Rassemblement évangélique de Grostenquin : face aux stationnements illicites de caravanes, l’Etat met en place une médiation

Depuis le début du mois d’août, les voyageurs arrivent de toute la France pour participer au rassemblement évangélique tzigane de l’association Vie et Lumière. Il devrait accueillir entre 30.000 et 40.000 personnes à Grostenquin (Moselle) du 3 au 10 septembre 2023 sur une ancienne base aérienne de l’OTAN. Les stationnements illicites se multiplient en Lorraine, provoquant la colère des élus locaux, alors que les aires de grand passage sont loin de faire le plein.

Le mouvement s’est amplifié depuis le 15 août. "On constate l’arrivée quotidienne d’une centaine de caravanes en Meurthe-et-Moselle" explique Anne-Lise Fuchs, directrice de la Sécurité à la Préfecture. Des stationnements illicites sont recensés tous les jours. Les élus des communes concernées prennent la plume et donnent de la voix. "Nous avons un médiateur sur le terrain, depuis un an et demi" poursuit Anne-Lise Fuchs, "il est chargé de faire le lien entre les gens du voyage, les élus locaux, les propriétaires privés des terrains quand ils sont occupés illégalement et les services de l’Etat". Un emploi à plein temps, "puisque le médiateur est mobilisable à tout moment, à chaque arrivée qui nécessite son intervention… Notamment les week-ends puisque les déplacements ont souvent lieu à ce moment-là".

Quand les terrains occupés illégalement sont privés, le médiateur propose parfois une convention d’occupation : "c’est le cas parfois sur les parkings de grandes surfaces inoccupées. On demande aux gens du voyage en contrepartie du stationnement de veiller au bon état des lieux". Cinq conventions de ce type ont été signées dans le département depuis début 2023.

État des lieux

Les schémas d’accueil et d’habitat, ainsi que les aires de grands passages font l’objet d’un engagement de l’Etat, via la signature d’un plan sur six ans. En Meurthe-et-Moselle, il prévoit fin 2024 "la création de 13 aires d’accueil soit 308 places, ainsi que 7 aires de grand passage pour 1080 places (…) Au 31 décembre 2022, 2 aires sont en service de manière pérenne, 1 autre de manière provisoire, 1 qui est opérationnelle depuis mi-mai 2023. Par ailleurs en prévision de la saison de grand passage 2023 qui a débuté en mai, des terrains ont été préalablement identifiés sur les communautés de communes du Territoire de Lunéville à Baccarat et du Bassin de Pont-à-Mousson".

Mais comment expliquer que les aires de grand passage ne sont actuellement occupées qu’à 30% alors que les stationnements illicites se multiplient ? Au 15 août 2023 en Meurthe-et-Moselle, seules 225 places étaient occupées sur 800 disponibles.

Plusieurs facteurs sont mis en avant : le coût du stationnement, qui comprend les consommations d’eau et de l’électricité, l’état des installations, leur emplacement, mais aussi la cohabitation avec d’autres groupes. "C’est évidemment difficile à comprendre que des voyageurs ne veulent pas s’installer dans une aire de grand passage qui n’est occupée que par quelques caravanes, mais ça s’explique parfois par le fait que certaines familles ne s’entendent pas entre elles et ne veulent pas partager un emplacement" explique un spécialiste des voyageurs.

En Meurthe-et-Moselle, l’état des lieux des aires d’accueil, disponible ici, montre une situation en amélioration. Mais concernant les aires de grand passage, deux seulement sont réalisées dans le département, deux sont mises en place provisoirement et trois sont à l’étude.

Mieux connaître les voyageurs

William Acker, juriste issu par sa mère d’une famille de voyageurs a répertorié l’ensemble des aires d’accueil dans son ouvrage "Où sont les gens du voyage ?" : il montre notamment qu’en dehors du retard pris par certaines collectivités pour se mettre en conformité avec leurs obligations légales, beaucoup d’aires en France sont insalubres, situées loin des centres-villes, ou à proximité d’installations dangereuses voire toxiques.

Gens du voyage ou voyageurs ?

Le travail du médiateur ne consiste pas seulement à faire le pompier à l’approche des grands rassemblements : il travaille toute l’année à mieux connaître les voyageurs, à estimer leurs besoins, à leur rappeler leurs devoirs, à faciliter la scolarisation des enfants, à convaincre les élus d’aménager des aires.

Son action recoupe des champs d’intervention multiples, avec une population beaucoup plus hétérogène qu’il n’y paraît : le terme "gens du voyage" traduit une situation administrative qui n’est plus en phase avec les réalités actuelles. "Les populations qui fréquentent les aires de grand passage n’ont rien à voir avec celles qui vivent sur les aires d’accueil de manière quasi-permanente" explique Anne-Lise Fuchs.

La sédentarité et le voyage peuvent être présents au sein d’une même famille : les cas d’installations sur des terrains familiaux de caravanes à l’année montrent que les usages évoluent. La monoparentalité et même le salariat existent désormais parmi les voyageurs : la présence de plus en plus nombreuse de voyageurs dans le Pays-Haut est le signe évident d’un nombre croissant de travailleurs frontaliers dans la communauté. La Préfecture reconnaît que ce secteur de la Meurthe-et-Moselle est l’un des plus délicats en ce moment : "le médiateur s’y rend souvent" sourit Anne-Lise Fuchs. L’absence d’aire de grand passage, le peu de foncier disponible, son état souvent dégradé rend la présence des voyageurs difficile, "mais on y travaille ardemment".

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