Son témoignage est violent et plein d’espoir. Aurélia, infirmière mosellane, a décidé de raconter le calvaire de son père pour rendre hommage à son courage et alerter. Didier, 62 ans, attrape la Covid en mars 2020. Ce 17 février, il se bat encore contre les séquelles physiques.
"Je fais ce récit pour vous témoigner de cette hargne et cette ténacité dont fait preuve mon père et qui me rend si fière", nous écrit Aurélia Meyer, infirmière en psychiatrie en Moselle.
Son père Didier a du diabète mais il n’a que 62 ans. Il aime la pétanque, la pêche et a le sens de l’humour. Il est atteint par le virus à la mi-mars 2020 et doit très vite entrer en réanimation. La belle-mère de Didier, 82 ans, décèdera de la Covid le lendemain.
C’est la pire période de l’épidémie dans les hôpitaux. Faute de place, il doit être transféré en TGV spécial à Bayonne. Comme son état se dégrade, le transfert s’arrêtera en urgence à Villenave d’Ornon à côté de Bordeaux. Sa famille ne l’apprendra que quelques jours plus tard. Après plusieurs semaines et un répit, il est intubé à nouveau fin avril.
"Même moi et ma sœur qui sommes infirmières, jusqu’à début mars, on n'aurait jamais pensé que ça aurait pu se passer aussi mal avec ce virus", raconte la jeune femme.
"Tous les jours on me donnait un rendez-vous téléphonique. J’agissais comme une infirmière pour mettre de côté la douleur, j’écrivais tout comme si c’était des transmissions." Aurélia va même jusqu’à discuter de fin de vie et prévoir avec les médecins de lui laisser le temps de rejoindre Bordeaux si le pire se produit.
Didier s’en sort mais a perdu 25 kilos, est partiellement paralysé, a des escarres au visage du fait de la position allongée sur le ventre. La famille raconte tout, même le plus éprouvant, pour faire comprendre ce que ça représente à ceux qui pensent que la réanimation c’est juste recevoir de l’oxygène.
Elan de solidarité
Quand le déconfinement survient, Aurélia et sa mère veulent rejoindre Didier.
Elle lance un appel sur Facebook pour trouver un logement. Le message est partagé plus de 20.000 fois. "J’ai passé trois jours à répondre aux gens. On me proposait de nous héberger, de nous prêter des villas… J’ai trouvé cela incroyable. Même quand j’y étais je recevais encore des messages de gens qui nous disaient j’espère que vous tenez le coup. Si vous avez besoin d’un café, appelez."
"Protégez-vous car ça n’arrive pas qu’aux autres"
Si Aurelia raconte aujourd’hui leur histoire, c’est pour rendre hommage à son père. "Je suis surtout fière du combat que mon père a mené pour s’en sortir. Il a flirté avec la mort pendant cinq semaines".
Mais aussi pour que le public se rende compte de la violence de la maladie. "Les gens qui croient encore que c’est un fake ont vraiment la tête dans le sable… Mon père m’a dit qu’il a récemment parlé avec un monsieur en rééducation qui ne croyait pas au covid. Il a baissé son masque et dit 'tu vois si j’en suis là c’est à cause du covid.'"
Si les gens peuvent comprendre que ça n’arrive pas qu’aux vieilles personnes et que quand ça vous tombe dessus ça fait un mal de chien.
Didier, qui suit tout ça depuis son centre de rééducation, est devenu militant de la prévention.
"Il faut que chacun prenne conscience de la situation… Que chacun se protège car ça n'arrive pas qu'aux autres."
Aujourd’hui, il se bat tous les jours avec les kinés pour retrouver sa mobilité. Il dit attendre avec impatience la publication de cet article pour remercier tous les soignants qui l’ont aidé pendant onze mois... C’est fait !