Le géant de l’agroalimentaire Bonduelle abandonne son activité de salades en sachet, jugée trop peu rentable. Le spécialiste français des légumes transformés a informé ses salariés de son projet de fermeture du site de Saint-Mihiel, dans la Meuse, qui emploie 159 personnes. Au lendemain de l’annonce, les salariés meusiens sont toujours sous le choc.
Touché par une baisse persistante de la consommation, le géant de l’agroalimentaire Bonduelle a annoncé jeudi 29 août 2024 vouloir céder son activité de salade en sachet en France et en Allemagne. Quatre des huit sites de production européens du groupe vont quitter la maison nordiste, dont l’usine de Saint-Mihiel, dans la Meuse, qui emploie 159 personnes. Au lendemain de l’annonce, les salariés meusiens sont toujours sous le choc.
Un territoire rural, déjà impacté par le chômage
En Meuse, où 159 personnes travaillent dans le site de conditionnement Bonduelle Frais de Saint-Mihiel, à Maizey, la décision a fait l'effet d’une bombe. "C’est une annonce très brutale et une décision inhumaine. Les salariés n’étaient pas au courant, il n’y a eu aucune transparence et dialogue social en amont. La méthode et la communication sont inacceptables, surtout pour un groupe comme Bonduelle qui entretient une certaine image de marque et d’entreprise familiale. Malgré les arguments économiques, il y a des humains et des familles derrière. On ne peut pas traiter des salariés comme des numéros, sans le moindre respect", s’indigne Carine Jacquin, la secrétaire générale de la CFDT Meuse, le syndicat majoritaire de l’usine.
Bonduelle m’a usée et va me jeter comme un mouchoir en papier
Florence Toussaint, employée au conditionnement à l’usine Bonduelle de Saint-Mihiel
Dans cette usine, près de 80% des salariés sont des femmes, comme Florence, 53 ans, employée au conditionnement depuis 16 ans. "Ce sont des emplois difficiles, payés au Smic. On travaille dans le froid, en moyenne 4°, pour préserver les produits. C’est un métier avec des ports de charges et des mouvements très répétitifs, huit heures par jour. Je ne peux plus lever le bras au-dessus de la tête. On est beaucoup à avoir de grosses pathologies à cause du travail. Bonduelle m’a usée et va me jeter comme un mouchoir en papier", lâche la salariée.
Bonduelle a une responsabilité sociale énorme vis-à-vis des salariés et du territoire
Carine Jacquin, secrétaire générale de la CFDT Meuse
Stéphane, 50 ans, est employé depuis février 1999 dans cette usine, rachetée en 1997 par le groupe Bonduelle. "On était inquiets depuis quelques semaines car on nous a demandé de réduire la production mais là, le pire nous a été annoncé. On va être 159 personnes sur le carreau, on ne sait pas ce qu’on va devenir", soupire ce magasinier et délégué CFDT, ancien conducteur de machine pendant 24 ans. "La Meuse est déjà frappée par le chômage, Bonduelle a une responsabilité sociale énorme vis-à-vis des salariés et du territoire. Cette décision pèse logiquement sur l’économie locale", confirme Carine Jacquin, la secrétaire générale de la CFDT Meuse.
Quel avenir pour les 159 employés ?
Dans un communiqué, Bonduelle a annoncé avoir déjà trouvé deux repreneurs potentiels. Pour les salades produites en France, le groupe affirme être en "négociation exclusive" avec Les Crudettes, du groupe agroalimentaire français LSDH (Laiterie de Saint-Denis de l'Hôtel) pour le rachat de Bonduelle Frais France, à Genas, dans le Rhône, où il n’est pas encore question de licenciements à ce stade. Pour son activité en Allemagne, l’acheteur pourrait être l'entreprise américaine Taylor Farms. En parallèle à sa recherche de repreneurs, la directrice de la communication de Bonduelle assure que "le groupe enclenche un dialogue social pour accompagner chaque individu".
Beaucoup de salariés travaillent ici depuis une vingtaine d’années et ont plus de 50 ans, comment vont-ils retrouver du travail ?
Stéphane Genter, salarié et délégué CFDT à l’usine Bonduelle de Saint-Mihiel
Mais les rachats potentiels ne concernent pour l’instant pas le site de Saint-Mihiel. "Nous avons appris que nous serions tous licenciés au plus tard en mars 2025. Il y aura certainement un plan de départs volontaires et des reclassements sur d’autres sites mais la plupart d'entre nous va se retrouver au chômage. Beaucoup de salariés travaillent ici depuis une vingtaine d’années et ont plus de 50 ans, comment vont-ils retrouver du travail ?", questionne Stéphane Genter, le salarié et délégué CFDT du site meusien de Bonduelle.
Il y a aussi le facteur de l'inflation et du pouvoir d'achat qui touche ce secteur, et enfin, la concurrence exacerbée des marques de distributeurs
Céline Barral, directrice de la communication du groupe Bonduelle
Le géant agroalimentaire justifie sa décision par la "baisse structurelle" de la consommation. Selon le groupe, le chiffre d'affaires des salades en sachet de Bonduelle, lancées en 1997, est en déclin depuis des années, avec une baisse estimée de 15% au cours des sept dernières années. "Avant, la salade était consommée en entrée, aujourd'hui, on mange différemment. Il y a aussi le facteur de l'inflation et du pouvoir d'achat qui touche ce secteur, et enfin, la concurrence exacerbée des marques de distributeurs", a déclaré à nos confrères de l'AFP la directrice de la communication du groupe, Céline Barral.
Fondée en 1853, la multinationale française Bonduelle est n°1 de la conserve et n°2 du surgelé de légumes en France et en Europe. Elle emploie plus de 11.000 collaborateurs et opère dans près de 100 pays. Dirigée par Xavier Unkovic depuis juin 2023, elle a vu son chiffre d'affaires reculer de 1,4% à 2,37 milliards d'euros sur l'ensemble de son année décalée 2023-2024, terminée le 30 juin sans atteindre son objectif de ventes annuelles.