Ségur de la santé : pourquoi les professionnels de l'hôpital restent sceptiques malgré les annonces d'Olivier Véran

Le ministre de la Santé a annoncé le lancement d'un "Ségur de la santé". Depuis 20 ans, les réformes n'ont jamais cessé : adaptabilité, coupes budgétaires, maîtrise de la masse salariale... Le coronavirus a permis de mettre de côté rentabilité et restructurations. Provisoirement ou durablement ?

Le scepticisme est de rigueur chez les professionnels de la Santé après l’annonce du ministre de la Santé, Olivier Véran, d’un "Ségur de la Santé" pour le 25 mai car depuis des années, les plans d’économies succèdent aux plans d'économies. 

Un audit qui tourne au “réquisitoire”. Un “rapport qui a mis le feu aux poudres”, une distribution de “bonnets d'âne”... C'est en ces termes choisis que le journal Le Parisien faisait le récit mouvementé d'une séance autour de la fusion des hôpitaux de Creil et Senlis dans l'Oise, il y a presque dix ans. La chargée de l'audit, par ailleurs qualifiée de “véritable procureur”, se nomme Marie-Ange Desailly-Chanson. 

Son nom ne vous dit peut-être rien. C'est pourtant cette médecin biologiste que le gouvernement choisit pour succéder à Christophe Lannelongue à la tête de l'ARS Grand Est (Agence régionale de santé). En avril 2020, ce dernier avait provoqué une véritable tempête médiatique nationale après ses propos sur le maintien des restructurations au CHRU de Nancy en pleine crise du Covid-19. Il a été limogé et remplacé par une collègue de l'Igas (Inspection générale des affaires sociales) : Marie-Ange Desailly-Chanson.

Ces fonctionnaires de la Santé sont issus du même moule. Ce sont des tueurs de coûts, des financiers
- Jean-Pierre Bosino, ex-sénateur

Il ne faut pas se faire d'illusions. Ce ne sont pas des gens de santé mais des comptables” se souvient Jean-Pierre Bosino, ex-sénateur de l'Oise (PCF) et animateur à l'époque du comité de défense de l'hôpital de Creil. “Je ne me souviens pas spécialement de cette dame mais pour une raison très simple. Ces fonctionnaires de la Santé sont issus du même moule. Ce sont des tueurs de coûts, des financiers. Ils n'ont aucun d'état d'âme sur la gestion des hôpitaux”. Pour Paul Cesbron, autre meneur du comité de défense, “réduire les dépenses de santé publique, c'était à l'ordre du jour très officiellement.” “Ça n'a pas véritablement changé” ajoute l'ancien médecin spécialisé en gynécologie-obstétrique, “lorsqu'on commence à discuter avec l'ARS, les décisions sont déjà prises”. Résultat : l'Agence s'appuie sur les préconisations de Marie-Ange Desailly-Chanson et impose son projet de fusion malgré une forte mobilisation de la population.

Sur le CV de Marie-Ange Desailly-Chanson, fourni par l'ARS Grand Est, cette opération est qualifiée de “mission d'appui”. Comme celle menée par exemple à Carhaix (Finistère) un an plus tôt. Derrière le vocabulaire toujours feutré, qui flirte en permanence avec le verbiage, et où il est question de “meilleure offre de soin” ou de “préconisation” et où il “n'est jamais question de suppressions de postes mais de concentrer les activités spécialisées afin de réduire une multiplication de services coûteux”, il s'agit en fait de mission de restructuration forte. 

Manifestations

Ici, en l'occurrence : la suspension des services de chirurgie et de maternité de la commune de Carhaix, 14.000 habitants. Les manifestations, parfois violentes, se multiplient. Et lorsque le quotidien régional, Le Telégramme de Brest interroge Antoine Perrin, le directeur de l’Agence régionale d'hospitalisation (ARH) Bretagne en 2008 sur ce qui a motivé cette décision, voilà ce qu'il répond : “Le rapport d’expertise du Dr Marie-Ange Desailly-Chanson avait mis en évidence des dysfonctionnements majeurs quant à la sécurité des patients et des professionnels et quant à l’illégalité de certaines pratiques... À ceux qui m’avancent la notion de proximité pour maintenir ces activités à Carhaix, je réponds que proximité ne rime pas forcément avec sécurité.” 

