Confinement : quoi faire sans coiffeur quand mes cheveux poussent n'importe comment

Après trois semaines de confinement, la "catastrophe" capillaire s'ajoute à la crise sanitaire. Itinéraire d'un chevelu égaré: pas facile de démeler le vrai du faux dans la jungle des conseils de coiffeurs et coiffeuses à l'arrêt forcé. Constat implacable: sinistrée, la profession va devoir changer.

"Mes cheveux poussent tous les jours, encore plus vite le week end! Sur ma tête, c'est la catastrophe!" Un passant hirsute et désemparé. Comme pour vous monsieur, mon salon de coiffure est fermé. Encore plus un lundi.

Encore plus inaccessible ce 06 avril 2020 qu'il y a trois semaines au début du confinement. Inéxorablement clos.

Tous les coiffeurs de France ont reçu l'interdiction d'exercer le 17 mars à midi. De fait, les dernières coupes et couleurs autorisées ont eu lieu le samedi 14 mars dans une immense majorité des établissements.

Les coiffeurs à domicile aussi

Le message de fermeture a été appliqué immédiatement dans les salons. Mais les coiffeurs à domicile et leurs clients ont un peu tardé à rentrer dans le rang. Il a fallu quelques jours pour que chacun comprenne que cette activité était au moins aussi exposée que celle des aides à domicile ou que celle de certains personnels soignants.

Coiffer c'est être en contact direct, on est à 30 ou 40 centimètres du client. On ne sait pas ce qu'on peut attraper ou transmettre!
- Corinne Saleur, coiffeuse à domicile de Villers-lès-Nancy

"Tous les coiffeurs sérieux appliquent cette fermeture, je ne travaille plus depuis trois semaines, je ne coiffe même pas dans ma famille, mais les gens continuent à appeler. Certains ne comprennent toujours pas que c'est dangereux pour eux comme pour nous!", témoigne Corinne, professionnelle expérimentée qui reçoit encore 5 ou 6 demandes quotidiennes.


Pas d'arrangement possible

Face aux demandes de plus en plus pressantes, les coiffeurs à domicile doivent tenir bon, ne pas s'énerver, expliquer, encore expliquer sans risquer de perdre la clientèle:

Ce n'est pas facile de faire comprendre à tout le monde qu'il n'y a pas de dérogation ou d'arrangement possible. La première semaine les gens insistaient beaucoup!
- Irina, coiffeuse à domicile de Nancy (Irastyl Coiffure)

"Ça c'est calmé mais il faut diffuser ce message: soyez patients! Votre santé passe avant votre apparence!" La coiffeuse russe n'a pas donné le moindre coup de ciseau depuis trois semaines. Elle reconnait que c'est une période difficile mais conclut par un cinglant, "il faut que tout le monde se respecte, même si tout le monde a peur."


La profession remise en question

"Face à cette situation, la profession doit revoir tous ses protocoles et appliquer de nouvelles mesures!" Un cri d'alarme lancé très tôt par Rachel Klein, propriétaire du salon "Mary coiffe les hommes" dans le centre historique nancéien.

Son fils vit à Pékin (Chine) et l'a informée dès décembre 2019 de l'évolution de l'épidémie. Rachel savait que la crise sanitaire allait arriver en France et a fait changer dès le mois de février les habitudes très conviviales de son salon plutôt branché et haut de gamme. "En décembre une cliente fortement grippée est venue au salon et m'a dit : "je suis malade mais ça va me faire du bien d'aller chez le coiffeur" Ça m'a mis la puce à l'oreille et ça m'a révoltée!"
 


"J'ai dû informer, sensibiliser et former mes trois salariés sur le champ, ça n'a pas toujours été facile. C'est tout un apprentissage et de vieilles habitudes de proximité et de convivialité à revoir: plus de bises, le moins de contact possible, se tenir à distance et surtout tout nettoyer et désinfecter en permanence. Nettoyer les bacs à shampoings, tous les outils, passer la lingette sur tous les points de contact, changer les lames des tondeuses et rasoirs après chaque client."

