Un projet d’expérimentation de la dépénalisation du cannabis pour cinq ans est âprement débattu outre-Rhin. Fruit des promesses électorales du parti social-démocrate (SPD) lors des dernières élections législatives de 2021, la question est l’objet de vives discussions au sein de la coalition au pouvoir en Allemagne, sur fond de négociations avec la Commission européenne.
Le premier projet était très ambitieux. Fidèle au programme qui les a portés en tête des élections législatives en Allemagne, le 21 septembre 2021, les socialistes allemands, alliés aux Verts et aux Libéraux, ont entrepris à l’automne 2022 de présenter au Bundestag un premier texte qui allait dans le sens d’une vaste dépénalisation de la consommation du cannabis en Allemagne avant une légalisation complète.
Comme le rappellent nos confrères du Monde, la première mouture prévoyait deux mesures phares. D’abord "la création de clubs de consommateurs, sous forme d’associations à but non lucratif où les adultes seraient autorisés à en posséder jusqu’à 25 grammes ainsi qu’à cultiver trois plants de cannabis". Ensuite la création de "magasins spécialisés dans la vente de cannabis, dans le cadre de licences accordées par les pouvoirs publics".
Prévue pour cinq ans, cette expérimentation aurait fait "l’objet d’une évaluation scientifique qui aurait permis de mesurer les effets d’une chaîne d’approvisionnement commerciale sur la protection de la jeunesse et de la santé et sur le marché noir".
D'abord un projet avec une expérimentation régionale
Mais le mercredi 5 avril 2023 lors d’une conférence de presse le ministre de la Santé social-démocrate Karl Lauterbach a présenté une version beaucoup plus restreinte de la grande révolution annoncée : "les objectifs initiaux n’ont pas changé (…): plus de sécurité dans la consommation, enrayer le marché noir, une meilleure protection des jeunes". Les mineurs sont exclus du dispositif : il leur sera toujours interdit d'acheter et de consommer du cannabis.
Exit la vente dans des magasins spécialisés : malgré des discussions avec la Commission européenne, cette dernière n’a pas plié et s’est réfugiée derrière la décision-cadre du 25 octobre 2004 sur "les infractions pénales et les sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue" qui interdit notamment le commerce du cannabis. L’opposition outre-Rhin, et notamment les conservateurs de la CDU et les syndicats de policiers, refuse toute discussion sur le sujet : l'interdiction resterait la règle.
A ce stade, la dépénalisation en cours se ferait par étape en Allemagne, et d’abord dans une cadre expérimental contraint géographiquement. La liste des régions où elle aura lieu n’est pas connue à ce jour. La légalisation est écartée de fait : la production et la vente en dehors de ce protocole seront exclues. Le scénario à l’américaine, où des sociétés ont bâti des empires sur la légalisation et le commerce dans certains états, ne devrait donc pas voir le jour en Allemagne, ni même en Europe. Le business légal de l’or vert devra patienter !
Situations diverses chez nos autres voisins
En Belgique, selon nos confrères de la RTBF, "détenir ou cultiver du cannabis est une infraction punissable d’une amende ou d’un emprisonnement. Mais dans la pratique, celui ou celle qui a plus de 18 ans et qui détient du cannabis pour son usage personnel ne sera vraisemblablement pas poursuivi, sauf si cette détention s’accompagne de circonstances aggravantes ou de troubles à l’ordre public. La quantité maximum considérée pour un usage personnel est de 3 grammes (sur soi) ou une plante cultivée (à son domicile)".
Au Luxembourg, qui a prévu une grande loi de dépénalisation, le texte patine et ne sera probablement pas voté avant les élections législatives prévues à l’automne. Le gouvernement au pouvoir DP-LSAP-Déi Gréng l’avait pourtant promis dans son accord de coalition 2018-2023. La production personnelle était même dans les cartons, à hauteur de quatre plantes par foyer. La consommation sur la voie publique resterait interdite. Mais pour l’heure, aucun texte n’a été proposé au vote en ce sens.
La France, selon le quotidien Libération, compterait 900000 consommateurs quotidiensen France. Aucun projet de dépénalisation n’est à l’ordre du jour législatif.