Ironie de la situation, deux personnes critiquent vivement ces décisions à l'époque et du coup les propositions de l'actuelle directrice de l'ARS Grand Est. Il s'agit de Jean-Yves Le Drian, l'actuel ministre des Affaires étrangères et à cette période président du conseil régional de Bretagne. Parmi les autres personnalités politiques qui critiquent durement ces choix, un certain Richard Ferrand. L'actuel président de l'Assemblée nationale est alors conseiller général (PS). En mai 2008, on peut lire dans le Télégramme : “J’ai joint par téléphone, immédiatement après son annonce, le directeur de l’ARH* pour lui indiquer mon opposition totale à sa décision et l’enjoindre à prendre les mesures nécessaires au maintien des services hospitaliers de notre territoire. Je lui ai indiqué qu’il lui incombait, en sa qualité de représentant de l’Etat, de nous faire savoir quelles mesures il entendait prendre pour garantir l’égalité d’accès aux soins à tous les habitants de notre pays et pour répondre aux besoins que remplissent aujourd’hui les services dont il entend suspendre l’activité.” Depuis, chacun, à sa façon, a réussi à gravir les échelons du pouvoir... qu'il ait, finalement, été favorable ou non aux restructurations à Carhaix.

Les responsables des Agences Régionales de Santé sont des exécutants et des cost-killers
- Camille Séroux, porte-parole du Collectif Inter-Urgences

A travers ces deux exemples, un constat. Celui d'un hôpital où il n'est question que d'adaptabilité, de coupes dans les budgets, de maîtrise de la masse salariale... où l'exercice technocratique a finalement pris le pouvoir. La gestion d'abord, les soins ensuite. Le paradoxe, c'est que des personnes comme Marie-Ange Desailly-Chanson, aujourd'hui à la tête de l'ARS Grand Est et appelée à remplacer dans l'urgence Christophe Lannelongue afin de cautionner une virginité médiatique, ont pleinement participé à ce type d'opérations “dégraissage”. Beaucoup de personnel hospitalier a peine à croire qu'il pourrait faire autre chose que restructurer. Encore et toujours. Une vieille habitude pour tous les gouvernements depuis vingt ans dans le secteur de la santé. “Pour moi, les responsables des Agences régionales de santé sont des exécutants et des cost-killers” affirme Camille Séroux, infirmier aux urgences du CHRU de Nancy et porte-parole du Collectif Inter-Urgences, “On n'est pas dupes. Christophe Lannelongue et Marie-Ange Desailly-Chanson ont le même parcours. Ils prônent la même chose jusqu'à preuve du contraire. Ce sont des gens qui ne voient l'hôpital qu'à travers leur tableur Excel. “Là, il y a trop de monde, là on dépense trop”... Ils ne savent pas ce que c'est qu'un patient ou un soignant.

Ce sont des pantins” enchérit Sophie Perrin-Phan Dinh, infirmière et secrétaire de la CGT au CHRU de Nancy, “le parcours de Marie-Ange Desailly-Chanson est très douteux. Le comble, c'est qu'elle a même participé à une mission ici à Nancy en 2018 pour élaborer un plan d'économie. Il ne faut pas se faire d'illusions, elle mènera la même politique que son prédécesseur.” Ce plan de réorganisation dit Copermo (Comité interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins) recommande alors la suppression de 598 postes et 174 lits d’ici 2024. Il est validé en décembre 2019. La réaffirmation de sa nécessité en pleine crise du Covid et alors que l'hôpital de Nancy est en première ligne dans la pandémie coûtera la tête à Christophe Lannelongue. Aujourd'hui, à la direction de l'ARS, Marie-Ange Desailly Chanson devra peut-être se désavouer, se renier, convenir de s'être trompé. Elle devra peut-être manger son chapeau. Le monde des hauts fonctionnaires ambitieux est ainsi fait.

Christophe Lannelongue était un énarque, un pur technocrate. Et avec lui, le climat de confiance était rompu depuis longtemps dans tous les CHU du Grand Est et tout particulièrement à Nancy” explique Stéphane Maire, secrétaire du CHSCT du CHRU de Nancy et responsable CFDT. “Avec Marie-Ange Desailly-Chanson, on espère retrouver ce climat. Elle est médecin même si elle n'a pas exercé depuis des années. Qu'on soit clair : le premier acte qu'on attend de sa part, même si cela sera décidé par le gouvernement, c'est la fin du Copermo.” 

