Santé : congeler ses ovocytes pour préserver sa fertilité, "la médecine a ses limites" alerte une gynécologue

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En France 3.3 millions de personnes sont touchées par l’infertilité, soit un couple sur 4. « Le tabou du siècle » selon Emmanuel Macron qui souhaite développer la cryoconservation des gamètes. Une technique pratiquée depuis 1996 au sein de la clinique Majorelle à Nancy. Reportage. ©Sophie Mercier / FTV

En France, 3.3 millions de personnes sont touchées par l’infertilité, soit un couple sur quatre. "Le tabou du siècle" selon Emmanuel Macron qui souhaite développer la cryoconservation des gamètes. Une technique pratiquée depuis 1996 au sein de la clinique Majorelle à Nancy. Reportage.

Laura (le prénom a été changé) se rend pour la 3ᵉ fois au centre d’assistance médicale à la procréation (AMP) de la clinique Majorelle à Nancy, le premier centre de France, fondé en 1996, où 3 000 bébés sont nés depuis 28 ans. Après deux échecs, elle tentera demain une nouvelle fécondation in-vitro.

À 30 ans, voilà déjà quatre ans qu’elle tente d’avoir une enfant avec son mari, mais sans succès. "Au bout de deux ans, je savais que ce n’était pas normal, parce que j’étais jeune et il y avait de raison particulière. C’est une infertilité inexpliquée. Tout est au vert des deux côtés, mais pourtant, ça ne fonctionne pas", explique Laura, qui a beaucoup de mal à accepter la situation. "J’aimerais bien me dire de ne pas en vouloir, ou me dire ce n’est pas si grave si je n’en ai pas. Actuellement, non, je ne conçois pas ma vie sans enfant. Ça reste inenvisageable de rester dans la situation actuelle."

Des perturbateurs endocriniens omniprésents

Des couples qui ne parviennent pas à procréer, il y en a de plus en plus. 3.3 millions de personnes sont touchées par l’infertilité en France, soit un couple sur quatre. Si les causes ne sont pas clairement définies, les perturbateurs endocriniens y jouent un rôle majeur. Le système hormonal humain est constitué de glandes qui secrètent des hormones qui interviennent dans des fonctions essentielles de l’organisme : reproduction, développement du fœtus et de l’enfant, métabolisme, régulation de la glycémie…

Les perturbateurs endocriniens sont des substances chimiques qui interfèrent avec ce système et brouillent les processus régulateurs. Ces substances sont omniprésentes dans notre environnement domestique (produits ménagers ou cosmétiques) mais également dans notre alimentation et dans certains médicaments. Selon un Avis de l’ANSES de 2021 "près de 2 000 substances chimiques ont été identifiées pour une activité endocrine potentielle".

Des femmes infertiles de plus en plus jeunes

Face à cette exposition massive, les premières victimes sont les hommes. Ainsi, entre 1973 et 2011, la concentration de spermatozoïdes dans le sperme a chuté de 52,4% au niveau mondial, soit une perte moyenne de 1,4% par an. Mais cette infertilité touche aussi de plus en plus les femmes, selon la gynécologue Ségolène Thouvenot. "Ça fait quinze ans que je fais ce métier, et je constate au cours du temps que la fertilité féminine diminue. Avant, c’était beaucoup les hommes, alors que maintenant, on constate chez des très jeunes femmes des bilans hormonaux très perturbants. Avant 25 ans, c'était très rare d’avoir des patients qui consultent. Aujourd’hui, elles ont des problèmes à procréer, incontestablement."

Une situation inquiétante, renforcée par un phénomène de société : le recul de l’âge à la maternité. De 24 ans en 1974, l’âge moyen de la mère lors de son premier accouchement a atteint 31 ans en 2023. En cause : la recherche d’une stabilité professionnelle et affective, des difficultés financières, mais aussi tout simplement l’envie de prioriser sa carrière avant de se lancer dans un projet d’enfant.

Un premier enfant à 31 ans

Une situation qui n’est pas sans conséquences sur la situation démographique de la France. De 2,03 en 2010, l’indice conjoncturel de fécondité, à savoir le nombre moyen d’enfants par femme, n’était plus que de 1,68 en 2023. Face à cette baisse, Emmanuel Macron annoncé un vaste plan pour lutter contre l’infertilité avec notamment l’élargissement de l’accès à la cryoconservation des gamètes.

Cette technique est utilisée depuis 1996 au sein de la clinique Majorelle a Nancy, pour permettre de préserver la fertilité des femmes atteintes de cancers ou suivants un traitement lourd pouvant affecter leur fertilité. Avec cette réforme, les cliniques privées peuvent aussi à présent effectuer une cryoconservation sociétale. Un moyen pour de nombreuses femmes de reporter leurs projets d’enfants à plus tard, tout en préservant leur fertilité et leur chance de tomber enceinte.

Le succès de la cryoconservation sociétale

La cryoconservation est autorisée pour toutes les femmes de 29 à 37 ans. Elles doivent subir un traitement hormonal conséquent, pour stimuler la production d’ovocytes, qui seront ensuite prélevés au moyen d’une ponction sous anesthésie générale. Les ovocytes prélevés sont alors congelés dans l’azote liquide, à moins 196 degrés. Ces gamètes, les patientes pourront les récupérer des années plus tard, jusqu’à 45 ans maximum, la limite fixée par la loi. Seule la conservation est facturée, soit 40 euros par an.

Un peu partout en France, la demande explose. Mais le taux de réussite d’une grossesse après un transfert d’ovocytes congelés n’est en moyenne que de 33%. La congélation n’a aucun effet néfaste sur les ovocytes, mais ces gamètes sont bien souvent prélevés à un âge avancé, au-delà de 30 ans.

Une confiance excessive dans la PMA

Selon la gynécologue Ségolène Thouvenot, il faut rester prudent, et ne pas accorder une confiance excessive quant au succès d’une éventuelle procréation médicalement assistée. (PMA) "On lance les chevaux sur la préservation de fertilité sociétale, c’est une erreur" affirme-t-elle. "On ne préserve pas la fertilité, on préserve des gamètes. Rien ne prouve qu’aujourd’hui, même si on est très compétentes, qu’avec ces gamètes, on arrive à faire des embryons. L’idée, c’est quand même de rester dans un processus naturel et de ne pas attendre 45 ans. La médecine a ses limites."

La cryoconservation permet donc de préserver sa fertilité à condition de réaliser le prélèvement suffisamment tôt, et ne constitue en rien l’assurance de tomber un jour enceinte.

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