoir envie de leur ressembler. "Le phénomène des "Séphora Kids" est très inquiétant. Des petites filles de huit ans se filment achetant du maquillage et réalisent des tutoriels maquillage."
Le conseil pour les parents
Un seul conseil aux parents pour Gaspard Bergeret : "ne postez pas d’image de votre enfant sur les réseaux. Aiguisez votre sens critique et celui de vos enfants."
Le site numériqueethique.fr évoque un sondage de 2021, réalisé auprès d’un millier de parents : "80% des parents utilisent le vrai nom de leurs enfants dans leurs publications en ligne.
Près d’un quart des parents a des paramètres publics sur leurs profils, ce qui signifie que n’importe qui peut voir ce qu’ils publient, même s’ils ne sont pas amis. Près de huit parents sur dix ont des amis virtuels ou des followers qu’ils n’ont jamais rencontrés dans la vie réelle".
Que dit la loi ?
"La France est pionnière en matière de protection de la jeunesse contre le cyberharcèlement", nous indique Gaspard Bergeret. "Mais il faut une éducation à internet. C’est un incroyable outil. Mais les dangers sont très conséquents". Avec son association, Cynum, l'équipe est très impliquée sur les territoires de Lorraine pour apporter cette information sous forme d’ateliers éducatifs et de jeux de rôles pour mieux appréhender les situations.
La CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) indique sur son site : " Les mineurs ont des droits numériques : ils doivent pouvoir les exercer." Elle publie huit recommandations
Éduquer au numérique
Gaspard Bergeret travaille avec l'association Cynum sur la question de l'éducation au numérique. "On parle de mineurs qui n’ont pas les outils psychologiques pour lutter. Quand on est jeune et qu’on reçoit des messages d’une personne qui semble avoir le même âge. Elle paraît me connaître et vivre les mêmes choses que moi. C’est difficile d’imaginer que c’est pour me nuire.
La sensibilisation et l’éducation au numérique sont cruciales. Les parents sont souvent dépassés. Ils ne se rendent souvent pas compte de toutes les conséquences sur la vie de leur enfant que ce geste d’apparence inoffensif pourra avoir sur la vie de l’enfant ".
Se défaire du "sharenting" peut être un défi, surtout à l’ère des réseaux sociaux où partager des moments de vie est devenu une routine. Si vous ne pouvez pas vous en passer, assurez-vous que vos comptes sur les réseaux sociaux sont en mode privé. Il faut aussi éviter de mettre le nom de l'enfant, celui de ses amis, le nom de son école, l'endroit où il va jouer, etc.
Ces informations ne doivent pas non plus figurer sur les photos. Les parents doivent aussi prendre conscience que ce qu'ils publient aujourd'hui sera encore là disponible demain et même sans doute dans 10 ans.