Ce fameux Copermo, négocié sous l'égide de l'ARS, c'est en quelque sorte le contrat passé entre l'Etat et les CHRU pour un retour à l'équilibre. C'est un des outils qui permet de boucler le budget d'un établissement. A Nancy par exemple, l'équation est simple. Pour faire face à une dette de près de 500 millions d'euros et pour pouvoir soutenir des investissements nécessaires à sa modernisation, l'Etat est disposé à aider mais en échange d'un effort de l'établissement. Effort qui consiste principalement à supprimer des lits et des emplois. “Il faut savoir que la dette des hôpitaux publics en France s'élève à 30 milliards” rappelle Stéphane Maire (CFDT), “Afin d'aider à restaurer l'équilibre financier, l'Etat s'était engagé à reprendre 10 milliards d'euros de la dette des hôpitaux sur trois ans soit un tiers. Il doit aujourd'hui en reprendre la totalité pour permettre une bouffée d'oxygène. On souhaite la fin de ces Copermo, ce contrat qui oblige les hôpitaux à se restructurer en échange d'aide financière. L'effet pervers, c'est d'obtenir le plus d'argent en échange d'économie. On espère maintenant que tout ça est derrière nous.

Vers un changement de logiciel ?

La fin d'un monde hospitalier avec des fonctionnaires de santé biberonnés à la restructuration, la tâche s'annonce ardue, aussi bien au ministère de la Santé que dans les Agences régionales de santé. Le changement de logiciel, si évident dans l'opinion publique, a même trouvé un fervent défenseur. En déplacement à Mulhouse le mercredi 25 mars 2020 le président de la République rend un hommage appuyé au “courage exceptionnel“ des soignants et promet un “plan massif d'investissement et de revalorisation des carrières sera construit pour notre hôpital”. Emmanuel Macron a parlé mais sans préciser le détail des montants, ni les modalités et en prenant soin de dire que tout sera entrepris "à l'issue de la crise." “Ça fait un an qu'on clame qu'il faut un plan pour l'hôpital et il n'y a rien. Il y a beaucoup de paroles mais maintenant, on attend des actes” s'exclame Camille Séroux, porte-parole du Collectif Inter-Urgences, “Le drame serait d'être oubliés et de tout oublier.” On attend toujours. Primo, on n'a rien eu sur nos fiches de paye” ironise Sophie Perrin-Phan Dinh. Impatient, le directeur général du CHU de Nancy, Bernard Dupont, l'est tout autant. “Avec cette crise, on est tous en état d'apesanteur aussi bien dans nos hôpitaux mais aussi au ministère de la Santé. Une seconde vague peut repartir mais très vite, il va falloir qu'on sache quelle est la ligne ministérielle !” “Quelle sera l'organisation et le financement des hôpitaux ?” s'interroge de son côté le Pr Christian Rabaud, président de la Commission médicale d’établissement (CME) du CHRU de Nancy. “Pour l'instant, rien n'a été modifié. La réflexion n'est pas enclenchée. Le chef de l'Etat s'est engagé à réfléchir à tout ça, très bien mais on ne va pas attendre qu'il réfléchisse trop longtemps pour reprendre en charge les patients qui reviennent à l'hôpital. Pour l'instant, on relance sur un modèle qui est l'ancien modèle, au moins sur la prise en charge. Le reste m'échappe totalement pour l'instant.

Pour l'instant, on relance sur un modèle qui est l'ancien modèle
- Pr Christian Rabaud, président de la CME (CHRU de Nancy)

Une crise sanitaire sans précédent pour réformer, mieux vaut tard que jamais finalement pour les syndicats. “Si aujourd'hui, le contexte n'est pas favorable, il ne le sera jamais” insiste Stéphane Maire (CFDT). “Le président, le Premier ministre et le ministre de la Santé nous ont répété qu'il y aurait un avant et un après Covid.

Le chantier s'annonce colossal dans un climat où le mot “austérité” n'a plus sa place et où il est même devenu franchement tabou. Le temps où l'annonce de suppressions de postes ou de lits dans les hôpitaux passait quasiment dans l'indifférence semble révolu. Seule certitude, les restructurations des hôpitaux sont “suspendues” mais pas annulées. Olivier Véran s'y est engagé. Pas le choix.

