Maurice Genevoix : l'héritage (5/5)

Témoin engagé au service de la mémoire de ses anciens compagnons, Genevoix est peu à peu tombé dans l'oubli après sa mort en 1980. Le Centenaire de la Grande Guerre aura été l'occasion de remettre l'écrivain et « Ceux de 14 » sous les projecteurs avec en point d'orgue sa panthéonisation.

 

Printemps 2013. Sur un terrain de moto-cross de Thierville-sur-Meuse, une série d'explosions. Puis des hurlements et des coups de feu. Surgissant de tranchées, des hommes coiffés de casques à pointe font face à une ruée bleue de soldats couverts de boue. Et tout autour, des caméras et des micros : l'équipe du réalisateur Olivier Schatzky en plein tournage de « Ceux de 14 ».
L'adaptation de l'oeuvre de Maurice Genevoix pour la télévision a été initiée par sa fille Sylvie, décédée en 2012 avant que le projet puisse aboutir. Le tournage, débuté en avril 2013, s'est poursuivi jusqu'en juillet en Meuse. Trois mois pendant lesquels les jeunes acteurs, en uniforme d'époque et avec 15 kg sur le dos, ont connu les marches, les situations de combat et les repos entre deux assauts.

J'aimerais que le public jeune s'y reconnaisse de par l'âge des comédiens et donner envie, grâce à l'image, de découvrir ou redécouvrir cette grande œuvre littéraire.

Jean-Luc Michaux, producteur de « Ceux de 14

Présent sur le tournage, un enfant de Verdun : le dessinateur David Bulle. Venu en observateur, il commence à croquer les acteurs, les figurants, les décors. Jour après jour, il accompagne l'équipe de « Ceux de 14 ». Au Centre Mondial de la Paix de Verdun où sont tournées les scènes de mobilisation de Maurice Genevoix. Au village des vieux métiers d'Azannes et Soumazannes pour les séquences de repos des soldats. Et à Thierville où ont été reconstituées les pentes de la crête des Eparges. Sous la pluie, dans la boue, mais aussi sous un soleil de plomb, il noircit des pages avec son crayon, comme l'avait fait Maurice Genevoix presque cent ans plus tôt. Le sous-lieutenant consignait ce qu'il voyait dans ses carnets, y compris sous forme de dessins. Pour le rappeler, le réalisateur Olivier Schatzky demande à David Bulle de prêter sa main pour les gros plans des scènes où Théo Frilet réalise des esquisses.

Ce tournage a été une vraie découverte : un monde s'est ouvert à moi.

David Bulle

Paradoxe pour ce Verdunois qui a passé son enfance tout près des champs de bataille : c'est au contact de l'équipe de « Ceux de 14 » qu'il découvre, à quarante-trois ans, ce qu'a été la Grande Guerre. Parmi les figurants, de nombreux passionnés de cette période lui racontent des anecdotes. Et puis David Bulle découvre l'oeuvre de Genevoix. A l'école, on ne lui avait jamais parlé de l'écrivain. Il en apprécie le style, la poésie et l'humanisme. Une révélation qui le conduit, pendant toute la période du Centenaire de 14-18, à se consacrer presque entièrement à ce thème. En 2014, il publie à compte d'auteur une série de croquis réalisés dans les coulisses du tournage de « Ceux de 14 ». Il commence ensuite à animer des ateliers pédagogiques à destination des scolaires.

Quand on lit des pages de Genevoix, les mots vous transpercent et créent des émotions. Il y a la force du texte. Des images naissent. Même pour ceux qui n'ont pas le bagage. Les élèves, quel que soit leur niveau, comprennent.

David Bulle

La dimension pédagogique de l'oeuvre de Maurice Genevoix est reconnue depuis au moins 2001. Cette année-là, le Mémorial de Verdun, en partenariat avec l'Education Nationale, a mis en place les « classes Genevoix ». Ce dispositif interdisciplinaire, associant professeurs d'Histoire et de Lettres modernes, propose d'aborder la Première Guerre mondiale par le biais de « Ceux de 14 ». Le livre permet une approche aussi bien historique que littéraire. Après une préparation en classe, les élèves partent sur les traces de l'écrivain sur le site des Eparges, où certains extraits du livre prennent une autre dimension.

Quand ils arrivent aux Eparges, qu'ils voient les trous d'obus et de mines, qu'ils voient la tombe de Porchon, ils se disent : mais oui ! C'est un vrai cimetière. Il y a vraiment eu Porchon qui est mort. Et tous ces soldats, c'est eux dont on a parlé dans le livre. Et ce n'est plus une fiction. C'est vraiment quelque chose qui les prend aux tripes.

Lysiane, professeur de Français

Le service éducatif du Mémorial de Fleury-devant-Douaumont a également mis en place des visites du champ de bataille de Verdun. Là, comme aux Eparges, le paysage témoigne de la violence de masse si caractéristique du conflit que Maurice Genevoix a découverte en 1915. Ces sites permettent également d'aborder la question de l'expérience combattante en lisant des témoignages de soldats français et allemands.
Pour le petit-fils de Maurice Genevoix, de telles initiatives sont indispensables. Président de l'association « Je me souviens de Ceux de 14 », et porteur, après sa mère, du projet de panthéonisation de l'écrivain, il intervient régulièrement auprès de collégiens et de lycéens.

Le sacrifice qui a été fait par ces hommes particulièrement jeunes ne peut être oublié aujourd'hui : il est porteur de sens. Mais commémorer entre gens qui savent, entre historiens, entre spécialistes, ce n'est pas intéressant. Il faut délivrer ce message aux jeunes générations : aux écoliers, aux collégiens, aux lycéens qui sont les citoyens de demain.

Julien Larère-Genevoix, petit-fils de Maurice Genevoix

Maurice Genevoix a jusqu'au bout de sa vie été le porte-parole des combattants de 14-18. Un engagement humaniste que salue aujourd'hui la Nation en le faisant entrer, avec tous « Ceux de 14 », au Panthéon. Un coup de projecteur plein de solennité qui n'aura de sens que si le message de l'écrivain reste vivace.
Pour aller plus loin...
La mini-série « Ceux de 14 » est composée de six épisodes de 52 mn qui ont été diffusés en octobre et novembre 2014 sur France 3.

« Ceux de 14 : les coulisses », de David Bulle, présente sous forme d'un carnet de soixante pages une sélection de ses croquis réalisés entre avril et juillet 2013 sur le tournage de la série.


 
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