Après le meurtre de Philippine, des questions sur le parcours du suspect et des polémiques

Une enquête pour viol et homicide a été ouverte après le meurtre de la jeune étudiante de 19 ans, Philippine. Le suspect, interpellé en Suisse, est un Marocain. Il sortait du centre de rétention de Metz en Moselle, il est sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français. Il est âgé de 22 ans et il était déjà condamné pour viol.

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Le corps de Philippine, une étudiante de 19 ans à l'université de Paris-Dauphine, a été retrouvé enterré dans le Bois de Boulogne près de Paris vendredi 20 septembre. C'est sa famille qui avait signalé sa disparition.

On est dégoûté car ces situations, nous policiers, on les vit au quotidien. On est résigné, car on ne peut pas appliquer des OQTF

Fabrice Marseu, délégué du syndicat Unité Police.

Jeudi 26 septembre 2024, son meurtre relance la question de la récidive et le débat sur l'efficacité des peines. Le suspect principal est un Marocain, Taha O. Il est sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il venait de sortir du centre de rétention administrative de Metz en Moselle. "On est dégoûté car ces situations, nous policiers, on les vit au quotidien. On est résigné, car on ne peut pas appliquer des OQTF. Les centres de rétention sont devenus une deuxième maison d’arrêt et ils ne sont plus adaptés", dit Fabrice Marseu, le délégué départemental adjoint de Moselle du syndicat Unité Police. "On ne pouvait pas le garder plus longtemps en raison du délai. Il était à Metz en toute légalité. Lorsqu’il est sorti, il avait un contrôle judiciaire".

Entre prison et rétention

Une libération en raison d'un imbroglio administratif. "On délivre tellement de OQTF, que le ratio des expulsions est très bas". Avant sa sortie de détention, les autorités françaises avaient émis une demande de laissez-passer consulaire au Maroc. Cependant, cette demande n'avait pas été émise par le bon service en France.

Le point noir de ces situations reste la récidive. "Il faut quand même se poser les questions : comment on prépare leur sortie, comment on les encadre ? On sait bien qu’un jour, ils doivent sortir. Dans cette affaire, il n’y a aucun dysfonctionnement de la justice. Il n’y a pas assez de moyen pour éviter la récidive des délinquants sexuels. On est dépourvu en soins", explique Cendra Leblanc du syndicat de la magistrature.

Une étude publiée en 2016 [mesurer et comprendre les déterminants de la récidive des sortants de prison] montre que les plus jeunes des ex-détenus et les auteurs de vol simple ont un risque de récidive très supérieur à la moyenne.

Prévenir la récidive

Selon une source judiciaire de l’affaire, le suspect est sorti à la fin de sa peine, en bénéficiant de réductions automatiques que la loi permettait encore à l'époque de sa condamnation. Il a normalement été placé en centre de rétention. "L'institution judiciaire et l'administration pénitentiaire n'ont toujours pas les moyens de remplir leur mission de prévention de la récidive. Les structures médico-sociales en milieu fermé, prison et centre de rétention, sont sous dotées, et même inexistantes. Les conseillers d'insertion et de probation qui suivent les condamnés manquent aussi de moyens humains, ce qui fragilise les suivis, en détention et dehors", ajoute Cendra Leblanc.

La veille du meurtre, le 19 septembre Taha O. avait été inscrit au fichier des personnes recherchées, parce qu'il ne respectait pas son obligation de pointer. 

Condamné il y a cinq ans pour viol, il avait été libéré de prison au mois de juin. Tout en reconnaissant sa dangerosité, le juge des libertés et de la détention (JLD) avait validé sa sortie. Il a pris cette décision par le fait que "l'intéressé n'a pas sollicité l'asile et ne s'est pas opposé à la mesure d'éloignement". La détention de Taha O. avait été prolongée à trois reprises, prolongations de la mesure de rétention.

Il y a une telle peur qui s’installe dans les centres de rétention. Ils sont à quatre dans les chambres. Il n’y a aucune loi.

Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté

 

Depuis quelques années, dans les centres de rétention, la population a changé. "Les centres sont devenus trop "carcéral". C’est la loi du plus fort, celle des caïds. Les policiers sont juste là pour maintenir l’ordre", dit la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simonnot.

Dans un rapport, Dominique Simonot dresse un état des lieux alarmant des conditions des personnes enfermées. "Il y a une telle peur qui s’installe dans les centres de rétention. Ils sont à quatre dans les chambres. Il n’y a aucune loi. Ils sont là le temps strictement nécessaire pour l’expulsion. Au-delà de 60 ou 90 jours, on n’arrive plus à les expulser. Ils font des allers-retours entre la prison et le centre de rétention. Ils font ce que les surveillants appellent des "portes tournantes"", explique-t-elle. En France, en 2023, 16.000 étrangers en situation  irrégulière étaient détenus dans les centres de rétention. 

Le ressortissant marocain a été arrêté dans le canton de Genève, en Suisse. Les autorités judiciaires françaises ont désormais 18 jours pour déposer une demande d'extradition. L'information judiciaire porte notamment sur les infractions de "meurtre précédé, accompagné ou suivi d'un autre crime, viol, vol et escroquerie". Le tout en état de récidive légale. 
En France, le taux d'exécution des mesures d'éloignement (OQTF) tourne autour de 7% contre près de 30% au niveau de l'UE. Il est le plus bas de l'Union européenne.  

             

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