Pourtant, il y a encore quelques mois, justifier des baisses d'effectifs et d'économie ne semblait pas poser de problème. C'était même devenu une habitude en France et tout particulièrement à Nancy : 1.000 postes de moins au CHRU en dix ans. Et pour mener à bien la mutation du CHRU local, premier employeur de Lorraine, en mutualisant ses services sur un seul site, la note s'avère salée. 515 millions d'euros d'investissement pour faire de Nancy un pôle d'excellence confirme l'Etat mais en échange : 598 postes en moins sur cinq ans sans oublier la suppression de 174 lits. La CFDT parle à l'époque de “marché de dupe”. Le maire de Nancy, Laurent Hénart (MR), tempère en déclarant : “ll faut replacer les choses dans leur contexte, les suppressions de postes envisagées, c’est 600 sur 12.000 agents et ils le sont pour le retour à l'équilibre financier de l'établissement avec une réorganisation intelligente."

C'est simple, sans personnel, on ne peut pas prendre en charge correctement les gens
Sophie Perrin-Phan Dinh, secrétaire CGT du CHRU et infirmière à l’hôpital de Brabois depuis 2002


Le raisonnement et le raccourci passeraient sans doute très mal aujourd'hui et Laurent Hénart ne s'y risque pas. La formule est beaucoup plus polissée et pragmatique. Comme chez Emmanuel Macron, difficile pour le maire de Nancy de faire l'éloge du néolibéralisme en temps de crise. : “J'ai toujours dit que le point positif de ce Copermo était l'investissement. Et je maintiens que le projet d'investissement du CHRU est un bon projet. La décision du gouvernement, le Copermo de janvier 2020, est une décision sur laquelle on doit compter et sur laquelle on ne doit pas revenir. L'Etat doit respecter son engagement en réalisant l'investissement de modernisation du CHRU.” “Le Copermo est suspendu mais il ne doit pas être abandonné. L'Etat doit nous aider. On a besoin de reconstruire un hôpital moderne à Nancy à horizon 2030” acquiesce Stéphane Maire (CFDT), tout en précisant clairement que “les suppressions de postes et de lits qui garantissent cette aide doivent être abandonnées.

Ce plan d'économie à Nancy, ils étaient tous d'accord. Le directeur général Bernard Dupont et Laurent Hénart en tête” précise Sophie Perrin-Phan Dinh, “aujourd'hui, ils retournent tous leur veste et nous affirment qu'on leur mettait le couteau sous la gorge et qu'ils n'avaient pas le choix. Désolée, mais nous, on leur avait pourtant bien dit à l'époque qu'il y aurait des conséquences dramatiques sur les patients et les soignants. Ces gens-là sont des opportunistes. Comment voulez-vous avoir confiance aujourd'hui dans leur parole comme dans celle du gouvernement ? Ils ne savent pas de quoi ils parlent ! C'est simple, sans personnel, on ne peut pas prendre en charge correctement les gens. Ce projet du CHRU est une vitrine mais il faut aussi des bras pour le faire tourner et ça, ils ont tendance à l'oublier. L'hôpital, ce n'est pas une clinique ou un hôtel.

Le principe de réalité

Si la crise du Covid a mis en lumière les forces et les faiblesses du système hospitalier, elle a aussi relancé le débat sur le financement et des moyens pour l'hôpital. “On est dans un système qui avait pris des engagements et qui avait donné satisfaction aux payeurs et aux donneurs d'ordres avec des trajectoires financières établies” explique Christian Rabaud, président de la commission médicale du CHRU de Nancy. “Aujourd'hui, cette trajectoire est lourdement amputée par le Covid qui a diminué nos recettes pendant les deux mois où, je le rappelle, on a déprogrammé nos interventions. Et dans le même temps, nos dépenses ont augmenté avec par exemple l'achat de respirateurs... Là-dessus, on a un engagement fort des pouvoirs publics que ces surcoûts et ces pertes vont être compensés. Très bien. Je veux bien le croire. Ce n'est pas moi qui fais les chèques. Mais même si demain, le gouvernement dit : “vous pouvez embaucher deux fois plus d'infirmières !” Elles n'existent pas sur le marché. Il faut un certain temps pour les “produire”. Trois à quatre ans pour une infirmière et huit ans pour un docteur. Pour faire fonctionner un hôpital, il ne faut pas que de l'argent, nous avons besoin d'hommes et de femmes bien plus que de machines. J'ai besoin de lits et autour d'eux de personnels pour les prendre en charge. Il y a des contraintes et des réalités qui aujourd'hui sont bloquantes.

Pour Sophie Perrin-Phan Dinh, secrétaire CGT du CHRU et infirmière à l’hôpital de Brabois depuis 2002, une des solutions “c'est la titularisation des contractuels. Les précaires qui travaillent à l'hôpital ne demandent que ça. C'est maintenant ou jamais qu'on en finit avec la rentabilité à l'hôpital. Mais il ne faut pas attendre. Il faut que le personnel hospitalier soit acteur du changement. Les primes qu'Olivier Véran nous a promis, ce sont des miettes. L'enjeu est bien au-delà. Et les gens sont derrière nous.