"C'est devenu un poste à temps plein pour un de mes salariés, alors il faut aussi faire tourner et planifier car ils sont avant tout coiffeurs et coiffeuses. Il y a eu aussi le retrait des chaises d'attente, un seul client au shampoing, etc... En plus, il a fallu se taire, parler le moins possible, ce métier vous le savez est basé sur la conversation et le relationnel... Pas facile, mais mes salariés ont eu l'élégance de suivre mes requêtes."

Prenez l'exemple du sèche-cheveux : quoi de plus efficace -donc dangereux- pour véhiculer les gouttelettes et le virus !

"Nous exerçons un des métiers les plus exposés parce qu'en contact direct et tactile avec la clientèle. Il faut vraiment tout revoir pour envisager une sortie de crise plus sereine. Nous ne sommes pas prioritaires pour les gels hydroalcooliques, ni pour les surblouses, ni pour les masques, pourquoi ? Pour l'instant ni la Chambre des métiers, ni la Médecine du travail, ni l'ARS n'ont préconisé quoique ce soit concernant notre profession. Nous ne sommes pas des personnels soignants mais l'exercice concret de la coiffure nous expose tout autant que les aides à domicile. Il va falloir renforcer les mesures d'hygiène et nos habitudes dès la fin du confinement, c'est urgent."


La déferlante attendue

Contaminée par le virus malgré toutes ces précautions à la mi-mars, Rachel a connu deux semaines très éprouvantes, "complétement à plat, avec une chaude alerte aux 10e et 11e jours, mais maintenant ça va mieux." Elle s'attend à une déferlante de clients à l'annonce de la fin du confinement. "Je reçois encore des demandes par dizaine chaque jour."

Une cliente m'a même demandé de privatiser tout le salon pour elle seule, "vous pouvez faire ça pour moi quand même."

Evidemment, la tentation de l'exercice non déclaré est grande, mais Rachel a intimé l'ordre à ses salarié(e)s d'être intraitables dans une note de service. Même si les gens insistent lourdement, il ne faut jamais céder et faire patienter les clients. "Ce qui est certain, c'est que nous allons devoir affronter un nouveau type de clientèle et inventer un type de coupes inédites : le rattrapage de coupes ratées pendant le confinement."


Au Luxembourg aussi

Installée à Luxembourg ville depuis moins d'un an, la coiffeuse nancéienne Laetitia Dal Molin vit son confinement au Grand-Duché dans des conditions comparables:

Ici, l'interdiction d'exercer est totale. Les amendes s'élévent à 3.000 euros en cas de non-respect des règles.

Laetitia utilise alors les réseaux sociaux et son téléphone pour conseiller ses clientes et amies à distance. Envoi et partage de tutoriels vidéos, petites astuces de coupes basiques ou de certaines marques de teintures pour colorer les cheveux: "il faut aller vers les couleurs avec des bases naturelles sans reflets et ne surtout pas forcer les doses."

Les blondes devront attendre un peu plus sinon elles se retrouveront orange ou saumon!
- Laetitia Dal Molin

Laetitia "consulte" par photo ou par messagerie et déconseille fortement l'usage de la tondeuse pour ceux qui débutent. Des ciseaux et un peigne pour juste égaliser les franges, les pointes et certains contours semblent moins destructeurs que les ravages de l'outil mécanique! Ne pas tenter de s'attaquer à la masse des cheveux, c'est là que les dégâts sont les plus importants.

Au Luxembourg, les salons de coiffure pourraient rouvrir dès le 20 avril avec de nouveaux aménagements sanitaires qui restent à définir. En France, aucune information concernant une date de réouverture ne circule malgré nos démarches auprès des services compétents. Conclusion: restez chez vous, ne tentez pas l'impossible, on ne s'improvise pas coiffeur en quelques jours. Découvrez et adonnez-vous à un joli jeu de patience: écouter et regarder pousser vos cheveux et ceux de vos proches.

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