Alors qu'ArcelorMittal, le géant mondial d'acier reconnaît avoir importé et commercialisé en 2015 en Europe des produits sidérurgiques chinois, un stock de bobines d'acier chinois vient d'être découvert à Illange (Moselle). Une révélation de France 3 Lorraine, vendredi 26 février 2016.
Depuis plus d'une semaine, le Groupement pour l'Exploitation des Ports Privés (GEPOR), filiale appartenant à 100% au géant de l'acier ArcelorMittal à Illange (Moselle), stocke et fait transiter des centaines de bobines d'aciers produites en Asie par le groupe chinois BaoSteel n°4 mondial de la production d'acier.Des bobines d'acier "bas de gamme" sont destinées à un distributeur lorrain qui se charge de les transformer et de les commercialiser.
Le reportage en exclusivité d'Emmanuel Bouard et Eric Bertrand :
©France 3 Lorraine
Dans un communiqué la direction d'ArcelorMittal Europe (AMAL) se dit "très surpris(e) des commentaires faits aujourd'hui par la CGT (qui) a affirmé que les activités de GEPOR (une filiale d’AMAL, qui fait elle-même partie d'ArcelorMittal Europe) soutiendraient directement l'industrie sidérurgique chinoise en important de l'acier chinois". Elle fait savoir que le groupe n'est en rien responsable de cet achat d'acier chinois.
"Les activités de GEPOR couvrent la logistique portuaire sur la Moselle à Illange (France). GEPOR est une entreprise de logistique qui n’achète et ne vend aucun produit. GEPOR gère uniquement la logistique des commandes de ses clients, qui sont principalement des entreprises de négoce européennes. Dans le passé, il est arrivé que GEPOR assure la manutention de commandes d’acier chinois pour le compte de clients externes. Cependant, la direction d’AMAL a pris la décision de ne plus accepter de traiter ce type de commandes à l’avenir."
Double jeu des industriels de l'acier ?
Dans un échange avec notre journaliste Emmanuel Bouard, ArcelorMittal reconnaît avoir vendu en 2015 "un petit volume" d'acier chinois "pour une commande spécifique" par sa filière ArcelorMittal Distribution Solutions (AMDS). En précisant que cette commande n'avait rien à voir avec les bobines présentes à Illange actuellement et que c'était de l'acier "de catégorie inférieur", donc n'ont produit par les usines européennes. C'est pourquoi le groupe sidérurgique mondial l'a acheté en Chine.Pour la CGT, il s'agit d'un double discours.
"C'est faux ! ArcelorMittal pouvait fabriquer ces produits. S'il achète de l'acier chinois, c'est pour faire un maximum de profit !" Lionel Burriello, secrétaire général ArcelorMittal Florange.
Car si ArcelorMittal dénonce les risques pour l'emploi de l'arrivée massive d'acier chinois, comme à Fos-sur-Mer, dans le même temps, la réalité économique et stratégique est celle des accords passés entre le géant indien de l'acier et ses concurrents industriels asiatiques.
Ainsi, ArcelorMittal a monté en 2014 avec Hunan Valin, groupe sidérurgique chinois, une joint-venture (entreprise commune) pour produire en Chine de l’acier pour automobile à haute valeur ajoutée (Usibor).
Auparavant, et jusqu’en 2011, ArcelorMittal travaillait aussi avec BaoSteel et Nippon Steel pour produire à Shangai de l’acier pour le marché asiatique.
Toutefois, très officiellement, le groupe ArcelorMittal précise que depuis l'achat réalisé "au premier semestre 2015" (...) "aucune entité d’ArcelorMittal en Europe (Flat Carbon Europe, Long Products Europe, ArcelorMittal Distribution Solutions) n’achète d’acier chinois."
Cependant aucun des grands groupes sidérurgiques européens n’a, en réalité, intérêt, à bloquer ou limiter les importations chinoises en Europe. Car ils mettraient sinon en péril leurs partenariats en Asie, qui sont potentiellement beaucoup plus importants en volume et en valeur que les marchés automobiles du vieux continent.
Ce qui ne les empêchent pas de défiler à grand cris, avec les salariés, pour dénoncer le déversement du trop plein d'acier du marché chinois sur l'Europe. Et de saluer l'instauration de droits de douane sur certains produits sidérurgiques par les instances Européennes...
Pour mémoire, 2 millions de tonnes d'acier en provenance de Chine arrivent en moyenne chaque mois en Europe.