Une effraction en pleine nuit des ateliers municipaux, une équipée nocturne pour déménager les chars du cortège, la police sur le pied de guerre pour retrouver les attelages disparus, sur fond de bras de fer entre agents et municipalité pour des augmentations de salaires et à trois jours d'un défilé de Saint-Nicolas toujours compromis à Nancy, récit d'une folle nuit et d'une journée "abracadabrantesque", selon les mots l'opposition à la métropole.
Mais où sont donc passés les chars de la Saint-Nicolas ? Ce matin du 6 décembre 2023, les agents de la ville découvrent le hangar vide de l'atelier déco au centre technique municipal, situé au 53 rue Marcel Brot à Nancy (Meurthe-et-Moselle). Les portes ont été fracturées et 4 à 5 chars du cortège de Saint-Nicolas qui y sont entreposés se sont évaporés. Stupeur des agents qui prennent leur service et qui contactent illico la Police nationale comme il est d'usage dans ce genre de situation. "Ces chars n’ont pas disparu par magie. On pense que ça a été fait hier soir assez tard, après le départ du personnel, il faut du temps et du monde pour déplacer plusieurs grands chars. Une des portes a été fracturée, à l’intérieur, et la cheffe d’atelier a porté plainte", relate Philippe Hallier, le représentant syndical CGT.
S'ensuit alors un imbroglio qui va durer jusqu'en milieu d'après-midi avant que, par le biais d'un communiqué de presse, la Mairie ne reconnaisse finalement être à l'origine de l'équipée nocturne.
Dès le matin, la chose ne faisait cependant guère de doute dans l'esprit des représentants syndicaux : "Nous pensons que c’est à la demande de la municipalité, pour éviter que l’on bloque le défilé de la Saint-Nicolas. Ils font tout pour briser la grève", s'indignait Philippe Hallier.
La police sur la trace des chars
Effectivement, l'ordre est donc bien venu d'en haut : déménager nuitamment les chars des ateliers municipaux pour les mettre en sûreté et surtout, à l'abri du conflit qui oppose toujours Mairie de Nancy et Metropole du Grand Nancy sur des augmentations de salaire. Un conflit qui fait trembler la municipalité et qui menace depuis des semaines l'organisation du défilé de Saint-Nicolas.
Reste que durant toute la journée, les syndicats, les élus de l'opposition, les élus de la majorité qui ne sont pas tous dans la confidence, les médias alertés de la disparition et surtout la Police nationale qui a commencé à enquêter dès le matin, bref tout un petit monde va se retrouver sur le pied de guerre pour tenter de retrouver les chars envolés et comprendre ce qui a bien pu se passer.
Bien sûr aucun vol ou effraction n’a été commis comme cela a pu être dit ou écrit par ailleurs
Ville de Nancy
Signe de la gêne engendrée, interrogé dès la fin de matinée par la rédaction de France 3 Lorraine, le cabinet de la Ville de Nancy va mettre plus de quatre heures à répondre à nos questions par écrit, le maire ou l'adjoint à la culture étant "très pris par ailleurs" et donc indisponibles pour répondre à nos questions.
Les réponses reçues ne donnent évidemment pas la même analyse des faits. "Les chars étaient entreposés au centre technique municipal, site qui appartient à la Ville de Nancy. Bien sûr aucun vol ou effraction n’a été commis comme cela a pu être dit ou écrit par ailleurs. L’enjeu à cet égard est donc de sécuriser les chars, et de s’assurer qu’ils puissent être en place et prêts à défiler samedi en fin d’après-midi, notamment après l’acte de vandalisme sur l’un d’entre eux, la semaine dernière à Fléville".
Un défilé de chars en pleine nuit
Du côté de l'opposition, on s'en livre à cœur joie. "C'est le Saint-Nicolas Gate", estime un élu du groupe emmené par Laurent Hénart, l'ancien maire de Nancy et président de la métropole. Alerté par les syndicats, le Maire d'Art-sur-Meurthe, Jean-Pierre Dessein, vice-président de la métropole et membre du groupe d'opposition va lui aussi mener sa petite enquête jusqu'en milieu d'après-midi. Selon les informations de l'élu, on voit clairement sur les images de vidéosurveillance des chars traverser les rues de Nancy au beau milieu de la nuit. Direction ? Le parc des expositions où ils ont été entreposés avant d'être redéménagés en fin d'après-midi pour une nouvelle destination inconnue.
"On va tous passer pour des cons !", considère Jean-Pierre Dessein. "Ça ne donne pas une bonne image des élus. C'est abracadabrantesque, je suis dépité...". L'épilogue de cette soirée rocambolesque reste encore à écrire.
C'est du délit d'entrave à la grève, c'est pénalement répréhensible
Philippe Hallier, représentant syndical CGT
L’intersyndicale FA-CGT Ville de Nancy et FA-CGT Métropole de Nancy dénonce un "processus illégal" mis en place par l’administration, pour maintenir le défilé de la Saint-Nicolas coûte que coûte. "Le cabinet du président de la métropole appelle tous les maires et comités des fêtes afin qu'ils fournissent du personnel. C'est du délit d'entrave à la grève, c'est pénalement répréhensible. C'est inadmissible, les agents sont de plus en plus énervés", martèle le syndicaliste CGT Philippe Hallier.
Le défilé toujours menacé
Les agents de la mairie et de la métropole de Nancy maintiennent donc leur préavis de grève du vendredi 8 et samedi 9 décembre 2023, jour du défilé de la Saint-Nicolas. À seulement quelques heures des festivités, les syndicats majoritaires du secteur réclament toujours une hausse salariale et menacent donc de bloquer les festivités.
La priorité de la Ville de Nancy reste que le défilé de la Saint-Nicolas puisse se tenir dans les meilleures conditions
Ville de Nancy
La Saint-Nicolas mobilise chaque année environ 200 agents pour l’ensemble de l’événement, sur la base du volontariat. Sans ces professionnels, le défilé ne devrait donc logiquement pas avoir lieu, mais les élus locaux n’entendent pas les choses de cette oreille.
"La priorité de la Ville de Nancy est que le défilé de la Saint-Nicolas puisse se tenir dans les meilleures conditions, pour l’ensemble des familles, touristes et visiteurs qui attendent cet événement. Nous avons apporté de premières réponses, avec un accord signé avec trois des cinq syndicats de la ville et de la métropole. Des mesures fortes ont été prises, et le maire a fait de nouvelles propositions en début de semaine pour répondre aux revendications des deux syndicats non-signataires. Le dialogue n’est pas rompu, ce n’est pas notre volonté. L’enjeu est de trouver une issue le plus rapidement possible", assure la Ville de Nancy.
Les syndicats seront reçus par les élus, pour une nouvelle tentative de négociation, ce jeudi 7 décembre, à 10 heures.