La métropole accueille la première manche de la coupe de France de breakdance samedi 28 octobre 2023 au palais des sports Jean-Weille. Devant 2000 spectateurs, les meilleurs spécialistes français de vont s’affronter en battle dans une discipline qui sera olympique à Paris en 2024.
Le parquet est fraîchement ciré. Parfait pour les danseurs. Sous les ors de la grande salle de réception de la mairie de Nancy, près d’une centaine de personnes sont réunies lundi 23 octobre pour écouter la conférence sur l’histoire du breakdance en France. Abdel Mustapha, l’entraîneur de l’équipe de France, annonce le premier intervenant : Sidney, alias Patrick Duteil. Frisson dans la salle parmi les plus anciens. Casquette vissée sur la tête, démarche chaloupée, l’ancien animateur de la mythique émission H.I.P.H.O.P. sur TF1 porte beau ses 68 ans. "Le hip-hop a toujours existé" plaisante celui qui a lancé la discipline en France grâce à son créneau dominical, "regardez les pas de danse de Charlie Chaplin, c’était déjà du break".
Pour un peu, il vole la vedette aux sportifs. Mathéo Dubar (Kid Mario), Erwan Tallonneau (R-One) et Martin Lejeune sont les trois représentants de l’équipe de France de breakdance. Ce dernier n’en croit pas ses yeux : "c’est génial d’écouter les histoires de Sidney. Je connais les origines du mouvement, mais être à côté de lui, c’est un grand moment ! Mon père regardait son émission, je vais pouvoir lui dire que je lui ai parlé en vrai".
Après une démonstration de haute volée, les danseurs se prêtent volontiers au jeu des questions-réponses sur la discipline. À tout juste vingt ans, ils représentent les meilleures chances de la France lors des Jeux Olympiques de Paris où le break fera sa première apparition officielle. Martin Lejeune, le Calaisien, a décroché en 2018 une médaille d’argent lors des Jeux Olympiques de la jeunesse à Buenos Aires (Argentine). Il vise une sélection l’an prochain, mais les places sont chères : un garçon et une fille par pays, plus deux places comme pays hôte.
Grâce aux JO, le break s’est structuré en France comme jamais avant. La danse issue de la rue est rattachée à une fédération, ses cadres organisent entraînements, compétition, suivis et sélections des athlètes. À Nancy, elle organise samedi 28 octobre 2023 la première manche de la coupe de France de breaking : "des danseurs viennent de toute la France, et même de la Réunion, de Guyane pour y participer" explique Abdel Mustapha. Si les meilleurs viennent pour la gagne, pas de sélection à l’entrée : tout le monde peut participer. "C’est l’esprit du hip-hop, on forme un cercle et tous les danseurs peuvent se mettre au milieu et montrer ce dont ils sont capables ! On ne juge personne, on s’encourage et on se soutient" explique R-One lors d’un entraînement que les trois danseurs organisent à Tomblaine, dans la banlieue de Nancy.
De la rue jusqu'aux Jeux Olympiques
Pour cette séance, ils prennent la place des entraîneurs habituels, qui ont réuni tous leurs élèves, et même des danseurs d’autres disciplines. Le trio emmène l’échauffement, montre les premiers pas, dirige les enchaînements. Des top rock pour la danse debout, et les premiers foot rock (passe-passe en français) pour des danseuses et danseurs qui n’en ont jamais fait ou presque.
Sherynn, dix-neuf ans, reprend son souffle : "ça paraît simple, mais c’est très dur… nous, on fait du hip-hop debout, on n’a pas l’habitude d’aller au sol ! On se rend compte que c’est très dur, mais ils sont trop forts". À dix ans, Erine n’a pas peur de se jeter dans le cercle, mais elle reconnaît aussi que "les pieds se mélangent au sol, tu ne comprends pas ce qui se passe".
Dix ans, c’est le temps qu’il a fallu aux trois danseurs de l’équipe de France pour tutoyer les sommets. Ils se définissent à la fois comme athlètes et comme artistes, puisqu’ils gagnent leur vie comme danseurs dans des compagnies. Les JO seront forcément cruels puisque seuls deux Français représenteront l’Hexagone. "Mais j’ai l’avenir devant moi. Force à ceux qui iront aux jeux… si ce n'est pas moi, j’aurai encore plein de choses à faire" conclut Martin Lejeune.
Pas très loin, Sydney confirme : "bien sûr, je ne pouvais pas m’imaginer quand j’ai lancé l’émission que le break serait un jour aux JO ! Mais je suis fier de ce que j’ai apporté à cette culture. J’ai fait quelque chose de bien dans ma vie, qui me dépasse en fait. Le hip-hop brasse tous les milieux, toutes les origines. Il n’est là que depuis cinquante ans… mais il sera encore là dans les prochains siècles, il ne disparaîtra jamais".