Les salons de coiffure sont fermés depuis le 16 mars au grand dam de celles et ceux qui voient leurs cheveux pousser ou blanchir... Alors que les contours d'un déconfinement se profilent pour le 11 mai prochain, dans quelles conditions, la réouverture va-t-elle se passer?
C'est un coiffeur virtuose, champion du monde de coiffure en 2014, qui a fait le choix d'exercer dans un petit village de Moselle-Est, à Dieding. C'est là qu'Alexandre Schoettel a repris il y a quelques années le salon tenu par sa maman. Un petit salon par la taille avec quatre salariés et le patron, mais grand par la renommée puisque les clients viennent parfois de plusieurs dizaines de kilomètres aux alentours pour une coupe, la taille d'une barbe, ou une coloration.
Suite à l'arrêté du 15 mars 2020, comme l'ensemble des 85.000 salons de coiffure de l'hexagone, Alexandre a fermé son salon le 16 mars, en réalité le 17 puisque son salon est fermé le lundi, comme souvent dans la profession.
Un salon vide et 20.000 euros de perte de chiffre d'affaires depuis la fermeture voilà la réalité pour ce chef d'entreprise.
Activité "non essentielle"
Et depuis plus rien, ou presque. Beaucoup de clients ont continué a appeler le salon, pour l'après confinement. Et Alexandre a tenu a répondre, déclinant bien entendu les demandes de coupes pendant le confinement car c'est évidemment illégal. Plus d'un mois et demi après la fermeture des salons de coiffure -jugés comme "non essentiels" à la vie de la nation- les cheveux des Français se sont bien allongés. Pour certains, le blanc ou le gris ont remplacé les couleurs.... S'il existe bien la solution des coupes-maison, Bruno Le Maire a noté que celle-ci n'est ''pas toujours formidable''.Alors il n'est pas étonnant que depuis l'annonce d'une réouverture des salons à partir du 11 mai, les demandes de rendez-vous affluent à nouveau. Chez Alexandre aussi: le coiffeur branché réseaux sociaux est resté très actif pendant le confinement, en répondant aux questions de ses clients notamment sur la réouverture du salon.
Dans les grandes lignes, Alexandre sait qu'il rouvrira bien le mardi 12 mai, après avoir consacré une journée la veille, voire la semaine qui précède, à la formation et l'information de son équipe. "Il faut que nous abordions toutes les questions pratiques, d'organisation, de sécurité avant que les clients reviennent au salon", déclare le jeune patron.Une dame m'a demandé si nous allions couper les cheveux dans le petit jardin attenant au salon. J'ai répondu que c'était envisageable.
- Alexandre Schoettel, coiffeur en attente du déconfinement
Des questions auxquelles il n'a pas toutes les réponses aujourd'hui.
Ce mercredi 22 avril, Christophe Doré, vice-président de l'Union nationale des entreprises de coiffure (UNEC), syndicat dont Alexandre est l'un des adhérents, a fait parvenir au gouvernement une fiche métier. Celle-ci vise à adapter les fonctions aux contraintes de la pandémie. La réponse du ministère à ce protocole de sécurité devrait parvenir prochainement et éclairer du coup la profession.
Car les nouvelles règles seront strictes:
- Nombre de clients adapté à la surface du salon
- Interdiction de servir le café, de proposer des magazines
- Obligation pour les clients de venir seuls
- Les blouses seront lavées sur site
- Les rendez-vous seront obligatoires
Mais Alexandre va plus loin, anticipant sur ce que sera probablement la norme des bonnes pratiques dans la profession. '' Nous travaillerons par rotation, la moitié de l'équipe le matin l'autre moitié l'après-midi''
Et les clients? Eux ne porteront pas de masques, du moins durant la prestation car comme le rappelle Alexandre. "Il n'est pas possible de réaliser une coupe de cheveux, encore moins la taille d'une barbe si la personne porte un masque, c'est une évidence''Nous porterons des gants, un masque ET une visière pour nous protéger et protéger nos clients.
- Alexandre Schoettel
Matériel de protection
Solutions hydroalcooliques, gants, masques, visières, comment ce professionnel va-t-il se fournir en matériel de protection?Par son réseau personnel mais aussi grâce à la mobilisation des institutionnels et de la profession. Voici quelques pistes qui pourront également être utiles aux autres professionnels, coiffeurs ou non. La Région Grand Est a lancé une plateforme de mise en relation des fabricants d’équipements de protection individuelle (masques, gels hydro-alcooliques…) avec les entreprises (professionnels non-soignants).
