Cigéo à Bure : nouveau bras de fer juridique autour du projet d'enfouissement des déchets nucléaires

Des associations et des habitants opposés au projet d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure, dans la Meuse, ont déposé un recours le 7 septembre 2022 contre deux décrets désignant Cigéo comme "d'utilité publique" et comme "opération d'intérêt national".

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Les opposants au projet Cigéo de centre d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure, dans la Meuse, ont annoncé le 7 septembre 2022 avoir déposé un recours auprès du Conseil d'État contre deux décrets. Le 8 juillet dernier, par un premier décret, le gouvernement a déclaré "d'utilité publique" (DUP) le projet Cigéo. À la même date, un second décret, l'inscrivant comme "opération d’intérêt national" (OIN), a été pris par la Première ministre Élisabeth Borne. 

"Ces deux procédures, DUP et OIN, permettent à l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) d’acquérir la maîtrise foncière manquante pour les installations de surface et l'aplomb des ouvrages souterrains, soit environ 3.500 hectares (l'équivalent de la superficie de Lille) et d’exproprier si besoin", expliquent les opposants dans un communiqué. Parmi les 32 associations et les 30 habitants qui ont déposé le recours, figurent notamment Greenpeace France, Attac France, Bure Zone Libre ou encore l'association Abolition des armes nucléaires.

La décision du Conseil d'État attendue d'ici un an et demi

Le dossier du recours comptant plus de 200 pages, "cela devrait prendre un an et demi" avant que le Conseil d'État ne rende sa décision, prévient Laura Monnier, juriste à Greenpeace France. Le recours n'étant pas suspensif, l'Andra peut, entre-temps, mettre en œuvre ce que les décrets l'autorisent à faire. "Les décisions de l’Andra et toutes les démarches et les travaux qui pourraient être mis en œuvre peuvent faire l’objet de recours administratifs et notamment de recours en référé devant les tribunaux", précise néanmoins Laura Monnier.

Concernant la décision du Conseil d'État, la juriste espère une annulation pure et simple des décrets. "Le Conseil d'État a une ligne beaucoup plus favorable à la protection de l’environnement", observe-t-elle. "Les juges montrent sur certains dossiers qu’ils peuvent prendre en compte ces problématiques."

Pour rappel, Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) est un projet gouvernemental datant de 1998 porté par l'Andra. Il vise au stockage géologique profond, à 500 mètres sous terre, de 85.000 m3 de déchets nucléaires les plus radioactifs (3% du total des déchets créés par les centrales nucléaires) ainsi que ceux ayant la durée de vie la plus longue, à Bure, dans une zone rurale du Grand Est. Les radiations émises par ces déchets pourront durer jusqu'à 100.000 ans. Ce principe d'enfouissement a été contesté dès 1991 par les écologistes et un certain nombre de scientifiques. 

Expropriations de terrains et permis de construire  

Les deux décrets, publiés au Journal Officiel le 8 juillet, ont été signés par la Première ministre, Élisabeth Borne, et les ministres de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, et de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu. 

Dans le décret DUP, il est précisé que "les expropriations de terrains nécessaires à (sa) réalisation (...) sont réalisées avant le 31 décembre 2037. Les expropriations ne concernant que les tréfonds sont réalisées avant la fin de la phase industrielle pilote (...) au plus tard le 31 décembre 2050". Il ajoute que l'Andra "devra, s'il y a lieu, remédier aux dommages causés aux exploitations agricoles". En décembre 2021, la commission d'enquête publique avait conclu que Cigéo était "à la fois opportun, pertinent et robuste" et que son utilité publique était "avérée".

La reconnaissance du projet comme OIN "permet à l'État d'exercer les principales compétences d’urbanisme dévolues aux collectivités territoriales dans le périmètre du projet et de délivrer notamment les permis de construire", explique le site gouvernemental Vie publique.

Les associations dénoncent une "logique du fait accompli"

"Derrière la DUP et l'OIN, se profile une avalanche d'arrêtés et demandes administratives visant à commencer les travaux dits préparatoires à Cigéo, soit tous les raccordements (en eau, en électricité, en voies ferroviaires et routières...) qui lui seraient indispensables et qui seraient engagés avant même que le stockage géologique des déchets n'obtienne le feu vert", estiment les associations pour qui les décrets DUP et OIN font partie d'une "logique du fait accompli".

Elles dénoncent des décrets qui sont "censés permettre d'ancrer physiquement sur le territoire un site industriel qui n'a pourtant encore reçu aucune autorisation et qui soulève de très lourdes interrogations en termes de sûreté, d'impacts environnementaux et de coût". Elles se disent "déterminés à lutter contre l'implantation de ce projet imposé", qui selon elles, "ferait courir des risques impensables aux générations futures".

"De nombreuses incertitudes"

Selon les opposants, le projet Cigéo comporte de "nombreuses incertitudes". "On ne connaît pas exactement la nature et la quantité des déchets radioactifs qui seraient stockés, son coût de construction puis d'exploitation et de jouvence pendant environ 150 ans, ni tous les impacts sanitaires et environnementaux du projet. À ce stade, ni l'analyse des risques ni l'étude précise de danger n'ont été suffisamment approfondies", avancent-ils. 

Parmi les arguments avancés par les opposants au projet Cigéo, on retrouve notamment les "risques technologiques majeurs entraînés par le choix de conception du site", le "risque de contamination des eaux souterraines", "l'occultation d'un important potentiel géothermique", ou encore "l'impossibilité d'intervenir en cas d'accident".

La déclaration d’utilité publique de Cigéo n’autorisant pas la création du centre de stockage, l’Andra a annoncé qu’elle déposerait une demande d’autorisation de création (DAC) d’ici la fin de l’année 2022.

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