Il vient d'avoir 98 ans et continue de témoigner de sa douloureuse histoire et du martyr qu'il a subi durant 25 mois au camp de Sachsenhausen (Allemagne) d'avril 1943 à mai 1945. Pour que personne n'oublie.
Infatigable, Jean Manchette continue de témoigne de sa captivité durant la seconde guerre mondiale.
Depuis des années il enchaîne les conférences, dans les établissements scolaires notamment, pour que la mémoire de son martyr et celui de ses camarades perdurent. Un engagement pour l'Histoire et la mémoire collective qu'il poursuit alors qu'il a aujourd'hui 98 ans.
Nous l'avons rencontré le jeudi 30 janvier chez lui à Longeville-en-Barrois (Meuse)
Une cérémonie patriotique contre le STO
Le premier mars 1943 Jean a 20 ans. Lui et une centaine de jeunes français du canton de Ligny-en-Barrois sont convoqués par l'occupant nazi pour le STO (Service du Travail Obligatoire). Après une visite médicale il décide avec ses camarades de participer à un défilé patriotique contre l'occupant dans les rues de Ligny-en-Barrois (Meuse). Ils marchent dans la ville en chantant. "On a chanté la Marseillaise, Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine - c'est à dire tous nos chants patriotiques ; c'était interdit naturellement - la marche lorraine quelques uns ont chanté l'Internationale".Puis Jean et ses camarades se sont rendus au monument aux morts, en passant devant deux Feldgendarmes, et ils ont chanté à nouveau.
"Nous sommes français"
Après une enquête Jean est arrêté par les nazis, et emmené à Bar-le-Duc, tout comme soixante dix hommes du canton qui sont ensuite interrogés individuellement par la Gestapo de Nancy."Vous avez participé à la manifestation ? - on a dit oui ils le savaient fort bien. Vous avez chanté la Marseillaise ? - on a dit oui. Vous avez crié "à bas les boches" ? - oui. Donc vous êtes gaulliste ? - on a dit nous sommes français !"
Le 11 mars 1943 Jean Manchette et ses camarades sont conduits à la gare de Bar le Duc puis embarquent dans un train direction le camp d'internement 122 de Compiègne. "On est arrivés dans la nuit, je me souviens des projecteurs qui balayaient dans la cour, les mitrailleuses, les barbelés. Déjà ça nous a fait drôle !"
Le 26 avril Jean est embarqué de force dans un train de wagons à bestiaux direction l'Allemagne. "On est montés à coup de crosse (...) il y a eu des tentatives d'évasion alors les allemands ont tiré à travers les wagons (...) j'ai un ami qui s'appelait Morel qui est mort".
Prisonnier au camp de Sachsenhausen
Le 30 avril 1943 les prisonniers français arrivent au camp de d'Oranienbourg-Sachsenhausen où les SS leur réservent un mot d'accueil glaçant par la voix d'un interprète : "Vous êtes ici pour travailler et crever. Vous ne quitterez le camp que par la cheminée du crématoire !"Vous êtes ici pour travailler et crever. Vous ne quitterez le camp que par la cheminée du crématoire !
Avec ses camarades il vit l'enfer comme prisonnier politique, mais surtout comme esclave des nazis. Condamné aux travaux forcés quotidiens, pour la construction d'un camp, puis dans une usine pour la fabrication de chars, il tâche de survivre aux conditions de détention inhumaines.
Il connaît la peur du lendemain, le froid, la faim, l'épuisement physique et psychologique, la violence quotidienne, la mort de ses camarades.Sur le chantier on mangeait debout. Défense de s'asseoir. Alors l'hiver quand il faisait bien froid on se mettait cinq ou six copains dos à dos pour avoir un peu de chaleur humaine. L'hiver il faisait -20°C avec la neige ! Quand je repense à cela je me demande comment on a tenu.
- Jean Manchette
Ce 31/01/20 conférence de Jean Manchette, l’un des deux derniers #déportés de la #Meuse, à Tronville en Barrois à 20h. #Témoignage de son martyr pour ne jamais oublier. Dans cette vidéo il parle de la faim au camp de Sachsenhausen en 1944 @F3Lorraine pic.twitter.com/uGEdO7hZ71
— Lodoïs GRAVEL (@LodoisGravel) January 31, 2020
Libéré par l'armée rouge en 1945
Jean Manchette est finalement libéré par l'armée rouge en avril 1945 et regagne la France en mai. Affaibli, blessé, mais vivant.
Après la guerre il s'installe à Longeville en Barrois et fonde une famille. Il est aujourd'hui père de trois enfants, grand-père de huit petits-enfants et arrière-grand-père de deux arrière-petites-filles.
Pour aller plus loin,
- notre webdocumentaire:
- Un film témoignage
- Un livre en mémoire des déportés du canton de Ligny-en-Barrois