Il y a un vrai risque de retomber dans le monde d'avant par facilité, par confort, par habitude, par urgence... C'est un peu désespérant, je le reconnais” avoue le Christian Rabaud, “il ne faut pas retomber simplement dans le “comme avant” avec des hôpitaux qui étaient déjà à bout de souffle mais il ne faut pas non plus être complètement utopique en pensant qu'on peut tout changer de façon immédiate. Ces changements prennent du temps”, précise le biologiste de formation,“il faut desserrer l'étau. Bien sûr qu'on n'imagine pas repartir comme avant avec les mêmes contraintes financières et les problèmes d'effectifs et de lits. Si vous voulez que ça change, il faut le faire tout de suite car une fois que les choses ont repris leur place, qui plus est avec la complexité d'une possible seconde vague de Covid, il sera trop tard. C'est un espoir qu'on aurait pu avoir en se disant qu'il faut rebattre les cartes mais la réalité est différente. Depuis une semaine, la pression est moindre et en termes d'organisation interne, il y a un principe de réalité qui est en train de s'imposer à nous : les patients reviennent pour des problèmes de santé divers et variés. On est en train de remettre l'hôpital au service de la patientèle habituelle, pour lequel l'hôpital a été créé et pour lequel il a évolué au cours du temps. Les besoins et les demandes des patients nous obligent à réorganiser l'hôpital en interne, en gastro, en endocrino, en gériatrie... C'est la réalité pragmatique de la prise en charge. Revenir sur une trajectoire antérieure va être compliqué, iI va falloir inventer les choses différemment. Pour autant, le principe de réalité, c'est qu'aujourd'hui, en termes de travail, d'organisation, de prise en charge des patients... On ne peut pas dire : on va réfléchir à tout ça pour le mois de septembre. Les patients ne peuvent pas attendre qu'on réfléchisse. Ils ont besoin d'être soignés... Tout de suite.

Il faut aller bien au-delà de deux ou trois mesures et d'un décret
- Bernard Dupont, président du CHRU de Nancy

Très vite, il faut qu'il y ait une réflexion sur de nouvelles règles du jeu” explique de son côté le directeur général du CHRU de Nancy, Bernard Dupont. “Il ne me semble pas anormal qu'il y ait un vrai débat, un débat de société sur l'hôpital. Des États généraux ou un Grenelle, peu importe. Il faut aller bien au-delà de deux ou trois mesures et d'un décret. Il ne s'agit pas de faire une révolution d'Octobre mais il y a là, un vrai sujet. La nécessité du changement exprimé par le président de la République, j'y adhère complètement et les hospitaliers n'auront pas de perte de mémoire sur le sujet. La rémunération et les effectifs sont des enjeux qui devront être examinés. Il y a besoin d'une incitation forte des pouvoirs publics. Et ce débat ne peut se limiter à quelques échanges au parlement ou entre quelques technocrates des ministères de la santé ou de Bercy.” Traduisez : le pouvoir au médecin plutôt qu'à la techno-bureaucratie.

La façon dont l'Etat finance les hôpitaux est dépassé” insiste Laurent Hénart, le maire de Nancy mais aussi président du conseil de surveillance du CHRU, “le financement avec la tarification à l'activité (T2A) et la régulation technocratique opérée par de hauts fonctionnaires qui établissent des normes budgétaires pour les différents hôpitaux et le CHRU est caduque. On peut avoir des débats chaque année mais il y a aussi des moment où il faut complètement changer de système.” “Et le système actuel est devenu tellement compliqué qu'on n'y comprend plus rien” ironise même Bernard Dupont.

Les pistes sont lancées mais le chantier est énorme et va devoir dépasser les corporatismes, les postures et les intérêts particuliers. Les portes d'un nouveau monde hospitalier sont pour l'instant grandes ouvertes. Il ne faudrait pas se précipiter à vouloir les refermer trop vite. Ses acteurs et décideurs ont tout intérêt à être à la hauteur des attentes d'une opinion publique, totalement acquise au personnel hospitalier. Là aussi, le remède reste à inventer.

* Agence régionale de l'hospitalisation. Les ARH, organismes régionaux de gestion des hôpitaux, sont remplacées depuis le 1er avril 2010 par les Agences régionales de santé (ARS)

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