Vers un système de consigne obligatoire pour les bouteilles plastiques comme en Allemagne ? Des maires s’insurgent

Outre-Rhin, la consigne des bouteilles en plastique est obligatoire depuis 2003. En France, une concertation est organisée jusqu’au mois de juin par le ministère de la Transition écologique pour tenter de la mettre également en place. La mesure suscite la réticence de nombreux élus. Pourtant, elle a prouvé son efficacité en Allemagne.

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Dans la zone commerciale de cette chaine de supermarché très connue en Allemagne, les consommateurs viennent acheter leurs boissons en gros volumes. La grande distribution a même séparé la vente des liquides des autres produits, en leur dédiant un magasin qui leur est exclusivement réservé.

On les appelle ici les Getränkemarkt. Les caisses de bouteilles, d'eau, de bière et de sodas s'empilent sur plusieurs allées, dans un décor d'entrepôt hard discount, sans aucun effort commercial publicitaire.

Sur le parking de cette enseigne sarroise, on croise donc des chariots remplis de caisses de bières d’un demi-litre, mais aussi de sodas, et d’eaux minérales. Mais avant de parcourir les rayons, les consommateurs passent par la case consigne : chaque bouteille, en verre ou en plastique, est déposée sur un tapis roulant. 8 centimes la petite bouteille en verre, 15 centimes la grande bouteille en plastique : "en tout, on en a pour 20 euros de consigne" explique Mathias, un jeune homme de 20 ans qui enquille les caisses de bières vides.

Depuis les années 80, nos voisins ont ainsi pris l’habitude de ramener leurs bouteilles en verre vides à la consigne. En 2003, une loi fédérale allemande étend cette consigne à tous les contenants à usage unique, en verre, mais aussi en métal et en plastique. La Verpackungsgesetz impose aux consommateurs de payer une consigne (Pfand), que le contenant soit recyclable (Mehrweg) ou à usage unique (Einweg). 

Le modèle allemand à la rescousse du gouvernement français

Dans le cadre de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), le gouvernement français souhaite s’inspirer du modèle allemand. Ainsi, le 30 janvier 2023, Bérangère Couillard, la secrétaire d’État chargée de l’Écologie a annoncé "réunir au ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires près de 70 structures (industriels, distributeurs, ONG, associations d’élus, associations de consommateurs…) afin de lancer une nouvelle concertation autour de la mise en place éventuelle de la consigne des bouteilles et des solutions alternatives".

Jusqu’au 30 juin, la ministre va donc "poser sur la table les conditions d’une éventuelle mise en place d’une consigne, en recueillant les avis des différentes structures invitées à y participer".

Arnaque intellectuelle et greenwashing ?

Mais déjà, certains grincent. Cité par l’Agence France Presse (AFP) le 18 avril 2023, plusieurs élus de l’hexagone montent au créneau pour dénoncer d’ores et déjà "arnaque intellectuelle, greenwashing, fausse consigne, démantèlement du service public de collecte et tri des déchets".

Rien que ça ! "La consigne ne permet pas de réduire les déchets", martèle Jean-François Debat, maire PS de Bourg-en-Bresse (Ain), "c'est une arnaque intellectuelle qui consiste à employer le mot consigne, perçu positivement dans l'opinion, pour une opération qui n'en est pas une puisque la bouteille ne sera pas remployée mais détruite pour être recyclée, c'est-à-dire qu'elle va finir exactement au même endroit que lorsqu'on la jette dans le bac jaune de collecte sélective", a-t-il ajouté.

De plus, le bénéfice écologique des consignes serait proche de "zéro", poursuivent les associations d'élus, citant l'exemple de l'Allemagne où la consigne a entraîné selon elles une "augmentation de la production et des ventes des bouteilles plastiques à usage unique".

Ce dernier point est confirmé par le Centre européen de la consommation, "le Mehrweg [les contenus réutilisables] n'a fait que reculer au profit du Einweg [le jetable à usage unique] ces dernières années, passant de 66,3% en 2004 à 41,8% en 2019, d'après le rapport de l'Agence fédérale de l'environnement allemande publié en 2021. Les grands distributeurs préfèrent malheureusement investir dans les contenants en plastique non réutilisables pour des raisons économiques et logistiques. Pour tenter d'inverser la courbe, la Verpackungsgesetz [la loi sur les emballages] a été modifiée depuis le 1er janvier 2019 pour promouvoir le Mehrweg avec pour objectif d'atteindre 70% de récipients réutilisables sur le marché".

Manne financière selon les élus français

En Allemagne, une bouteille en verre peut être réutilisée jusqu'à cinquante fois grâce au système de consigne, une bouteille en plastique vingt fois. Ce système a nécessité des accords entre industriels et pouvoir public, afin de mettre en place des normes communes. Les bouteilles de bière de cinquante centilitres par exemple ont toutes la même forme, et sont utilisées par la très grande majorité des brasseurs.

"C'est oublier que toutes les bouteilles ne seront pas forcément rapportées", notamment dans les zones rurales, explique Jean-François Vigier, maire UDI de Bures-sur-Yvette (Essonne), qui évalue à 400 millions d'euros le bénéfice qu'en tireraient les industriels de la boisson et à 320 millions le manque à gagner pour les collectivités.

Toujours selon l’AFP, les maires accusent les industriels de la boisson de vouloir "s'accaparer une manne financière" alors que les collectivités ont investi dans de coûteuses machines. Un centre de tri coûte environ 30 millions d'euros.

Principal organisme chargé de la fin de vie des emballages ménagers, Citéo estime pour sa part que "le dispositif de collecte actuel à lui seul ne suffira pas" à atteindre les objectifs fixés à la filière. "Le seul moyen (...) est de mobiliser toutes les parties prenantes et tous les leviers à disposition".

Alors que tous les emballages peuvent être jetés dans les poubelles jaunes depuis le 1er janvier 2023, les élus redoutent que l'introduction d'une consigne ne crée de la confusion dans l'esprit des Français. Pour atteindre les objectifs de recyclage européens, les maires formulent quatorze propositions, dont la promotion de la consommation d'eau du robinet pour diviser par deux les bouteilles plastiques en 2030, l'augmentation de la fréquence des collectes ou la mise en place d'une collecte sélective de tous les emballages consommés hors domicile.

Moins de bouteilles dans le paysage

Ils oublient cependant un peu vite que l’exemple allemand a montré des vertus immédiates dans le paysage, citées par le même Centre européen de la consommation "grâce à ce système, il est rare de croiser en Allemagne des bouteilles abandonnées en pleine nature ou le long des routes. Et pour cause, la consigne apporte une valeur économique à des objets auxquels nous n’accordons habituellement que peu d’attention. Ainsi, on estime aujourd’hui que 98,5% des bouteilles et canettes allemandes sont recyclées contre 56% des bouteilles en plastique et 43% des canettes en France".

Le centre cite également un autre atout, indirect : celui "une dimension sociale car il n’est pas rare de croiser dans le pays des ramasseurs de bouteilles (Pfandsammler) en quête de contenants abandonnés pour en récupérer la caution". Plusieurs témoignages fameux circulent sur les réseaux sociaux d’Allemands qui ont même réussi à financer l’achat d’une maison grâce à la récupération de bouteilles et canettes consignées !

(avec AFP)

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