Mardi 14 février, à Strasbourg, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné le Luxembourg pour "violation de la liberté d'expression dans le cadre du scandale d'évasion fiscale "Luxleaks". Il va devoir verser des dommages et intérêts à Raphaël Halet reconnu lanceur d'alerte.
La Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné le Luxembourg pour violation de la liberté d'expression dans le cadre du scandale d'évasion fiscale "Luxleaks". Ainsi la CEDH demande au Luxembourg de verser des dommages et intérêts à Raphaël Halet.
C'est ainsi la fin d'un long combat et une étape importante pour d'autres lanceurs d'alerte. Originaire de Metz, après avoir été débouté en première instance, il est finalement reconnu comme lanceur d'alerte.
A l'époque, il avait été condamné par la justice de ce pays pour avoir transmis des documents fiscaux confidentiels à un média, lorsqu'il était employé par le cabinet de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC).
C'est la fin de 11 ans de combat judiciaire et pas seulement judiciaire d'ailleurs, de lutte contre l'évasion fiscale
Raphael Halet, lanceur d'alerte
La CEDH lui a donné raison dans un arrêt de la Grande Chambre rendu public mardi 14 février 2023. Selon elle, "l'intérêt public attaché à la divulgation de ces informations l'emporte sur les effets dommageables résultant de celle-ci". Basée à Strasbourg, la Cour condamne le Luxembourg et lui demande de verser à Raphaël Halet 15.000 euros au titre du préjudice moral et 40.000 euros pour les frais de justice. "C'est la fin de 11 ans de combat judiciaire et pas seulement judiciaire d'ailleurs, de lutte contre l'évasion fiscale", a réagi Raphaël Halet auprès de l’AFP. "C'est peut-être une étape pour eux pour la suite. C'est surtout dans cet esprit-là que j'ai fait toute cette démarche pendant onze ans".
Reconnu comme lanceur d’alerte
Joint par téléphone par France 3 Lorraine, le Vosgien Antoine Deltour, lanceur d'alerte à l'origine de la révélation d'une grande partie des documents des LuxLeaks s'est réjoui de cette décision. "On peut dire que c'est une victoire pour les lanceurs d'alerte. Le cas de Raphael permet de consolider la jurisprudence dans le cadre d'une procédure judiciaire. Cela permet d'éviter que le Luxembourg se permette de l'affaiblir. Cela permet de tourner la page et légitime son acharnement. Il a mené le combat jusqu'au bout. Au moins son effort est récompensé".
De son côté, Raphael Halet ajoute "qu'il y ait un tribunal, une cour de justice qui (puisse) reconnaitre qu'un lanceur d'alerte peut être de bonne foi, qu'un citoyen peut avoir raison de se battre contre un paradis fiscal ou une multinationale, parce qu'aujourd'hui c'est quand même un pays qui a été mis en déroute, un paradis fiscal au sein de l'Union européenne".
C'est quand même un pays qui a été mis en déroute, un paradis fiscal au sein de l'Union européenne
Raphael Halet, lanceur d'alerte
A la fin de l’année 2012, Raphaël Halet a communiqué à un journaliste seize documents utilisés dans un reportage de l'émission française "Cash Investigation" diffusée en 2013 sur France 2. Il voulait dénoncer les "rescrits fiscaux", pratique qui permettait à de nombreuses multinationales de bénéficier de conditions très avantageuses accordées par le fisc luxembourgeois.
Avant lui, un autre informateur, employé de PwC, avait copié 45.000 pages de documents confidentiels en 2010, remis au journaliste. A la suite d'une plainte de PwC, le premier informateur et le journaliste avaient été jugés puis acquittés par la justice luxembourgeoise. Raphaël Halet, lui, avait été condamné à 1.000 euros d'amende. "La victoire d'aujourd'hui c'est la preuve qu'il ne faut jamais abandonner, dit Raphaël Halet. Il a ajouté que "sa démarche allait au-delà de son cas personnel, espérant que d'autres lanceurs d'alerte, d'autres citoyens (...) puissent s'en servir pour mener le combat encore plus loin". (Avec AFP)