La préfecture de la Meuse annonce ce vendredi 5 mai, la mort de Jean Manchette, le dernier déporté originaire de la Meuse. Il s'est éteint dans sa 102e année. Il avait témoigné de son histoire auprès de nombreux jeunes.
Jean Manchette est mort le 5 mai 2023. Il était le dernier déporté de la seconde guerre mondiale encore vivant dans la Meuse. Une grande figure de ce département. Il avait 101 ans, annonce la préfecture de la Meuse dans un communiqué. Né le 30 décembre 1921 à Menaucourt, il s’est engagé dans l’armée d’armistice au titre du 8ème RI à Montpellier : il avait participé à plusieurs faits de résistance locale. Revenu dans ses foyers, il a été arrêté par la Gestapo le 8 mars 1943 pour avoir participé à une cérémonie patriotique à Ligny-en-Barrois le 1er mars précédent.
Il nous avait confié les détails de cette arrestation, alors qu'il avait 98 ans, en 2020. Le 11 mars 1943 Jean Manchette et ses camarades sont conduits à la gare de Bar le Duc puis embarquent dans un train direction le camp d'internement 122 de Compiègne. "On est arrivés dans la nuit, je me souviens des projecteurs qui balayaient dans la cour, les mitrailleuses, les barbelés. Déjà ça nous a fait drôle !"
Le 26 avril Jean Manchette est embarqué de force dans un train de wagons à bestiaux direction l'Allemagne. "On est montés à coup de crosse (...) il y a eu des tentatives d'évasion alors les allemands ont tiré à travers les wagons (...) j'ai un ami qui s'appelait Morel qui est mort".
Transféré à Compiègne, Jean Manchette a ensuite été déporté au camp d’Orianenburg-Sachsenhausen le 27 avril de cette même année. Il rejoindra ensuite le commando de travail de Falkensee. Libéré par l’armée rouge le 26 avril 1945, il retrouvera sa Meuse natale. France 3 Lorraine l'avait rencontré à plusieurs reprises lors de conférences pour raconter son histoire et donc l'Histoire de France.
Il a vécu l'enfer
Avec ses camarades il a vécu l'enfer comme prisonnier politique, mais surtout comme esclave des nazis. Condamné aux travaux forcés quotidiens, pour la construction d'un camp, puis dans une usine pour la fabrication de chars, il tâche de survivre aux conditions de détention inhumaines.
"Sur le chantier on mangeait debout. Défense de s'asseoir. Alors l'hiver quand il faisait bien froid on se mettait cinq ou six copains dos à dos pour avoir un peu de chaleur humaine. L'hiver il faisait -20°C avec la neige ! Quand je repense à cela je me demande comment on a tenu", racontait-il à notre équipe.
"Abîmé et épuisé, il se reconstruira tant que faire se peut. Il épouse Yvonne en 1956, la famille s’agrandira de trois enfants", précise la préfecture.
Dans les années 80 cette homme atachant s’engage dans le monde associatif et porte-drapeau. Pendant les années 90 et suivantes, son engagement auprès des jeunes est immense. D'abord auprès des élèves de classes primaires, mais aussi en témoignant auprès des collégiens et lycéens, "il parcourt inlassablement le département et la région pour évoquer son parcours ainsi que celui de ses camarades et amis".
Depuis l'anonce de sa mort, les hommages se multiplient dans la Meuse.
Sur les lieux de sa captivité en avril 2015
70 ans après avoir été libéré, le résistant lorrain avait accepté de retourner sur le site de sa détention en avril 2015. Dans ce "voyage au bout de l'Enfer", qu'il n'avait fait qu'une fois jusque là, en 1980, avec des camarades déportés, Jean Manchette avait, cette année là, été accompagné par des collégiens meusiens. France 3 Lorraine l'avait alors suivi sur place.
Un web documentaire retrace par ailleurs ce "voyage au bout de l'Enfer".
Raconter pour après
Un film intitulé "raconter pour après" a permis de laisser une trace de son existence en vidéo. Jean Manchette n'a jamais cessé de transmettre un message d’histoire, de mémoire, mais encore et surtout d’amour de la vie : la finalité de son action.
Durant de nombreuses années Jean Manchette a témoigné de sa captivité et de l'horreur qu'il a vécu lors de la seconde guerre mondiale. Il avait fait une de ses dernière apparition en milieu scolaire au collège d'Ancemont (Meuse) le 7 avril 2022 accompagné par le résistant nancéien André Collard alors âgé de 105 ans.
Jean Manchette s’est éteint dans sa 102ème année. Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’Honneur, chevalier dans l’Ordre National du Mérite, commandeur dans l’Ordre des Palmes Académiques, "figure du département de la Meuse, connue et reconnue, il a marqué par sa gentillesse et sa bonhommie plusieurs générations. Porte-drapeau durant plus de 30 ans, il n’a cessé les activités que très récemment".