La plateforme est à consulter ici
Une autre plateforme StopCOVID19.fr est mise en place avec le soutien du Ministère de l’Economie et des Finances. Elle permet aux professionnels en première ligne (santé, agroalimentaire, grande distribution, transports..) de rentrer en contact et de passer commande directement auprès des producteurs et distributeurs de produits de première nécessité tels que le gel, les masques, les blouses et autres produits.
Troisième possibilité, en concertation avec les Chambres des métiers et de l'artisanat (CMA) et les Chambres de commerce et de l'industrie (CCI), la plateforme de e-commerce Cdiscount se mobilise pour permettre aux TPE-PME de s’approvisionner plus facilement en masques chirurgicaux. Testée en Auvergne-Rhône-Alpes depuis le 9 avril, cette opération se déploie depuis le 20 avril dans toute la métropole et en Corse et s'étend à tous les secteurs d'activités. Voici le lien
Enfin toutes les informations sur les dispositifs d'aide sont à jour sur le site de la CMA de Moselle
Seuil de rentabilité
Reste une question en suspens, pour laquelle personne aujourd'hui n'a encore de réponse: celle du retour des clients. Nul ne sait quelle sera la force de la reprise d'activité, dans la coiffure comme ailleurs. D'autant que les mesures qui pourraient être appliquées ne permettront peut-être pas à certains salons d'atteindre leur seuil de rentabilité. ''Pour que notre activité soit rentable, et donc pérenne, il faut que la masse salariale n'excède pas 50% du chiffre d'affaire."La question de l'emploi, si elle n'est pas encore à l'ordre du jour, se posera probablement après plusieurs semaines de déconfinement qu'il soit total partiel géographique, générationnel. Dans les métiers de la coiffure comme dans de nombreux autres secteurs qui dépendent de la demande du public.Le problème de l'emploi se posera pour de nombreux salons si le chiffre d'affaire baisse durablement.
- Alexandre Schoettel
Réouverture vitale pour des milliers de salons
Au-delà du cas d'Alexandre, la profession dans son ensemble n’a jamais cessé de travailler aux conditions de la réouverture des salons. Dès l’annonce du confinement d’ailleurs. Mais lorsque la date du 11 mai a été annoncée, syndicats patronaux, syndicats de salariés et toutes les instances de la profession ont travaillé d’arrache-pied pour aboutir à ce fameux protocole pour permettre la réouverture.La Moselle compte à elle seule 1.100 entreprises de coiffure, pour l’immense majorité des TPE. S’il est vrai que les pertes sont très importantes en termes de chiffres d’affaires, la plupart devraient néanmoins s’en sortir car les aides, les gels de loyers, les reports de cotisations, les prêts bancaires, les mesures de chômage partiel ont fonctionné (en tout cas pour ceux qui les ont sollicités).Même progressive, la réouverture est vitale pour les salons mais indispensable également pour de très nombreux clients, car être bien coiffé peut aussi donner de la joie de vivre et aider à garder le moral pendant cette période.
- Liliane Lind, présidente de l’UNEC 57 et de la CMA 57
L’enjeu principal va donc consister, pour les salons comme pour les coiffeurs à domiciles à respecter les nouvelles règles pour rassurer une clientèle avide de coupes et de colorations, notamment en garantissant une occupation de l’espace adaptée à l’ère de la pandémie. En gros moins de clients en même temps dans les salons -distanciation sociale- et bien sûr toutes les mesures d’hygiène et de désinfection -gestes barrière et équipements-.
Une réponse attendue à partir du 27 avrilNous sommes prêts et nous attendons à présent la réponse du ministère à nos propositions.
- Liliane Lind
Les chiffres de la coiffure
Avec 85.192 établissements, la coiffure occupe le 2e rang des activités artisanales en France après les entreprises de maçonnerie générale.La profession compte près de 180.000 actifs, très souvent acteurs majeurs du commerce de proximité sur tous les territoires.
Pour plus de détails, voici les chiffres 2019 publiés par l'UNEC